Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 décembre 2010 2 28 /12 /décembre /2010 16:50

http://patrick.straub.free.fr/Site_CPDCM/images/image_totoro/totoro.gif 

L'illustre Miyazaki aura décidemment été au centre de mes derniers zyeutages de film. Pas moins de quatre métrage se sont rajouté à la vision déjà ancienne du Voyage de Chihiro, du Château dans le ciel, du Château ambulant et de Ponyo sur la falaise.

 

  Je ne pensais pas d'abord à une chronique sur ces quatre anime. A quoi bon encore parler de films aussi canoniques que Princesse Mononoké, Nausicaa ou Mon Voisin Totoro ? Puis, aujourd'hui même est venu le déclic : le visonnage de Porco Rosso sur lequel je me suis aperçu qu'il y avait beaucoup plus à dire que je ne l'imaginait au départ. Alors autant se jeter à l'eau.

 

  Sur ces films, les deux premiers restent les plus éblouissants en terme de création d'univers -on remarquera que ce tous deux dévellopent des thémes trés semblables relevant de l'écologie, théme inspirateur par excellence ?

  Princesse Mononoké est peut-être le film le plus épique du réalisateur, authentique épopée de fantasy comme on en voit trés rarement au ciné, du point de vue l'univers merveilleux dans un Japon de légende, mais aussi de son ton trés adulte, qui donne ses lettre de noblesse à un cinéma de fantasy encore trop lourdement adolescent.

  Nausicaa en est un peu le pendant SF et post-apo, avec un peu moins d'ampleur épique, et il faut dire une héroïne sans peur et sans reproche qui m'a semblé bien moins intéressante que les personnages tourmentés du précédent. Il n'empêche qu'il s'agit également d'une grande épopée, qui dégage en outre une ambiance visuelle très particulière : il fallait tout le talent de poésie graphique de Miyazaki pour faire naître le ravissement devant la Fukai, la forêt radioactive qui a tout au départ pour être une de ces scénes d'horreur auxquelles la science-fiction d'aventure nous habitué.

 

  Avec Mon voisin Totoro, on entre dans un tout autre registre, celui des univers Miyazakien plus subtils, plus en  demi-teinte. Mon voisin Totoro  plaira sans doute surtout à ceux qui ont  gardé leur âme d'enfant, mais il n'empêche, ça reste de l'Art.

  L'univers que découvre les deux petites héroïnes comporte  son lot de merveilles, la plus étonnante restant le chat-bus, dont la deuxième apparition est plus éblouissante que la première. Néanmoins, les éléments merveilleux restent peu nombreux et, quand on a vu, au hasard, Le Voyage de Chihiro, l'interêt du film ne peut se résumer à elles. D'abord la poésie graphique, déjà évoquée, de Miyazaki, peut faire naître le merveilleux des décors les plus réalistes, comme le tunnel de verdure où Mei poursuit les Totoros. Ensuite, Mon voisin Totoro, c'est aussi des personnages : si ce film est l'un des plus légers de son auteur, dépourvu de méchants et de véritables enjeux, il ne bascule jamais dans la miévrerie, grâce à sa représentation trés juste du monde de l'enfance, qui n'est pas fait uniquement du bonheur de cueillir des fleurs.

 

  Enfin, il y a Porco Rosso, qui m'a le plus surpris, car je m'attendais pas à ce que ce soit dans ce film que je trouve la poésie miyazakienne au sommet de sa subtilité.

  Porco Rosso, c'est surtout un grand récit d'aventure dans l'Italie des années 30, dans le domaine qui passionne le réalisateur, l'aviation. Avec un élement merveilleux, parfaitement accepté de toute honnête personne de cet univers, c'est que le héros, véritable légende vivante, est un cochon, depuis un envoûtelment assez mystérieux (je vais y revenir).

  On retrouve dans ce récit d'aventure aérien une légéreté  commune à de nombreux film de Miyazaki, avec des "méchants" plus bêtes que rééllement méchants. Mais les thémes en sont trés adultes : le héros Marco, alias Porco Rosso, est un chasseur de prime, et donc un personnage peur recommandable...du point de vue de l'Italie fasciste, c'est dire que la notion de mauvaise réputation est ici malmenée. Car Porco Rosso a des principes, et s'il est un chasseur de prime, il refuse d'être un pilote de guerre, symbolique  qui revient tout le long du film. Celui-ci fait référence plus largement au contexte de l'époque, à travers non seulement le fascisme mais aussi la crise économique -et pourtant le film reste à cent lieu de la noirceur, avec Porco Rosso qui reste trés populaire pour un dissident, les fabriquants d'avions qui se debrouillent encore pas mal en temps de crise, et bien sûr les pirates, méchants qui n'en sont pas.

  Mais la subtilité est encore plus profonde, dans la mise en scène et dans le climat de mystère. Le meilleur exemple, bouleversant, est l'histoire que raconte Marco à la petite Fio, son aventure sur la mer de nuage, sommet de poésie du film. Si Marco a encore son visage d'homme dans ses souvenirs, impossible de savoir si cette aventure merveilleuse a un lien avec sa métamoprhose (sur laquelle le mystére reste entier) et l'on se demande de toute façon si la scène ne nous dit pas autre chose. La fin, que je ne dévoilerai pas, est un autre exemple de mystére poétique : Miyazaki aurait pu finir son film comme le conte de fée que tout un chacun aurait attendu, mais il choisit de le faire plus délicatement, en laissant la fin ouverte à toutes les interprétations (c'est sûr qu'en terme de mystére c'est d'une tout autre classe que le coup de la toupie à la fin d'Inception, haha -mais je m'égare).

  Bref, Porco Rosso, comme Mon voisin Totoro, trouve son interêt dans une poésie subtile et en demie-teinte, quand les deux premiers films sont plutôt du côté du vertige du sense of wonder.

 

  Preuve s'il en est besoin qu'en plus d'être un poéte, Miyazaki est un poéte qui a de nombreuses cordes à son arc et ne se laisse pas enfermer dans un style.  

Partager cet article
Repost0
26 décembre 2010 7 26 /12 /décembre /2010 15:02

http://www.actusf.com/spip/IMG/jpg/Blackbook01.jpg 

C'est pas pour dire, mais ça commençe à bouger depuis quelques années dans le monde de la fantasy, avec pas mal d'oeuvres orginales dont les créateurs francophones ont nom Jean-Philippe Jaworski, Justine Niogret, Paul Béorn, Fabien Clavel.

  Certes, Les Loups d'Uriam de Philippe Tessier, premier tome de la trilogie des Chroniques de Tire-d'Aile (j'en vois qui rigolent, dans le fond) n'est pas non plus la grande Révolution du genre. Le canevas en est ultra-classique : un trés jeune élu destiné pour ainsi  dire à sauver le monde, partant en quête au sein d'un équipage hétéroclite. Mais avant de partir en courant, rappelons-nous que c'est à peu de chose prés le canevas de Dark Crystal. Il serait bien sûr ridicule de comparer Les Loups d'Uriam  au somptueux film de Jim Henson, mais un petit quelque chose les rapproche quand même dans un certain esprit poétique.

 

  Car ici l'élu, justement nommé Tire-d'Aile, est une marionette en bois créé par la puissant magicien Saule. C'est lorsque son Gepetto est capturé par les soldats de l'Empereur et que lui-même doit partir en quête des growls, les fameux hommes-loups d'Uriam, que s'ajoute une compagnie tout aussi peu commune : les deux amies de Tire-d'Aile d'abord, c'est à dire son araignée de cristal  et la flamme vivante qu'il doit protéger à tous prix, puis s'y joignent  un loup bavard, une petite fée de la rosée, une femme-ombre, un souvenir d'homme invoqué pour les guider par la route des nuages, et d'autres compagnons encore aprés une dissolution temporaire de la bande, dont un confrére de Saule et un trappeur qui a emprunté leurs capacités physiques aux loups.

  Ces personnages colorés, qui semblent d'abord sorti d'un bon vieux Disney  et dont l'équipée a d'ailleurs un peu de la naïveté trés théâtrale d'un dessin animé, connait une assez impressionante progression. Ainsi le loup Nacre évolue-t-il de faire-valoir drôlatique en personnage dramatique clé, Ombre est-elle dés le départ un personnage ambigu dont le sort, qui la contraint à se dresser contre ses amis, fait basculer une partie du récit vers la noirceur tragique ; Tire-d'Aile lui aussi a une carrure de personnage tragique, trés jeune innocent sur lequel pése une destinée trés lourde à porter, à cent lieues de l'Elu sans peur et sans reproche.

  Cette insolite compagnie évolue dans un décor à sa démesure, un monde où la magie est omniprésente, où vit toutes sortes de créatures féériques, depuis les esprits élémentaires jusqu'aux sylphes, aux pégases et aux géants. Un monde où l'on construit des mines dans le gouffre où ses couchent l'une des lunes, où chacun voit au quotidien le Phenix allumer le soleil et la Dame de la Nuit l'éteindre.

  C'est justement dans l'évocation de ce monde merveilleux que se situe le principal défaut du roman, lequel reléve du style. Même si les passages ridiculement ampoulés comme on en voit trop en fantasy sont rares quoique présents, la principale maladresse d'écriture réside au contraire dans une trop grande concision, ou pour parler plus franchement un cruel manque d'emphase épique dans les passages qui en ont le plus besoin, un manque qui ôte tout immersion réaliste au texte et  fait du lecteur un spectateur un peu décalé.

 

  Néanmoins, pour ceux qui saurons faire abstraction de ce défaut (ce qui peut être difficile, j'en conviens) ce premier tome des Chroniques de Tire-d'Aile reste un excellent divertissement, original, frais et léger, de cette  fraicheur et cette légéreté qui ne sont pas si courants en fantasy.

 

  Pour clore cette chronique, la voix d'ActuSF : link   

Partager cet article
Repost0
21 décembre 2010 2 21 /12 /décembre /2010 19:39

 

http://www.coronacomingattractions.com/sites/default/files/news/emily_the_strange_cover.jpg 

Ma lecture toute récente de La Mort lui va si bien, deuxième tome chez Soleil des aventures en bulles d'Emily the Strange, vient de s'ajouter à celle du premier volet, Morte d'ennui, qui date déjà d'un bon neuf mois (tome 1 pour lequel je met la couverture en Vo, bien plus classe que celle de Soleil).

 

  Le personnage d'Emily the Strange, créé par Rob Reger initialement pour la célèbre marque de vêtement, avant que celui-ci ne décide d'en faire un comics chez Dark Horse, est devenu emblématique d'une certaine culture underground et, bien entendu, du mouvement gothique.

 

  Mais il ne s'agit pourtant pas d'une oeuvre fanique destinée à n'être comprise que d'un cercle fermé. D'ailleurs, Rob Reger a fait le choix judicieux de références trés éclectiques, y compris dans le rock (auquel est consacré tout le premier épisode du tome 2, sans compter bien sûr les "étranges interview" qui ponctuent toute la série). Plus largement, il n'est aucun besoin de s'intéresser profondément à la culture gothique pour s'éclater à la lecture de ce comics : le contraire serait dommage, car Emily the Strange est un monument de loufoquerie poétique qui classe Rob Reger au côté des plus grands cartoonistes américains. Si le côté censément noir et dépressif de la culture goth est assumé à longueur de pages avec une bonne louche d'auto-dérision, il est prétexte à un délire réjouissant mené par une adorable héroïne (et ses chats) à l'humour ravageur et à l'imagination débordante.

 

  Au cours de ces deux tomes, nous la voyons se perdre dans un magasin labyrhintique, partir à la recherche de l'Atlantide après en avoir repêché la carte dans la caniveau,  passer le concert d'examen au lycée Rock'n'Roll (où tous les profs sont des pointures du domaine), ressusciter un chat qui devra cependant rester découpé sur papier, bricoler des "inventions non conventionnelles" (surtout dans le tome 1 pour celles-ci) telle la trés tirée par les cheveux  machine à tuer le pére temps, avec laquelle elle rivalisera dans le tome suivant pour piéger un tueur de chat (auparavant, elle aura essayé contre cet odieux criminel le robot-femme-potiche téléguidée), rejouera la genèse version féministe et dark, le conte de boucle d'or  version rock, la Japon des samouraï, Frankenstein, la Guerre des étoiles...

 

Tout ce délire est bien entendu servi par les dessins, mais ceux-ci dépassent cette fonction pour délivrer une poésie graphique qui leur est propre. Outre l'exploit de réaliser une série entière en noir, blanc et rouge, les dessins flirtent  sans cesse avec l'expérimental, dans des dessins oniriques qui resemblent à de l'automatisme, dans des collages et des cartoons purement graphiques  pour lesquels Rob Reger invitent parfois d'autres "artistes trippant".

 

  Que vous vous intéressez ou non à la culture gothique, peu importe, penchez-vous sur ce monument de poésie loufoque qui se permet en outre de faire de l'Art.  

Partager cet article
Repost0
20 décembre 2010 1 20 /12 /décembre /2010 22:34

http://images.allocine.fr/r_760_x/medias/nmedia/18/72/35/98/19186758.jpg 

Encore un film que je viens de revoir par la magie du DVD aprés l'avoir découvert au ciné. La claque a cependant été moins grande que This is England.  Car The Limits of control de Jarmusch m'a laissé une impression paradoxale qui se confirme aprés seconde vision : je suis incapable de dire précisement si j'aime ou pas, même si je suis convaincu de l'interêt de sa démarche. Et je crois que c'est le genre de film qui passe ou qui casse selons les spectateurs, soyez-en prévenu.

 

  Le film présente une sorte d'agent double mystérieux (et d'ailleurs sans nom comme tous les personnages du film) qui arrive en Europe, direction l'Espagne, pour une mission tout aussi opaque. Inutile que je précise qu'il ne faut surtout pas s'attendre à du James Bond, parce que dans le genre anti-film d'espionnage, on a rarement fait plus plus hardcore.

 

  On s'en doute déjà dés l'exposé, à un aéroport français, de la "mission", dans une récitation sybilline en plusieurs langues, dont d'ailleurs les phrases se retrouveront par d'étranges hasards dans le voyage de notre agent.

  Celui-ci même est un personnage qui arrive à être intriguant : impavide et limite inexpressif (mais tout tient justement dans cette limite), quasi mutique, il semble un modéle de concentration, avec ses exercices de relaxation quotidiens, son refus pendant le travail des téléphones mobiles ainsi que du sexe (même quand une femme s'allonge nue sur son lit). Et en même temps, on le devine asez rêveur, attaché aux promenades solitaires et à l'exploration de la culture sous toutes ses formes, du musée à la musique classique (une double scénette trés symbolique le montre même fréquenter coup sur coup un bar huppé et feutré et un bar jeune plus rock'n'roll).

  Ca c'est pour les à-côtés de la missions...et celle-ci alors ? J'aurais envie de répondre : des à-côté aussi. Car ce qui tient lieu d'intrigue se limite à un schéma répétitif qui est le principal motif qui fait que le film, comme je l'ai dis, ça passe ou ça casse.

  Il s'agit d'une série de rencontre qui se passent toujours de la même manière : un personnage aborde l'agent sans nom à la terrasse d'un café par la formule "vous ne parlez pas espagnol, n'est-ce pas ?" puis lui parle en bon anglais, dans un langage aux métaphores poétiques, d'un domaine culturel qui le passionne, art, science...Au terme de l'entretien, se fait un échange de boîte d'allumette, l'agent en reçevant ainsi une nouvelle contenant un message qu'une fois lu il fait disparaitre en l'avalant avec son café. Et un don en plus de temps en temps, comme la guitare qui jouera un rôle inattendu. 

  Et c'est tout. Bien sûr que nous avons compris que l'interêt n'est pas dans le but de la mission, forcément déçevant, mais dans la voyage. En l'occurence un voyage dans la culture mondiale menacée, qui se dessine comme la véritable commanditaire et la victime à défendre dans cette mission, mais aussi et surtour voyage intérieur.

  Car toute la subtilité du film tient dans l'effort qu'il demande  au spectateur : se glisser dans la peau de l'agent et adopter sa concentration rêveuse. Et ainsi se rendre compte que le film  n'est pas si répétitif quand on cherche dans les détails.

  Ainsi le voyage prend l'allure d'un parcours initiatique au sens premier, ésotérique, du terme : on commence dans la grande métropole madriléne, on continue dans un arrière-pays rustique, pour finir dans la cambrousse la plus sauvage ; les promendes culturelles évoluent en conséquent, moins riches, mais aussi les personnages rencontrés : on passe des artistes de grands standing (dont une actrice à l'insolite ombrelle transparente) à une espéce de gaucho mexicain portés sur les drogues hallucinogénes...tiens, mais que viennent faire l'évocation des drogues hallucinogénes dans un parcours vaguement ésotérique, je vous le demande ? A se demander pourqoi ces scènes trés esthétisantes sur fond de post-rock planant à la limite du psychédélique. A se demander même  si tout ceci n'est pas seulement un voyage intérieur. 

 

  Un film qu'on aime ou qu'on déteste, selon sa subjectivité personnelle. Je ne regrette pas personnellement de l'avoir vu (au point même de l'avoir acheté par la suite) malgré une forte tentation d'ennui. Au milieu de ce paradoxe, je pense  en tout cas que sa démarche intellectuelle et artistique est réellement intéressante et porteuse de sens, et qu'il ne s'agit donc pas du stéréotype de l'arnaque auteurisante imbitable -même si certains ne seront peut-être pas du même avis. Une expérience à tenter.          

Partager cet article
Repost0
19 décembre 2010 7 19 /12 /décembre /2010 22:14

http://www.cinemagora.com/images/films/82/120682-b-this-is-england.jpg 

Un film que je viens de revoir grâce à un DVD hélas en passe de devenir introuvable -injustice trés commune- aprés m'en être asséné la claque au ciné l'année de sa sortie, en 2007.

 

  Dans l'Angleterre des années 80, le jeune Shaun, dont le pére est tombé sur le front des Malouines, s'ennuie dans une vie solitaire. Jusqu'au jour où il rencontre une bande de skinhead plus âgés que lui.

  Attention, la dénonciation du racisme ne vient pas tout de suite. Car la trés louable entreprise du film de Shane Meadows (entreprise que certains résumés journaleux font encore l'exploit de saccager) c'est de réhabiliter le mouvement skinhead original, celui d'avant la récupération fasciste auquel presque plus personne n'évite aujourd'hui d'assimiler le terme de même de skinhead. D'ailleurs, dans la bande de djeun's du film, la présence d'un jeune noir jamaïcain vient rappeler au sein de quel métissage le mouvement s'est cimenté autour du ska et du reggae -musique qui indiffére bien sûr le bonehead actuel (oui, autant utiliser le bon mot pour skinhead facho).

  Pour la suite du film, vous l'aurez, votre dénonciation antiraciste, car le film se place à la période charnière du grand départ en sucette du mouvement, incarné par Combo, skinhead de la toute première heure, mais qui sort de prison avec des idées que l'on jugera à leur juste valeur. Chacun dans la bande devra choisir son camp, et hélas Shaun, enfant influencable, surtout quand le charismatique Combo le prend par les sentiments en lui parlant de son pére, ne choisira pas le bon. 

  Le film passe ainsi par tous les registres du récit initiatique, partant d'une touchante bluette adolescente sur la découverte de l'amitié et de la contre-culture qui la lie (avec de trés belles séquences où bien sûr la BO joue son rôle) pour arriver à une initiation plus dure qui glisse vers le tragique.

 

   Histoire de bien porter son titre, This is England est même plus complexe que ça dans sa thématique, puisque la dégradation du mouvement skinhead n'est qu'une partie de l'atmosphére délétére de l'Angleterre des années 80. La couleur est annonçé dés le générique à base d'images soigneusement choisies, dont celle trés marquante où le titre du film, bien loin de la signification qui-vaut-ce-qu'elle-vaut que lui donnera Combo, apparait sur fond d'un défilé de lotissements ouvriers crasseux -et pan dans les gencives.

 

  Le tout est interprété avec une grande justesse par les acteurs, et ce malgré des dialogues dont le côté frustre est sans doute voulu pour refléter toute une ambiance sociale -je n'ai pas testé la VF (ce à quoi je répugne aprés avoir découvert un film en VO au ciné) mais en angliche je faisais un peu une overdose  de "fuckin".

 

  Un film à voir, sans hésitation.

Partager cet article
Repost0
19 décembre 2010 7 19 /12 /décembre /2010 18:23

http://www.cinemovies.fr/images/data/affiches/Gaff971194747.jpg 

Je sais, je parle ici de choses trés classiques, mais le fait est que dans mon incultement je n'avais pas encore  vu ce classique incontournable jusqu'à aujourd'hui.

 

 En ce qui me concerne, le visionnage de L'Armée des douze singes suit trés logiqument d'un mois celui de La Jetée de Chris Marker, court-métrage dont Terry Gilliam a ici fait une sorte de remake, et qui compte parmi les gloires perdues du cinéma de  science-fiction français au côté de René Laloux  et du tandem Caro / Jeunet. Et parler un peu de ce court-métrage devrait permettre d'approcher de manière un tout petit peu originale un long-métrage sur lequel tout a été dit.

 

  La Jetée, que vous pourrez visionner en ligne dans tout un tas de versions entières (celle de Dailymotion est en une seule partie) a marqué les esprits par sa mise en scène glaçante à base d'images fixes en noir et blanc (bon pour le noir et blanc c'était pas forcément fait exprés en 1962, mais c'aurait bien moins rendu en couleur).

  Le scénario suit la ligne générale que tout le monde connait par la version de Terry Gilliam : un homme envoyé par un futur apocalyptique dans le temps d'avant la catastrophe (la guerre nucléaire et non un gigantesque attentat bactériologique comme chez Gilliam) ; marqué depuis l'enfance par l'image d'un meurtre sous les yeux horrifiée d'une jeune femme et sur une jetée d'aéroport, il voit cette image croiser son chemin de manière imprévue.

 

  Ce scénario était d'une certaine ambition dans les années 60 (pensez que c'est avant même que Kubrick ne fasse sortir le cinéma de science-fiction de la ringardise adolescente avec vous savez quel film). Hélas, il faut avouer qu'il parait forcément effacé face au long-métrage que Gilliam en a tiré.

  Car la grande force de L'Armée des douze singes, en plus de l'ambiance glauque (ce à quoi les scénes d'asiles sont trés utiles) et d'un Brad Pitt au sommet de sa forme (la meilleure interprétation de fou qu'il m'ai été donné de voir, pour tout dire) c'est son scénario. De la trame simple de La Jetée (en fait trés ambitieuse, mais pour un court-métrage d'une demie-heure) Gilliam ne s'est pas contenté de tirer un scénario de thriller bien alambiqué, mais y introduit une dimension dickienne en questionnant sur l'altération de la réalité. En effet, notre héros interprété par Bruce Willis se met à douter de la réalité même du monde futur d'où il vient (causant d'ailleurs un intéressant chassé-croisé avec sa psychiatre qui commence à y croire). La scénariste nous méne habilement en bateau, et même si de nombreux doutes sont levés, d'autres subsistent (pourqoi croyez-vous que le film commençent dans un asile ?).

   Ne connaissant pas grand chose du film en dehors d'une ligne trés générale, je ne m'attendais pas du tout à cette dimension dickienne et cette agréable suprise a redoublé mon plaisir à suivre ce thriller de science-fiction à l'intrigue labyrhintique.

Partager cet article
Repost0
18 décembre 2010 6 18 /12 /décembre /2010 18:50

  Moins de deux mois aprés avoir découvert le sublime artbook Beautiful nightmares de Nicoletta Ceccoli   je découvre tout à fait par hasard un artiste dont le style est trés proche de celui de la dessinatrice italienne.

 

http://sleevage.com/wp-content/uploads/2007/07/michael_jackson_dangerous-f.jpg 

Le peintre Mark Ryden est compté au nombre des nouveaux surréalistes américains, mouvement peut-être un peu underground, mais vous avez forcément vu au moins une de ses oeuvres dans votre vie : il a en effet réalisé  la pochette de Dangerous de Michaël Jackson et d'autres pochettes de disques comme One hot minute des Red Hot chili pepper.

  Mais c'est bien entendu dans ses livres d'arts que l'on peut apprécier pleinement son style (où sur Gogol image, pour faire moins branchouille, surtout quand on a pas le porte-monnaie perçé comme le mien).

  Si j'ai évoqué une parenté avec Nicoletta Ceccoli, c'est que tous deux fondent leur univers surréaliste sur la référence au monde de l'enfance et des jouets (ce qui n'en fait pas non plus des oeuvres pour enfant, hein, qu'on se le dise, Mark Ryden encore moins : son érotisme est plus explicite que celui de Ceccoli et certaines images frôlent le gore).

  Mais le parallèle ne méne pas loin, l'univers de Ryden est trés différent de celui de Ceccoli : il n'en a pas la poésie feutrée aux tons pastels, mais cultive si je puis dire une poésie bien plus kitsh, surtout du point de vue de l'univers ludique (les jouets, quoi).

 

  Pour voir Ryden à l'apogée de son imagination, il faut l'aborder par l'album Fushigi Circus, sand doute mon préféré : l'auteur mêle jouets et figures d'enfants, motifs récurrents et plus inquiétants comme les insectes où la viande, faune et flore préhistorique à l'interêt onirique certain, figures religieuses, historiques (Abraham Lincoln est omniprésent dans toute l'oeuvre de Ryden) ou contre-culturelles (dans ces dernières, l'artiste ne reculent devant rien, de la figure Disney à la star hollywoodienne dont certains tableaux sont des portraits, en passant par les jouets eux-même comme dans la parodie religieuse "Saint Barbie"). Le tout est mêlé avec un art  de la composition automatique que n'aurait pas renié  Dali ou Magritte. Plutôt qu'une trop longue explication, démonstration:

 

The Creatix :

 

http://www.signatureillustration.org/illustration-blog/wp-content/mark-ryden-2.jpg

 

YWHW :

 

http://1.bp.blogspot.com/_I2Vgp-Gddxs/SdIXSNPEXEI/AAAAAAAAGy4/DiNCmFp-wrQ/s400/yhwh.jpg

 

Juste pour le plaisir de voir un portrait de DiCaprio comme vous en verrez rarement  :

 

http://3.bp.blogspot.com/_Bfqu0RRim2A/SWpEwI4KdqI/AAAAAAAAA_k/VOvafNBc4fs/s400/Leonardo_DiCaprioMarkRyden.jpg 

 

  Le second album que j'ai feuiletté, et d'ailleurs le dernier paru, The Tree Show, est un peu plus décevant au niveau du délire graphique (à l'exception de quelques crayonnés dignes de Dali). En revanche, Ryden atteint des sommets au niveau plastique, notamment dans les paysages naturels à l'américaine, théme de l'album qui semble bien l'inspirer. Démonstration :

 

Fetal trapping in Northern California

 

   http://bp1.blogger.com/_vZo_RcMzInQ/RlQw1uzxEAI/AAAAAAAAABU/ZCvleMEiNJY/s400/Fetal+Trapping+in+Northern+California-Mark+Ryden.jpg

 

Yoshi

 

http://www.markryden.com/images/painting/treeshow/paintings/large/Yoshi.jpg

 

  Il me reste à recevoir un autre album à thème, The Snow yak show, mais j'ai déjà pu en avoir entre les main un portfolio de 17 cartes postales qui en a été tiré, et qui m'a laissé une impression mitigé : les tableaux ont la même simplicité que The Tree Show, mais avec en plus des décors souvent réduit à un simple fond, ce qui ôte largement l'interêt des deux autres albums suscités. Ce qui n'empêche pas quelques trés belles réussites, que j'espére plus nombreuses dans l'album complet. Je peux au moins citer celle-ci :

 

  Grotto of the old mass :

 

 http://1.bp.blogspot.com/__PwYSYcU_g4/SuXpe3BSQyI/AAAAAAAAAG4/nAN-Hkye0-g/s320/Mark+Ryden+--+Grotto+of+the+Old+Mass.jpg

  De toute façon,  l'oeuvre de Ryden mérite vraiment le détour, même si mon coeu roenche un peu plus vers les oeuvres de Ceccoli, sur laquelle je vais de pas éditer mon article en y rajoutant les titres de tableaux, et même un tableau tout court pour plus d'équilibre.     

Partager cet article
Repost0
18 décembre 2010 6 18 /12 /décembre /2010 17:43

  Little Nemo, le personnage de Windsor McCay, jeune voyageur onirique au pays de Stumberland, m'aura bercé de mon enfance à ma vie d'adulte sous un peu toutes les formes possibles. Parti à 11 ans de l'anime japonais scénarisé par Chris Colombus (ç'aurait pu être Ray Bradbury !) j'arrivais à l'âge adulte à la véritable oeuvre originale, pierre fondatrice de la BD américaine pour le moins, pour lequel  mon handicap de non-anglophone m'a hélas obligé à me contenter de l'édition tronçonnée (de peu pour le premier tome, en plus) de Pierre Horay.

  Et entre deux, il y a eu la version 90's que je viens de relire, celle de Moebius (excusez du peu) et Bruno Marchand, dont j'avais lu le premier tome quelques mois après l'anime et le second...environ neuf ans après, un comble pour deux suites directes -à la différence des deux albums réalisés ensuite par Marchand seul, histoires indépendantes qui ne m'intriguent guère pour l'instant.

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51QAXAYBN3L._SL500_AA300_.jpg 

Evidemment, il serait ridicule de bâtir cette chronique sur une comparaison entre cet hommage et l'oeuvre de Windsor McCay, dont elle n'atteindra jamais ni l'ampleur (des centaines de cartoons d'une page qui finirent par former de grands cycles d'aventures), ni le délire imaginatif presque constant (du moins à la grande époque, de 1905 à 1910), ni tout simplement l'importance dans l'Histoire de la bande dessinée. Moebius et Marchand le savent bien, dans sa charmante lettre adressée au grand cartooniste, où ils écartent toute prétention de surpasser ou même remplacer le maître. Ce n'est effectivement qu'un hommage.

  Mais alors, si on oublie comme il se doit l'oeuvre initiale, quel hommage ! L'univers de Marchand  et Moebius (dont j'ai été surpris d'apprendre qu'il n'était pas le dessinateur) offre un enchantement bien digne de l'oeuvre pastichée.

  L'oeuvre a bien entendu été modernisée. Ce qui ne passe plus entre 1905 et 1994, c'est l'absence de scénario (précisons que l'oeuvre de Mccay consiste en épisodes hebdomdaires d'une page correspondant chacun à une nuit, au terme de laquelle Nemo se reveille en sursaut -les deux héritiers n'oublient d'ailleurs pas le malicieux clin d'oeil, en fin de chaque tome, à l'image canonique de Nemo  tombé au pied de son lit). Pour la version de Moebius et Marchand, le scénario suit curieusement, sans doute parce qu'elle est bien pratique en terme d'enjeu dramatique, la ligne générale de l'anime : le pays des rêves de Stumberland est doublé d'un pays du cauchemar, dont le Mauvais Roi kidnappe la Bon Roi de Strumberland.

http://ecx.images-amazon.com/images/I/5103031TH7L._SL500_AA300_.jpg 

Mais le parallèle s'arrête là. D'abord parce que l'antagonisme rêve / cauchemar  ne se passe pas du tout comme dans l'anime, étant surtout totalement dépourvu de manichéisme. Ici le royaume du Mauvais Roi est essentiel au pays, et de plus, le Mauvais Roi est censé paradoxalement être gentil, jusqu'à cette menace d'invasion qui a lieu, non pas comme dans l'anime parce que Nemo a libéré le grand méchant pas beau qu'il fallait laisser enfermé, mais bien parce qu'il se passe quelque chose d'anormal qui bouleverse l'ordre du monde des rêves. Ca c'est ce qui s'appelle de la subtilité : le prétendu pays des ténèbres est en fait un voisin nécessaire qui a droit à l'existence, de quoi donner des complexes à tous les écrivaillons de fantasy qui ne pensent qu'à génocider le Mordor.

  La deuxième raison pour laquelle le parallèle ne tiens plus, c'est l'univers qui  est tout à fait personnel au deux auteurs -même par rapport à celui de McCay  dont ils se sont intelligemment affranchi. Sous le crayon de Marchand nait des décors sublimes, tels les nuages d'argent où les deux pays des rêves, dont le mauvais fait sans doute du deuxième album le sommet du dyptique. Le scénario est une collaboration des deux hommes, et Moebius n'hésite pas à rappeller qu'il est avant tout un pilier de la science-fiction française : sans doute faut-il lui attribuer des allusions audacieuses comme  l'évocation de multiples dimensions à propos des mondes des rêves, ou le méchant de l'histoire qui projette d'envahir le monde réel.

 

  Plutôt que de faire une copie maladroite qu'aurait écrasé une inévitable comparaison avec le chef-d'oeuvre original, les deux auteurs ont donc livré une vision toute personnelle, qui du coup n'en reste que plus libre à l'ombre de McCay.

Partager cet article
Repost0
17 décembre 2010 5 17 /12 /décembre /2010 22:26

Je remonte cette chronique datant d'octobre suite à un troisième et dernier edit consécutif à la lecture des Chroniques scandaleuses de Terrèbre, dernier avatar du cycle en question  qu'il me restait à lire. Outre un remaniement de la forme de l'article pour qu'il ressemble un peu à quelque chose, c'est l'occasion d'étoffer la partie sur Les Jardins statuaires et Le Veilleur de Jour, parce qu'ils le valent bien.   

 

Jacques Abeille est un auteur fantastique français influencé par le surréalisme...ce qui reviens à ne pas dire grand-chose d'une oeuvre trés difficilement classable.

 

  Le Cycle des contrées, son oeuvre maîtresse, parus pour l'essentiel dans les années 80 et constitués de romans pouvant se lire de façon autonome, a ceci de commun avec  Sur les falaises de marbre d'Ernst Jünger   et  Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq de prendre pour cadre des pays impossibles à situer  et pourtant non dépourvus de références à notre monde (bon, celles-ci sont beaucoup plus rares chez Jacques Abeille, c'est vrai).

 

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51YH8uzW55L._SL500_AA300_.jpg

Le cycle a connu tout récemment une nouvelle jeunesse éditoriale grâce à la réédition de cette année, aux toutes jeunes éditions Attila, du premier roman, Les Jardins statuaires (les autres sont actuellement réédités par les éditions Gingko )

  Pour la petite histoire, l'illustration de la couverture a été confié à l'illustre François Schuiten, qui, fasciné par cette oeuvre et y voyant une similitude avec son propre univers de la BD Les Cités obscures, qu'on ne présente plus, s'est empressé de collaborer avec l'auteur pour un mini-roman illustré situé dans l'univers des contrées, Les mers perdues, dont j'aurais l'occasion de reparler avant la fin de l'article. 

 

Le mieux pour faire ressortir toutes les qualités de ces romans est de les chroniquer un par un, car ils sont trés divers.

 

  Les Jardins statuaires est certainement le meilleur, empli d'un souffle qu'on ne retrouve plus, malgré leurs qualités, dans les romans suivants.

    Le narrateur, un voyageur aux ambitions d'explorateur, arrive dans le pays des jardins statuaires, où les statues poussent dans la terre, phénomène autour duquel toute une société s'est organisé.  Et c'est là le point central d'un roman que l'on pourrait qualifier d'ethnologique. En effet, les cent premières pages au moins ne comportent aucune action, il s'agit pour notre voyageur de découvrir, par ses visites des domaines statuaires, ses entretiens avec des personnages encore esquissés, la civilisation des jardins statuaires, ses coutumes et ses rites, dans ce qu'ils ont de fascinants mais aussi, par un réalisme bienvenu, rebutants, notamment pour ce qui est de la place des femmes.

  Peu à peu, de nouveaux enjeux apparaissent, les personnages s'épaississent. Notre narrateur part vers le nord, rencontre l'amour en chemin dans un domaine statuaire dévasté, puis s'aventure briévement au-delà des jardins, dans les steppes du nord où les nomades commencent à s'organiser derrière un nouveau chef originaire des jardins et préparent la grande guerre de conquête dont le menace plane sur les deux premiers romans du cycle.

  Se profile alors une réflexion qui traverse tout le cycle sur l'avancée de l'Histoire (la tradition n'est jamais figée pour Abeille, ce que le roman dévellope avec une étonnante subtilité). Cette réflexion n'est nulle part aussi dévellopée que dans ce premier roman, pour la raison évidente que le narrateur est explorateur, nous dirions dans notre monde ethnologue. A travers le frémissement interne de la société des jardiniers, mouvement où la place de la femme est bien entendu centrale, et l'intitiation ethnologique de son narrateur, Abeille démolit agréablement un certain traditionnalisme béat répandu chez les ethnophiles de comptoirs. A une époque où les crypto-fascistes de la "Nouvelle Droite" justifient leur critique virulente des Droits de l'Homme par un tiers-mondisme hypocrite, en se permettant de récupérer Levi-strauss de manière honteusement déformée, une réflexion aussi subtile fait du bien par où elle passe.      

  Au destin des jardins statuaires, se mêle le parcours intérieur du héros, et c'est là que l'auteur se montre le plus brillant, dans des pages contemplatives de toutes beauté, rendues par une prose poétique ciselée, aux phrases volontiers longues et alambiquées, mais maîtrisées.

  Et je ne vous parle même pas des visions qu'Abeille tire du théme forçement prometteur des statues animée de vie végétale, et que n'aurait pas renié ses maîtres surréalistes. Là, il s'agit vraiment d'un élément qui ne se retrouve que dans ce roman. 

  Je n'hésiterais pas à dire que s'il fallait ne lire qu'un épisode du cycle, ce serait celui-là.

 

  La suite du cycle, justement, qu'en est-il ? Eh bien, il faut avouer qu'une certaine originalité se perd, celle de l'imagination ethnolgiques. La description fascinante des jardines statuaires, digne d'un Borges au mieux de sa forme, ne trouvera plus d'équivalent dans le cycle...ce qui ne veux pas dire du tout que celui-ci perde tout interêt, bien au contraire !

 

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41QjujDT75L._SL500_AA300_.jpg

Le deuxième roman, Le Veilleur du Jour, nous emméne   de l'autre côté de la frontière ouest des jardins, dans la grande ville de Terrèbre, figure centrale du cycle.

  Le héros, Barthélémy Lécriveur (on ne sait curieusement son nom qu'à la page 130, paradoxal pour un personnage évoqué en fin de roman précédent dans un but évident d'en préparer le suite) arrive dans la grande mégalopole et trouve un emploi curieux : "veilleur de jour", pour le compte d'une société d'archéologues férus d'occultisme, dans un entrepôt à la construction immémoriale ; le but du veilleur de jour : se préparer à accueillir un héros qui doit venir un jour dans ce monument, gardien lui-même d'un cimetierre oublié.

  Ici, plus de première personne, la narration omnisciente permet d'introduire de multiples personnages : Coralie, l'étudiante qui se lie d'une relation passionnelle avec Barthélémy, l'inspecteur Molavoine qui découvre un nouveau sens à sa vie terne dans les mystéres de cette affaire, le professeur Destrefonds ami du grand chancellier et par là témoin de la dérive totalitaire de l'empire de Terrèbre. Ce tissu donne une ampleur plus épique à l'ensemble. Nénmoins, le lecteur guère porté vers le méditatif risque de s'ennuyer ferme  au fil des 600 pages du plus gros roman du cycle -moi-même ai trouvé quelques longeurs par moment.

  Pour compenser, il n'y a certes plus l'éblouissante exploration des jardins statuaires. Terrèbre est une ville d'apparence tout ce qu'il ya de plus occidentale, où les noms sonnent même français, bien que par une étrangeté qui refléte celle de tout un univers, il est trés difficile de la situer dans le temps. Mais sans vaine comparaison avec la civilisation du roman précédent, il faut admettre que cette héroïne à part entière de ce roman-ci vaut quand même son pesant de mystéres et d'ambiances, avec ses secrets millénaires, ses passages secrets dignes d'un roman gothique, ses références symboliques au Tarot de Marseille, tous éléments qui transforment cette fresque urbaine en roman d'aventure au subtil parfum d'ésotérisme.

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/411Rt-JZ0uL._SL500_AA300_.jpg 

Vient ensuite, dans la ligne générale de Gingko (qui a pour ainsi dire créé ce roman en 2008 à base de textes épars et d'inédits) Les Voyages du fils. Le fils, c'est celui de Barthelemy Lécriveur, vingt ans aprés, c'est à dire vingt aprés la disparition d'un père qu'il n'a jamais connu et, historiquement, le reflux vers le nord des barbares des steppes qui ont jadis détruit la ville.

  Le fils, narrateur du roman, part enquêter sur le passé de son pére -par ailleurs amnésique dans le précédent roman-, dans les Hautes Brandes, la contrée qui sépare l'empire de Terrèbre des jardins statuaires, où vivent les sociétés tribales des bûcherons et des charbonniers...on y revient donc, à l'ethnologie !

  Si la société des bûcherons et des charbonniers n'a pas le grandiose borgesien des jardins statuaires, elle offre tout de même de belles pages. Cependant, toute la description des coutumes et des rites est tournée vers le but de l'enquête du narrateur. Celui-ci apprend ainsi que son pére a usurpé l'identité d'un autre aprés sa perte de mémoire qui l'a ravalé au rang de bête. Il s'agit littéralement d'un échange de personnalité qui fait basculer une partie de livre vers un fantastique étrange.

  Ce fantastique, justement, se cultive bien plus ouvertement, plus que dans tout le cycle, avec le passage de "l'auberge verte", saynéte autonome qui revisite magnifiquement le mythe de l'enchanteresse dans son repére hors du temps. 

   En revanche, aprés cet éclat, la deuxième moitié de ce roman, déjà nettement plus court que les autres, m'a bien moins convaincu. Il s'agit du retour à Terrèbre, où le jeune homme fait la connaissance de son oncle, l'écrivain pornographe Léo Barthe, et l'aide à publier un texte licencieux concernant son pére. Malgré son intéressante mise en abîme du métier d'écrivain, l'intrigue de m'a guère passionné, pas plus que la ville de Terrèbre ( que je découvrais avec ce livre, deuxième dans mon ordre de lecture) ici vidée de sa substance comme si l'auteur en avait fait le tour.

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51H3TIyPNxL._SL500_AA300_.jpg 

Ceci ne m'encourageait guère (comme s'en souviennt peut-être ceux qui ont lu les premières moûtures de ce billet) pour le tome 4, Les Chroniques scandaleuses de Terrèbre, paru sous le pseudonyme de...Léo  Barthe (courant pour les incartades érotiques de l'auteur) et présenté comme le manuscrit publié par ce personnage de roman.  C'est le tout dernier que j'ai lu, aujourd'hui même, guére tenté jusque là de relire sous un autre angle l'histoire de Barthélémy et Coralie, alors que je faisais une petite overdose de Terrèbre.

  Ma lecture ne pouvait me laisser, pour des raisons trés subjectives, qu'une impression mitigée, en ce qu'il s'ait de ce que ses éditeurs nomment pudiquement un roman érotique, mais pour lequel le terme de porno n'est pas exagéré. Or je ne suis pas forcément amateur de ce genre de littérature qui, comme elle l'a prouvé dans le cas présent, ne fait pas sur moi, euh, l'effet escompté.

  Cependant, pour un boulard, si vous me passez l'expression,  ça n'en reste pas moins de la littérature aussi classe que n'importe quel roman des Contrées. Pour être clair, le roman ne peut à mes yeux s'apprécier pleinement qu'à l'aune du Veilleur du jour dont il est complémentaire, et devient même incompréhensible sans l'intrigue du Veilleur en tête. Il s'agit de présenter de l'épopée urbaine nimbée d'ésotérisme qu'est Le Veilleur du jour, une facette beaucoup moins noble et plus repoussante...tout en gardant paradoxalement l'aura proche d'un messianisme diffus qui caractérise le couple Barthelemy/Coralie, offrant ainsi de véritables instant de poésie à travers les témoignages qui constituent cette histoire parallèle (précisons que deux récits, au début et à la fin, sont à part, ne parlant pas du couple central) et dont les témoins voyeurs ont tous été bouleversés d'une façon où d'une autre par le couple. Bref, le roman apporte plus que je ne le craignais au Cycle des contrées qui reste au moins autant un style qu'un univers.       

 

  Voilà les quatre tomes de la série emballés et pesés...mais ce n'est pas fini, car la structure complexe du cycle dépasse ce concept de série, comptant beaucoup de textes périphériques.

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41NXN2V9XEL._SL500_AA300_.jpg 

Commençons pas La Clef des Ombres, paru chez Zulma en 1991. Le roman prend place à Journelaime, ville provinciale de l'Empire de Terrèbre, où vit un certain Brice, un petit fonctionnaire au physique ingrat  et un peu simple d'esprit sur les bords, méprisé par ses collégues de la sous-préfecture.

  Mais la vie commence à changer pour Brice. Il se rend compte que chaque nuit, il parle en état de somnanbulisme avec un inconnu dans un parc, lequel lui fait participer à un complot contre le totalitarisme montant de Terrèbre (dont nous avons déjà parlé) alors que l'esprit de Brice s'éveille à l'intelligence.  Dans la foulée, le jeune homme, indécrottable rêveur, commence à douter de réalités qu'il toujours admises, comme l'existence de Séverine, la servante de la pension où il vit, dont nous ne saurons jamais si elle est une invention de son esprit  -en tout cas c'est l'occasion d'un labyrhinte onirique tout à fait sublime.

  La métamoprhose devient plus radicale dans la troisième et dernière partie, où en plus d'être plus malin Brice devient beau et  commence à mener une vie de séducteur, tandis qu'il s'extrait de sa condition sociale. Pas de panique, ce n'est pas un conte de fée aussi niais que viriliste, mais au contraire une fable trés noire où notre rêveur idéaliste évolue vers l'archétype du conformisme...ce qui prend un sens trés spécial dans le contexte dictatorial de Terrèbre !

  Bref, moi qui pensait que ce roman n'apporterait pas grand-chose à cet univers, j'ai été agréablement surpris, surtout, il faut dire, par l'histoire de Severine  qui est peut-être le sommet du cycle du point de vue de l'onirisme.

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51JXPXNTBWL._SL500_AA300_.jpg 

Viennent ensuite les textes courts, avec Les Carnets de l'explorateurs perdus chez Ombre en 1993, qui renoue de fort belle façon avec la fibre ethnologique du cycle.

  Il s'agit d'un court recueil (un peu plus de 80 pages) de textes attribués à Ludovic Lindien, autrement dit le narrateur des Voyages du fils, fils de Barthelemy. Ludovic est devenu anthropologue, et nous livre d'abord son enquête, appuyée de fantastique témoignages, sur le mystérieux peuple d'amazones  alliés aux barbares des steppes dans la destruction de Terrèbre, puis un récit plein de magie païenne d'un jeune guerrier des steppes sous l'égide de son maître, un éclairage inattendu sur la préhistoire probable  des jardins statuaires, et enfin l'étude des peuplades du Désert d'Inilo, à travers deux mythes archaïques trés joliment pastichés et un court essai mythologique aux allures borgesiennes. Un trés beau retour au source, par ailleurs illustré par l'auteur de troublants corps déformés.  

 

  Les deux textes suivants sont (pour l'instant, je vais y revenir) à réserver aux fans hardcore de ce cycles, en raison essentiellement de leur rapport quantité prix prohibitfs (8 euros pour 30 pages, comme vous pourrez le vérifier sur le site des éditions Deleatur, qui pratiquent la vente directe).

  L'écriture du désert est  dans la continuité du précédent puisqu'il s'agit encore du désert d'Inilo. On n'en regrette que davantage qu'il n'ait pas été regroupé aux Carnets où ce récit borgesien trés didactique avait davantage sa place et des chances d'intéresser un lectorat.

  Louvanne en revanche  est d'un style plus accrocheur. Son lien avec les contrées est léger puisqu'il est absent du texte même, n'apparaissant à ma connaissance que dans la liste des oeuvres d'Abeille dans quelques livres du cycle  et surtout dans la carte des contrées jointes au Voyage du fils. Mais ce statut un peu flottant n'ôte en rien de son interêt propre à ce conte rural âpre, à l'ambiance sauvagement païenne, où même la vie d'une créature maléfique (la femme-louve qui donne son titre au récit) peut être taboue.

 

  Pour en finir avec les textes périphériques, je vous renvoie à l'article à part que j'ai réservé, en raison de son statut particulier au confluent de deux oeuvres, à cette séquelle inattendue qu'est  Les Mers perdues de Schuiten et Abeille.  

 

  Enfin, parlons du devenir du cycle. J'ai il y a peu envoyé un mail  aux éditions Deleatur, co-éditeurs avec Gingko du Veilleur de jour, des Voyages du fils et des Chroniques scandaleuses de Terrèbre, pour avoir des nouvelles des deux prochains  romans. Ceux-ci  sont abandonnés mais repris par Attila, au moins pour le tome 5, un retour au Jardins statuaires qui devraient clore magnifiquement le cycle (EDIT de juillet : la parution des Barbares est maintenant chose faite, ainsi que sa chronique sur le blog ).

  Clore le cycle, et le tome VI alors ?  C'est qu'il s'agit plutôt d'une sorte de bonus, un regroupement de textes périphériques, dont les trois nouvelles et novellas citées ci-dessus (qui deviendrons alors financiérement abordables...en espérant que le projet aboutisse) (EDIT de septembre : en fait c'est plus compliqué que ça, depuis les informations fournies par Deleatur le programme a un peu changé). (EDIT de septembre 2012 : et il est temps de faire un  erratum sur la parution de ce qui aurait pu être le septième tome).                                      

 

  En attendant, concluons ce billet avec les lien de deux autre chronique des Jardins statuaires :

 

   Sci-fi universe

 

   ActuSf

 

Plus l'ensemble des articles sur Jacques Abeille sur la taverne du Doge Loredan, soit certainement l'un des topos les plus complets et fournis que vous pourrez trouver dans la blogosphère sur ce cycle, depuis qu'un blog qui lui était entièrement dédié a été supprimé pour cause d'invasion de spams : link 

Partager cet article
Repost0
14 décembre 2010 2 14 /12 /décembre /2010 16:58

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41gZxD2nCWL._SL500_AA300_.jpg

L'oeuvre de Manu Larcenet manquait à ma culture BD, comme bien d'autres choses qui y manquent encore (et même à ma culture tout court d'ailleurs). J'ai pu réparer cela aujourd'hui en craquant financiérement parlant sur l'intégrale récemment parue, une belle intégrale des 4 albums auquel est joint le DVD d'un sympathique documentaire de Sam Niallo sur l'auteur (je regrette juste l'absence des couvertures et titres originaux).

 

  Le Combat ordinaire raconte sur cinq ans une tranche de vie de Marco, un ancien reporter-photographe qui, dégoûté de traquer l'image de la misére, en proie à la dépression et à  des crises d'angoisse, se réfugie seul à la campagne.

  Cette longue tranche de vie sera l'occasion d'aborder bien des thémes. Des thémes trés individuels, comme la dépression dont il faut se sortir pour devenir pleinement adulte, la difficulté de fonder un couple puis d'être pére, les affres de la création, le deuil du pére (vécu non seulement par Marco mais par son frére, mais hélas trop peu dévellopé pour celui-ci) ; mais aussi des thémes de société, tel les souvenirs troubles de la guerre d'Algérie (à travers le pére déjà évoqué, mais surtout l'ancien supérieur de celui-ci, dont le passé trouble, par contraste avec son amitié réconfortante, occasionne avec Marco une relation ambigue qui est sans doute le point d'orgue de la BD) ou bien la fin du monde ouvrier, encore une fois lié personnellement à Marco ; le tout dans une fourchette de temps trés symbolique, des élections présidentielles de 2002 à celles de 2007 : de quoi rendre bien crédible l'affirmation du documentaire selon laquelle toute une génération s'est reconnue dans cette oeuvre.

  Dans la peinture des personnages, le ton est trés juste, Larcenet pouvant faire passer beaucoup de choses  dans les images plus que dans les mots. Les mots ne sont d'ailleurs pas le plus heureux, car là se trouvent les passages, heureusement assez rare, les moins réussis de la série, dans quelques dialogues qui flirtent avec une moralisme pontifiant (à relativiser toutefois : le trés long quasi-monologue d'un genre proche, mais comme par hasard s'appuyant davantage sur les images, et qui clot presque la série, m'a filé une bonne claque).

  Même en dehors de l'aspect psychologique, les dessins de Larcenet sont de toute façon magnifiques. Ne serait-ce que dans la restitution d'un paysage campagnard ou urbain, ils dégagent une ambiance poétique incroyable, qui prouvent que les styles hérités de la ligne claire n'en sont pas frustres du tout pour autant, les personnages y eussent-ils les éternels yeux en boutons de bottines. L'onirisme qui baignent le plus banal décor se fait parfois plus explicite, comme dans ces pages en noir et blanc à bases d'images en apparence saugrenues illustrant la voix off de Marco...ça devient expérimental quoi, et de l'expérimental trés réussi, ce qui est loin d'être donné à tout le monde.     

 

  Bref, si vous ne connaissez pas la série, vous savez déjà quoi demander au Pére Noël.

  Mais avant, passage de balle vers une autre chronique :  

 

link

Partager cet article
Repost0