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30 septembre 2010 4 30 /09 /septembre /2010 22:49

Une bonne claque  cinématographique qu'une rétrospective en salle d'art et essai m'a permis de m'asséner dans les meilleures conditions qui soient (en salle de ciné).

 

 

 Cria Cuervos de Carlos Saura (titre tiré d'un proverbe espagnol "nourrit les corbeaux, et ils t'arracheront les yeux") film emblématique de la renaissance culturelle post-franquiste, avec l'inoubliable jeune actrice Ana Torent, est assez difficile à chroniquer : imposible de le faire sérieusement sans résumer l'histoire, et pourtant cet acte semble un peu sacrilége, vous allez comprendre pourquoi.     

 

  Si on commet cet acte profane, donc, on a simplement l'histoire d'une petite fille, Ana, racontée par la même adulte (mais on ne nous le dit pas tout de suite) qui vit avec ses deux soeurs chez leur tante depuis la mort de leur pére, officier franquiste. Leur mére est partie depuis plus longtemps, et Ana vient d'être témoin de l'assassinat de son père par sa maîtresse (enfin, il reste toujours un doute) et aura bien du mal à le dire (réussira-t-elle ?... nan mais oh, vous croyez pas regarder un téléfilm à suspens non plus ?).

  Aprés ce déflorage blasphématoire, avouons quand même que tout ça n'est que prétexte à parler d'autres choses : l'imaginaire enfantin, dans lequel nous plongeons le long d'une intrigue éclatée et labyrhintique où rêve et réalité se confondent. Pas question de lutins et de petits lapins roses, comme le titre le laissait un tout petit peu penser, l'imaginaire d'Ana a tout du cauchemar.

  Vous verrez ainsi les  morts se mêler aux vivants, omniprésents dans le film. Et laissez toute espérance de répit : les jeux d'enfants eux-même ne sont jamais tout à fait innocents, quand le film ne frôle pas la farce d'humour noir, et vous replongerez entre deux dans l'horreur suggérée...ou moins suggérée, on compte au moins une scène insoutenable, l'agonie presque emmabovarienne de la mère, où malgré l'absence d'artifices gores, votre serviteur qui ricane devant C'est arrivé prés de chez vous  a tout de suite fait moins le malin. Une scène qui permet d'aborder l'angoisse de la mort (l'essentiel de son horreur tiens là-dedans) laquelle le disputera à une Foi en un salut avec lequel les enfants n'hésitent pas à s'amuser avant de se questionner. Et le long du même labyrhinte, vous croiserez aussi la tentation du suicide, du parricide et de l'inceste (Et les inévitables fantômes de franquisme, bien sûr) toujours enrobés d'une délicatesse poétique insidieuse, que vous ne pourrez jamais prendre vraiment en défaut de verser dans le scabreux, même si elle s'amuse à flirter avec.

 

  (Et dire que c'est de cet univers qu'est issue une célèbre chanson que l'on associe très- très rapidement à un tube varietoche assez consensuel pour être repris par la Starac'  -pochette ci-contre).   

 

  Le film m'a laissé une impression paradoxale, comparable à celle de romans comme le Jongleur interrompu de Francis Berthelot, dont j'ai parlé précédemment dans mon billet que cet auteur. J'ai en effet failli sortir de la salle plusieurs fois, essentiellement aprés la scéne d'agonie suscitée qui m'avait bien refroidie, les scénes suivantes à pouvoir me crisper relevant plutôt du fantastique cauchemardesque comme une apparition nocturne de la mére, fantôme ambigu malgré son aura de tendresse. Comme je l'évoquais en introduction, l'immersion propre à la salle de ciné a bien joué son rôle dans cette tension.

 

  Et comme pour Francis Berthelot, mon masochisme a encore une fois fait son effet, et j'ai été happé par l'ambiance poisseuse et hypnotique de ce film, que j'ai déjà comparé sur un forum à une préfiguration de David Lynch.

 

  Bref, si vous avez le coeur bien accroché, n'hésitez pas à découvrir ce joyau noir de la Movida espagnole.      

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28 septembre 2010 2 28 /09 /septembre /2010 19:55

   

Voilà un livre dont je m'en veux presque de ne pas avoir parlé avant, car il mérite franchement le détour.

 

  Il s'agit d'un des trois romans d'un auteur qui ne pouvait que m'intriguer, et aprés lecture me passioner, étant donné qu'il puise directement son inspiration au surréalisme. Et il en tire non un exercice un peu vain où une rêverie morbide peu accessible, mais un véritable enchantement digne du plus fort de Lewis Caroll et Boris Vian (la comparaison est du plus grand sérieux).

 

  Que raconte donc le roman Wonderful, paru en 2001 ? C'est que résumer ce roman est assez difficile.

  D'abord, une chose est certaine : ça se passe à Londres, la veille de la fin du monde. La Lune va tomber sur la Terre, mais la population ne s'inquiéte pas plus que ça : plutôt que d'aller s'affamer au pôle, elle se livre à la fête.

  Ainsi un mystérieux disc jockey passe sur la radio Blue FM des disques qui composent la bande-son du roman (c'est que Calvo tiens au rock indépendant), un quartier entier de doux dingues (?) appelé victoriens affirment avoir réellement remonté le temps en recontruisant un morceau de la Londres victorienne, et surtout un grand marathon de danse se tient dans la ville pour les dernière vingt-quatre heures du monde.

 

  Nous suivons deux histoires parallèles : la jolie Margot, une mystérieuse jeune femme qui apprivoise les flocons de neige de la télévision, se prépare pour le marathon de danse, tandis que le médecin Loom cherche un film que personne n'a jamais vu et qui seul pourait guérir sa femme, Pooh. Son enquête le ménera dans tout Londres, lui fera rencontrer, outre les victoriens, les fées de Kesington Garden, deux détectives privés complétement fêlés qui se deguisent en n'importe quoi (en dinosaures, en homards), et surtout, les planètes elles-mêmes, sujettes d'un royaume stellaire digne d'un film de Méliès, dont la légende est l'un des clous poétique du livre...les planétes qui sont seuls responsables de la fin du monde.

 

  On le voit, toute cette histoire est surtout prétexte au rêve, à la licence poétique, à l'émerveillement. Et si ça marche du tonnerre, c'est que l'intrigue du roman est une véritable prouesse de construction : si elle pars dans tous les sens, aucun n'est gratuit et l'intrigue est aussi haletante qu'un thriller en juste un peu plus carollien. Ce délire parfaitement maitrisé fait toute la qualité du roman.

  Les personnages ne sont pas en reste : David Calvo nous les peint volontier candides et rêveurs, à l'image du monde où ils évoluent. Cela pour rendre l'histoire à la fois plus douce, et plus cruelle.

 

  Bref, si l'émerveillement le plus débridé vous manque dans la production littéraire de ces dernières années, foncez sur ce pur joyau.           

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26 septembre 2010 7 26 /09 /septembre /2010 18:19

  Un auteur sur lequel je suis presque obligé de faire un billet, sans doute l'un de mes favoris voir le favori. Un message assez long, vu l'importance d'une oeuvre dont j'ai lu toutes les fictions.  

 

 

 

Francis Berthelot a mené sa carrière de romancier et nouvelliste à côté de celle de chercheur en narratologie au CNRS, qui lui a permis d'être le théoricien des transfictions; autrement dit ces textes qui seraient à le limite des  genres  entre le continent de la littérature dites générale et celui des genres dits de l'imaginaire (SF, fantasy, fantastique). Un concept que certains ont pu jugé fumeux (surtout sur le fait de catégoriser des oeuvres ainsi, ce qui est devenue très à la mode depuis quelques années) mais qui n'empêche pas l'essai / guide de lecture Bibliothéque de l'entre-deux monde d'être une mine de connaissance sur des pépites méconnues de la littérature.

 

  Le mélange des genres est un théme qui ne tient pas seulement à coeur  au chercheur mais aussi à l'écrivain, qui a fait partie du groupe Limite, association de quatorze dingues largement nourris de surréalisme dont la frontière des genres est au centre (vous vous en seriez douté, vu le nom du groupe) de leurs deux recueils parus en 1986 et...2006.

 

  Au-delà de la mode transfictionnelle qui ne veut plus dire grand chose à force d'être repris par une certaine frangue de la critique SF, les romans et nouvelles de Francis prouvent que l'on peut à la fois être un gtrand styliste et un grand conteur. C'est simple, sa prose poétique noire, carrément à tomber, est entiérement au service de l'histoire et des personnages, par l'intermédiaire des ambiances et plus encore des images complétement folles qu'elle parviens à susciter, dans la grande tradition surréaliste que l'auteur à trés bien su adapter à l'art du roman.

  Il a pu montrer ce talent, devinez quoi, dans un peu tous les genres : space opera et SF plus intimiste, fantasy, fantastique, littérature générale teintée d'étrange, merveilleux ouvertement surréaliste.

 

  J'aime bien chrorniquer les livres d'un auteur par ordre chornologique, mais dans le cas présent je vais devoir introduire avec le seul livre qui m'a déplu au point que je n'ai pas pu en lire plus vingt pages : La Lune noire d'Orion, qui l'a révélé à la littérature en 1980. Certes, détourner le space opera pour en faire le premier  livre gay militant de l'histoire de la esséfe française, c'est d'une audace qui force le respect. Mais découvrir ce style plat aprés celui en roue libre de ses créations ultérieures, je ne pouvais pas. Passons.

 

  Nous voilà enfin au vrai Francis avec Khanaor (1983) dont il faut saluer la trés bienvenue réédition de cette année. De la fantasy...genre qui était pour ainsi inexistant en langue française à l'époque ! Vous jugerez de l'interêt de cet ancêtre en pensant que ce qui aurait pu être une fantasy à quête novatrice à l'époque et totalement ringarde aujoud'hui, est en  fait d'une toute autre classe.

  Le roman nous plonge sur une petite île de l'Atlantique, Khanaor, en l'an 584 (date qui ne joue aucun rôle dans le récit, il faut l'avouer), dans la guerre qui oppose trois royaumes : Aquimeur, gouverné par la magicienne Mervine, la barbare Goldébe et l'opulente Aramante.

  Tirons tout de suite notre chapeau : l'auteur n'a pas du tout l'intention de nous déballer le manichéisme un peu puant de la fantasy classique, avec le bon royaume contre les forces du mal. Aucun peuple fondamentalement mauvais, et les meneurs de guerre eux-même  sont pressés par le déperissement de la terre de Khanaor. Et aucun chevalier à la mâchoire carré ne sauvera l'île, mais quelques âmes pures qui n'ont rien de personnages archétypaux  : l'apprentie magicienne Sigrid, le charmeur de plante goldébe Kurt, amant de l'espion d'Aramante Raïleh (à noter que si l'homosexualité reste un théme majeur des romans de Berthelot, celui-ci abandonne tout militantisme dés ce roman) ou encore l'Anssef, un esprit condamné à passer de corps en corps sous le contrôle de sa géôlière Mervine.

  Un roman centré sur l'humain, donc (ce que la fantasy moderne a encore du mal à produire) et comportant également des visions grandioses, telle la scéne démentielle de la forêt possédée. Bref, déjà du trés grand Francis.

 

 

Quatre ans plus tard viens le roman le plus étrange et sans doute mon préféré, surtout en assumant carrément son héritage surréaliste : La Ville au fond de l'oeil, roman appelé "psycho-fiction" par l'auteur, et qui se veut la description du monde intérieur d'une personne atteinte de troubles schizoïdes.

  Le marionettiste Alexis voit ses pantins mourrir aprés avoir appris que son frére est parti pour Retkah, une ville ravagée par la guerre. Lui-même décide alors de rejoindre sa soeur Sonia dans ce qui a tout lieu d'être un dernier exil, Krizkern, la Ville au fond de l'oeil, incarnation de la folie. Alexis se voit tout de suite confronté au fléau de la ville, le Cloaque, autrement dit le Chaos (je vous laisse imaginer tout ce que se terme peut permettre dans ce contexte), et dont Sonia n'a rien de trouver de mieux à faire que de choisir une incarnation comme mére adoptive.

  Le roman, remplie des visions surréalistes, pourra faire penser à Boris Vian, mais en nettement plus glauque et morbide, proche d'un psychédélisme à la Henri Michaux -ce qui n'empêche pas certaines visions d'être plus poétiques et lumineuses. Un théme devient central, qui le sera dans toute l'oeuvre à venir de Francis : celui des artistes et de leur pouvoir, qui ici s'évertue à dompter la folie.

  Un roman pour public un peu plus averti que pour le précedent ( qui comporte déjà son lot de scènes trashouilles, de toute façon aucun roman de Francis ne ressemble à un épisode des Bisounours) mais incontournable pour quiconque s'intéresse un peu au surréalisme et à ses formes modernes.

 

 

Je termine le premier billet avec un trés beau roman de science-fiction intimiste paru en 1991, un autre aprés Khanaor à être disponible  en folio SF ( à la différence de La Ville... épuisé en neuf depuis quelques années).

   Rivage des intouchables, c'est son titre, nous transporte sur une planéte déchirée par une hostilité larvée, pleine du souvenir d'une guerre meurtrière et toute récente, entre deux races post-humaines, les Gurdes écailleux du désert et les Yrvénes aquatiques. Arthur, un jeune Gurde, se lie d'amitié -et un peu plus- avec Cassian, tatoueur Yrvéne un peu voyou et plus âgé que lui. Il entre ainsi dans un monde qui revendique de plus en plus sa liberté face à une société rigide : les transvers, ceux qui transgressent le tabou des relations sexuelles entre les deux races.

  Mais un fléau viens interrompre l'élan vers la liberté : une maladie qui commence par toucher les transvers, et se manifeste extérieurement par des altérations improbables et surréalistes de la peau (symbole central du récit, comme vous vous en êtes peut-être doutés).

  Vous aurez reconnu dans ce fléau tragique une métaphore des années Sida. En transposant cette sombre page d'histoire sur une autre planéte,  Francis Berthelot en fait une histoire douloureuse et belle dont il est devenu coutumier. Un sommet d'une oeuvre qui en compte beaucoup.

 

  A suivre : je consacrerai un billet presque entier à oeuvre maitresse, le cycle du Rêve du démiurge.

 

  EDIT : finalement, devant l'impossiblité de faire un résumé détaillé du Rêve du démiurge, je vais inclure toutes les chroniques de Francis Berthelot dans ce billet.

 

  

Donc, quand Francis entame au milieu des années 90 ce cycle de neuf romans dont sept sont parus à ce jour, lui-même ne le sait pas encore. Il a simplement signé chez Denoël, à deux ans d'intervalle, ses deux premiers romans de littérature générale, qui n'ont aucun rapport entre eux et pas encore l'intention d'en avoir.

   Littérature générale certes, mais l'ambiance fantasmagorique reste présente, même sans élément ouvertement fantastique : imaginaire d'un enfant dans L'Ombre d'un soldat, où le héros Olivier apprend ce qui valu à sa mére l'inimité du village depuis l'Occupation -pas besoin de vous faire un dessin. Légendes bretonnantes dans Le Jongleur interrompu, où le saltimbanque Constantin, condamné par la maladie, espére vivre une renaissance païenne sur l'île d'Anaon où les âmes se réincarnent en oiseau. La prose poétique noire de Francis atteint sa plénitude, créant une lourdeur étouffante et angoissante  dans L'Ombre d'un soldat, une  dureté intolérable dans les derniers chapitres du Jongleur interrompu. Ce qui n'a pas empêché que  la beauté du texte me rendes incapable de faire une pause-respiration dans le cycle.

 

 Aprés cette incursion dans la littérature générale, les choses se compliquent avec Mélusath, au point que l'auteur doive migrer chez Fayard  et ainsi entamer un des parcours éditorial les plus chaotiques qu'on puisse imaginer pour une série.

  C'est que Mélusath, non content  de faire se rencontrer des personnages des deux premiers romans, introduit un élément ouvertement fantastique : le génie qui donne son nom au roman, protecteur d'un théâtre où l'on doit jouer une tragédie sur les Atrides, plongée dans le mythe qui s'annonce éprouvante pour au moins trois personnes de la troupe.

  L'avantage de ce sujet, c'est de donner aux mises en abymes d'oeuvres d'arts, omniprésentes dans l'oeuvre de l'auteur, une dimension surréaliste vertigineuse.

 

  Chez Fayard suit Le jeu du cormoran, sans doute l'oeuvre du cycle dont l'imagination est la plus étrange, à tel point que je vais m'attarder un peu sur l'intrigue. Il s'agit d'une quête jusqu'en Finlande, par un ancien compagnon de cirque du jongleur Constantin, d'un cormoran qui pourrait être la réincarnation de ce dernier. Le brutal Ivan pars donc sur les routes en compagnie de l'asiatique Moa-Tao, qui a réagi aux querelles déchirantes entre ses parents en devenant asexué, et de Tom-Boulon, ancien chef-opérateur du théatre protégé par Mélusath, sombré dans l'alcoolisme aprés le départ de la femme qu'il aimait, et qui transforme littéralement en alcool tout ce qui l'environne.

 

  Le cycle se poursuit, l'idée de ligne générale se faisant plus précise dans l'esprit de l'auteur, selon ses propres dires, aprés le cinquième tome. Il serait fastidieux de résumer chaque romans, surtout en ne saisissant pas forcément les passages de l'un à l'autre par l'intermédiaire des personnages. Parlons plutôt de la ligne générale (en gros, une saga mêlant plusieurs personnages entre 1952 et 2000 -nous sommes actuellement arrivé en 1987) et, surtout, des images marquantes.   

 

  Nuit de colére, paru chez Flammarion, est une variation sur la télépathie, don maudit hérité par le jeune héros de son odieux pére, chef charismatique d'une secte dont lui-même est l'unique survivant du suicide collectif. L'un des grands sommets du cycle et l'un des chef-doeuvre de Francis Berthelot, dont la moindre réussite n'est pas de donner une ampleur épique à une image centrale : la flore qu'aperçoit le héros quand il sonde les esprits, et qui différe selon les indvidus.

 

 

  Suivent deux romans chez le Bélial :

  Hadés Palace, plongée hallucinante dans une grande maison d'artiste au prestige mondial...et dont on ne peut pas sortir. Ah ça, le patron, le sinistre Bran Hadés, ne plaisante pas, et les artistes qui ne sont pas au niveau exigé sont rééduqués selon des méthodes un peu nazies dans le second cercle, et s'ils n'ont toujours pas compris, les attend  un troisième cercle qui a tout d'infernal.  On est loin de la littérature générale des début, plutôt dans une épopée flamboyante et sombre, un réalisme magique qui prend des proportions de fantasy..comme Khanaor, tiens.

  Le petit cabaret des morts, où il est question d'expériences sur les âmes des morts captives, mêlé à un chassé-croisé érotique assez vénéneux, m'a demandé un moment d'acclimatation tant les enjeux de l'intrigue, sise dans un village des Alpes, n'ont pas le grandiose d'Hadés Palace. Par contre, les liens avec le romans précédents sont bien plus forts, ce qui est de trés bonne augure pour la suite.

 

  Pour cette suite, justement, la malédiction éditoriale du cycle a débouché sur une expérerience originale : Carnaval sans roi  paraitra silmultanément chez deux éditeurs, en numérique chez le Bélial, sur papier chez Rivière blanche. (EDIT : il est d'ailleurs  Chroniqué depuis)

 

 

Avant de quitter ce grand monsieur, un petit mot sur ses deux recueil de nouvelles : La Boîte à chimère chez Fayard, Forêt secrète chez le Bélial. Deux recueils où vous pourrez trouver des collaborations au groupe Limite, mais aussi aux anthologies du mouvement de la Nouvelle fiction qui a mené plus tard un projet sembable de jeu avec les frontières des genres.

  L'occasion  surtout de découvrir que l'auteur est aussi bon nouvelliste que romancier...même s'il n'aime pas trop écrire des nouvelles et préfére de loin les romans ! 

 

  A noter sur Forêt secréte : le recueil doit son titre au pays de conte de fée ou prennent place la première et la dernière nouvelle, plus proches de deux contes.

  La première, Le Serpent à collerette, a fait l'objet d"un trés beau livre d'art que je n'ai malheureusment jamais eu entre les mains. Il s'agit d'une variation métaphorique sur un sujet grave, la pédophilie, ici devenue l'agression d'un serpent  qui viens étouffer chaque nuit la fillette au son de la flûte de l'odieux beau-pére. Vous jugerez de la délicatesse que permet une telle métaphore.

 

  L'auteur a aussi utilisé ce pays dans son unique incursion dans la littérature jeunesse, le trés beau conte La maison brisée, autre belle métaphore, cette fois çi  du divorce, où la maison du petit Pierre-Plume se partage en deux parties, dont l'une se réfugie sur la lune et l'autre au fonds des mers. Une histoire de divorce qui a en outre l'intelligence de ne pas prendre les enfants pour des idiots avec une happy end qui ne résoud aucune angoisse  !

 

 

  Sur cette petite page de douceur aprés le bruit et la fureur des précédents livres, il est temps de clore ce billet.

              

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19 septembre 2010 7 19 /09 /septembre /2010 22:40

 

Petit changement d'univers avec un film assez drôle et rafraichissant (bien qu'encore un peu mélancolique) découvert il y a de ça environ un an.  

 

Soit je meurs, soit je vais mieux de Laurence Ferreira Barbosa, sorti en France en 2008, nous présente un jeune homme de 16 ans, Martial, affublé d'une mère un peu couveuse, et contraint suite au divorce de ses parents de déménager avec elle dans un appartement plus petit et de changer de lycée.
  En grande difficulté pour s'intégrer (ce que sa chère maman ne va pas précisement arranger) Martial ne trouve rien ce mieux à faire que de se rapprocher d'un couple d'étranges jumelles qui le fascinent, et qui vont l'entrainer vers une série de jeux dangereux.

 

  Ce pitch pourrait donner un film ennuyeux, sauf que la réalisatrice a choisi, pour traiter le thème rebattu de la crise d'adolescence, ce registre particulier qu'est l'insolite.
  Le terme freudien d' "inquiétante  étrangeté" a été avançé pour ce film. Il convient très bien en  effet à ces personnages bizarres et à ces situations absurdes, décalées jusqu'au surréalisme, sans que le film n'introduisent le moindre élément fantastique.
  Ainsi d'une idée directrice du film, plutôt ingénieuse : les deux jumelles possédent les double des clé de tous les logis où leur mère  travaille comme femme de ménage, et sont ainsi partout "chez elle" -inutile de dire qu'on ne sait jamais où elles habitent réellement. Les intérieurs successifs offrent ainsi aux éléments de barjoterie un décor à leur démesure.

 

  Et puis surtout, la BO est magnifique.  Bref, si vous  avez l'occasion de voir ce petit bijou, n'hésitez pas. 

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19 septembre 2010 7 19 /09 /septembre /2010 21:29

Mon interêt pour l'ancienne culture polynésienne  est venue un peu au hasard des lectures : d'abord celle des mythes, sur lesquels deux livres sont parus dans l'excellente collection A l'aube des peuples chez Gallimard ; pas forcément la pente la plus abordable pour découvrir cette fascinante civilisation ; puis sont venus les romans, avec l'emprunt toujours par hasard de l'anthologie Polynésie, les archipels du rêve chez Omnibus.

  Je vais donc parler des trois romans que j'ai pu lire jusqu'à présent (dont deux faisaient partie de cette anthologie) et qui ont offert des regards différents sur les peuples Pacifique et, plus précisement,  sur Tahiti.

 

La civilisation polynésienne reste une grande incomprise de l'occident, non à cause d'un cliché du sauvage anthropophage avec un os dans le nez, mais du cliché inverse : celui du peuple hédoniste vivant couronné de fleurs dans son paradis tropical.

  Le mariage de Loti de Pierre Loti, l'un des romans regroupés dans l'anthologie Omnibus, s'inscrit dans cette veine d'exotisme léger teinté d'érotisme, ce qui ne l'empêche pas d'être trés intéressant  littérairement. S'inspirant largement de sa propre epxérience (toutefois le Loti  du roman n'est pas Pierre Loti) l'auteur nous décrit la vie du narrateur à Tahiti, ses amours avec sa jeune épouse indigène. L'occasion à la fois de célébrer la douceur de vivre d'une civilisation et de déplorer sa perte (ce qui ne va pas sans racisme envers les Chinois, éternels ennemis de Tahiti dans la littérature océaniste, jusque chez le peintre Gaughin).

  Le principal interêt du roman n'est pas selon moi dans cet exostisme facile, mais dans quelques trés beaux passages introspectifs à la limite du fantastique  : ainsi le vague à l'âme du narrateur, arrivé sur une autre île, ressentant toute l'étrangeté du monde ou il est arrivé ; ou bien la fin, d'un onirisme trés troublant et dérangeant, du genre à revenir hanter ses nuits longtemps aprés avoir refermé le livre.

  Bref, assurément, le livre n'a rien d'un exotisme kitsh, même si un ethnologue, ou un polynésien un peu soucieux de son identité, y trouverait abondamment à redire.

 

 

Les Immémoriaux de Victor Segalen, par contre, change carrément d'optique. C'est le cas de le dire, la vision du "sauvage" chez Segalen rompant avec tout ce qui s'est écrit avant, faisant du romancier le précurseur (1907) de l'ethnologie moderne, bien avant Lévi-Strauss lui-même !

 

  C'est que Segalen a choisi de donner la parole au peuple tahitien à travers ses mythes.

  Nous assistons à l'arrivée des missionaires occidentaux à Tahiti, à la fin du XVIIIème siècle, vu de Tahiti.

  Cette fois, plus de bons sauvages et de vahinés lascive, pas plus que de mauvais sauvages (plus rare dans la littérature océaniste, mais ça existe) mais une civilisation riche et complexe, à la fois raffiné dans les plaisirs et dans la cruauté, le lien de l'un à l'autre passant par le Sacré.

 

   Nous suivons donc Paofaï, de la caste des Arioï (les balladins sacrés) et son disciple Terii (dont il est laissé entendre qu'il pourrait être le fils de Paofaï, ce qui est un grave manquement à la régle Arioï, ceux-ci ne devant pas laisser vivre leurs enfants). Devant l'arrivée des "hommes aux nouveaux-parler" (les occidentaux) ceux-ci partirons en quête d'une écriture destinée à préserver la langue maorie. En vain, et au retour l'histoire aura coulé beaucoup plus vite sur Tahiti que pour les voyageurs (il y aurait fort à dire sur la façon dont cette impression est rendue par la longeur des trois partie, la seconde et la plus courte étant dévolue au voyage). Tahiti est devenue chrétienne et se convertit à la culture occidentale, ce sur quoi l'auteur s'étend autant que sur l'ancienne culture, faisant peu à peu basculer le récit vers la noirceur.

 

  De fin d'une civilisation, il n'en est pas question dans C'était le soir des Dieux de Jean Dorsenne, autre roman de l'anthologie Omnibus.

 C'était le soir des Dieux est paru en 1925 aux éditions Ferenczi, connue pour ses romans-feuilletons et autre romans d'aventures à quatre sous, tel le ravissant Les aventuriers du ciel de RM de Nizerolles.

  Le roman de Dorsenne détonne parmi les productions à l'exotisme parfois bon marché de l'auteur, mais aussi encore, bien sûr, parmi la littérature coloniale de l'époque.
 La stratégie, on l'aura compris, et la même que celle des Immémoriaux de Segalen : donner la parole au peuple polynésien à travers ses mythes.
 
  Mais cette fois, pas question de décrire par ce biais une réalité historique, mais de se projeter dans les mythes, dans un monde difficile à situer autrement que celui d' "il était une fois", une Polynésie ou la magie règne.

Bref, dans la France des années 20, Dorsenne est en train de faire de la proto-fantasy !.

 

Le roman est centré sur la caste des Arioï, les balladins sacrés voyageant d'île en île, et qui ne peuvent avoir d'enfants, quitte à pratiquer l'infanticide.

 L'héroïne, Nohoraï, comprend qu'elle est faite pour être femme de l'Arioï Nita (ce n'est pas un cliché romantique, nous somme dans une société régie par le sacré, ne l'oublions pas). Cela donne lieu à une scène hallucinante ou le jeune homme avec qui elle a été élevée et qui l'aime depuis ce temps, Teraï, accepte d'être sacrifié à un couple qui n'a plus grand chose à faire de lui.

  La suite, qui relate notamment la rivalité de l'ancienne favorite de Nita, est surtout un prétexte à la découverte de ce monde de légende, qui recéle des passages grandioses tel la nuit de l'initiation du jeune Arioï.          

      
  Obstacle majeur cependant pour apprécier sa lecture : le style n'a rien de la prose poétique sobrement ciselé de Segalen, destinée à rendre la poésie maorie. Non que Dorsenne se regarde écrire de manière purement nombriliste. Mais il a choisi pour son épopée mythique de pasticher le style homérique et ses métaphores (eh oui !). Cela ne manque pas d'interêt, mais on aime ou on aime pas (je reconnais que j'ai eu un peu de mal par moment).

 

  Si je devais conseiller en priorité l'un des trois romans, ce serait celui de Segalen, bien sûr  en partie pour son statut de classique, mais aussi sur le plan personnel car c'est l'un des plus beaux romans que j'ai pu lire. Ce qui n'empêche pas les autres de montrer un certain interêt (surtout, à mes yeux, la "proto-fantasy" de Dorsenne).   

 

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19 septembre 2010 7 19 /09 /septembre /2010 21:08

Puisque ma dernière chronique BD explorait la voie du surréalisme trash, autant continuer sur cette lancée.

J'enchaine donc avec une novella parue au Seuil l'année dernière, Lobster de Guillaume Lecasble. Accrochez-vous, c'est du lourd.       

 

Comme j'ai trop peur de vous la résumer moi-même (la dernière fois, j'ai refilé un fou rire à une amie) je recopie la quatrième de couverture (la présentation Amazon raconte trop à mon goût):

 

  Le 13 avril 1912 : l'aquarium  de la salle à manger du paquebot Titanic.

  Lobster, jeune homard de trois livres, voit son père se faire manger par Mademoiselle Anjelina Carter; le lendemain, il la fait jouir et la sauve de la noyade.
  L'amour qui nait entre eux...
 
 On le voit, on est dans du déjanté total.
  Mais pas non plus dans une fantaisie légère. Bien au contraire, l'auteur ne recule devant rien pour créer le malaise chez son lecteur. Ce n'est même que dans ce but qu'il s'évertue à rendre les personnages attachants (surtout Maurice, le matelot qui se lie d'amitié avec le pourtant muet Lobster) avant de nous prendre à rebrousse-poil, de maltraiter nos pauvres coeurs compatissants, avec une imagination aussi délirante que perverse.

L'écriture, extrêmement sobre et même séche, se révéle idéale pour faire avaler les plus grosses couleuvres au lecteurs et l'emmener dans une expérience extrême. Et on se laisse ainsi mener en bateau jusqu'à une fin à la fois purement hallucinatoire et plutôt malsaine, d'autant plus qu'elle est dépourvue de sens.

 

Le livre refermé laisse une impression indéfinissable, on n'ose pas encore dire si on a aimé ou pas, mais on a certainement pas l'impression d'avoir perdu son temps avec un tel délire. 

 

  N'hésitez pas à vous pencher sur cette curiosité à l'occasion.

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19 septembre 2010 7 19 /09 /septembre /2010 20:24

 

  Aprés les romans fantasy et esséfe (EDIT 2011 :  déplacés ces derniers ) place à la BD avec un auteur décidemment à suivre, Ludovic Debeurme. Et bien sûr, je ne parlerais que des albums que je connais, c'est à dire Céfalus, Mes ailes d'hommes et celui par lequel je l'ai découvert, Le Grand Autre.

 

 

 

  Commençons par le premier dans l'ordre chronologique, qui a d'ailleurs révélé l'auteur en 2002, Céfalus. Une histoire pour le moins bien barrée : un homme se jette du haut d'une falaise, mais son double (dont on ignore la nature) se relève. Il prend la tête du mort avec lui. Aprés une rencontre dans le ventre d'un géant avec un Pinocchio devenu SM en compagnie de ses pino-girls (parceque pour le truc du gentil petit garçon, faut pas croire, il a menti), il échoue dans le cirque d'un certain Dr Krü, qui lui greffe la tête du mort en plus de la sienne, et l'ajoute à sa collection de phénomènes, parmi lesquels Sainte-Lucie énucléée.

  Il faut préciser que c'est le dernier album de Debeurme que j'ai lu, et il m'a laissé un avis plutôt mitigé, qui est peut-être trés subjectif. L'oeuvre est encore un peu immature, mais elle ne manque pas de qualité, notamment grâce à son univers surréaliste et poétique. Debeurme a un don pour les images étonnantes et burlesques, il sait détourner joyeusement les références et transformer un cliché en poésie (la Transylvanie, pays des légendes où les monstres sont vues comme de grands artistes...souvenir d'Isabelle de Will et Franquin ?). Le dessin sers trés bien la cause de l'album : en apparence assez rudimentaire et peut-être pas forcément beaux aux yeux de tous le monde  (on dit la même chose de Joann Sfar, remarquez) il peut aussi jouer avec des codes possibles uniquement en dessin (animé, à la rigueur) comme dans un passage parodiant les dessin animé gnangnan sur les zentils animaux.

 Le probléme sur cet album c'est que l'auteur hésite encore entre poésie et provocation trash, n'hésitant pas à flirter avec le porno par moment -de façon gratuite et inutile pour moi. Je ne trouve pas le mélange très heureux, surtout en ayant d'abord eu sous les yeux l'exemple du Grand Autre ou noirceur et poésie étaient intiment mêlée (j'y reviendrai).

  La deuxième partie de l'album est à mes yeux bien meilleure que la première, l'auteur ayant trouvé semble-t-il un juste équilibre.

 
  J'ai parlé d'immaturité, mais à l'époque (2002 donc), l'auteur a aussi sorti le trés beau Mes Ailes d'hommes, une BD au format curieux, sorte de version adulte d'un album pour enfant, avec une image par page (en un peu plus long pour ne pas laisser sur sa fin).

 

 Il s'agit d'un récit à la première personne d'un jeune homme qui n'a jamis connu son pére et que sa mère a quitté enfant pour partir avec un compagnon américain. Apprennant que cette dernière viens de mourir, il pars aux Etats-Unis où il se découvre un frère monstrueux, né d'un empoisonnement collectif par une usine.

 

Difficile d'en dire plus sans spoiler, si ce n'est que l'album traite de la différence, des monstres, de façon trés sturgeonienne, avec en plus la poésie de l'absurde typique de l'auteur, à la fois émouvante et inquiétante. Déjà du grand Debeurme, sans aucun doute.

 

On arrive enfin au Grand Autre, énorme pavé paru en 2007, et oeuvre maîtresse de l'auteur selon moi.

 

Encore des monstres, cette fois un jeune ado du nom de Louis, qui à peine débarqué au collége cumule déjà toutes les tares : outre sa fausse jambe en titane et ses phobies alimentaires, il a échangé dans son enfance ses yeux  avec ceux d'une divinité marine. Conséquence, il a acquis une vue "de l'intérieur", c'est à dire qu'il voit l'âme humaine et sa laideur. Mais ses épaisses lunettes remédie à cet état de fait dont il n'a pas conscience, pour lui il louche simplement (ben oui, avec une vue de l'intérieur c'est normal).


  L'intrigue se présente d'abord comme une banale histoire de djeun's, avec  notre Louis  qui tombe amoureux d'une "gothic" du collége, Célia (que l'auteur aura le bon goût de ne pas changer en cliché de l'âme pure quand Louis perdra ses lunettes au fond d'une piscine, préféfant une sorte, euh, d'érotisme morbide).
  L'épisode de la piscine et la perte des lunettes, donc, termine le cliché ado et entame, via les égoûts, la grande odyssée centrale du livre, au coeur de la forêt. Louis devient un homme des bois, se lie d'amitié avec des insectes puis, sans grand cas de conscience (juste quelques larmes) avec les oiseaux qui dévorent ceux-ci. Des ailes lui poussent. L'ayant vu à se fenêtre, Célia rejoint l'homme volant et ils vivront leurs aventures ensemble.

Quand je dis que c'est l'oeuvre maîtresse de Debeurme, c'est pas pour rigoler. J'avais déjà dis que noirceur (qui penche plus du côté du gore, parfois éprouvant, que de la pornographie qui a disparue) et poésie était imbriqué  dans le récit : cette fusion est en fait réalisée dans l'esprit d'un artiste que, quand même, comme référence y a pire, j'ai nommé Roland Topor.

  Décidant de tout se permettre, le dessinateur (Debeurme, pas Topor) supprime les cases et les bulles, afin de renforcer l'aspect totalement surréaliste du récit. Comme pour Céfalus, il utilise à l'envi le procédé des articles, notices techniques, etc, insérés dans l'histoire. Bref, il s'éclate, mais alors quelques chose de bien.    

  Concernant le récit lui-même, cette espéce de conte de fée un peu trash devient un rébus surréaliste ouvrant la voie à toutes les interprétations. A cet égard, le mystére laissé par la fin de l'album, et la lecture nouvelle qu'elle entraine de passages précédents (dur de ne pas en dire plus), m'en suis toujours pas remis d'émotion.

 

Bref, décidemment un incontournable de la BD franco-belge du moment.

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19 septembre 2010 7 19 /09 /septembre /2010 15:40

 

 

  Pour inaugurer ce blog, un peu de fantasy.

Non pas que je sois un fanatique du genre. La plupart des romans qui nous envahissent depuis une dizaine d'année ont le don de m'ennuyer dés la 4ème de couverture, laissant présager une énième resucée de Tolkien et de la sempiternelle fantasy à quête.

 

  Rien de tout cela avec Thomas Burnett Swann, auteur américain qui n'a hélas jamais connu le succés de son vivant (il est décédé en 1976, dans la décennie qui voyait tout juste se dévelloper le marché de la fantasy -il n'était pas encore question de s'amuser à faire de la littérature).

  D'abord, ses romans sont de ce que la mode actuelle appelle l'Antic fantasy, et, qui plus est, de la fantasy mythique. Il n'est pas question de créer un univers de toute piéce, mais de reprendre à sa sauce d'anciens mythes, en l'occurence greco-romains. Voilà qui change d'un énième univers médieval !

 

  Mais la plus grande originalité (la relecture de mythes grecs, aprés tout, c'est d'un banal aujourd'hui) est dans le traitement. Amateurs de quêtes héroïques à n'en plus finir, d'objets magiques destinés à sauver le monde et d'Orcs débités à la hache, passez votre chemin :   les romans de Swann nous plongent plutôt dans une fantasy intimiste, où les enjeux sont plus modestes   -sauver des proches que l'on aime, et si nécessaire se battre pour sa terre.

  Le ton est décidemment léger : les personnages, même guerriers farouches, sont souvent naïfs et rêveurs. Tomberait-on donc de la grosse fantasy à la miévrerie ? Non, pour deux raisons : d'abors la sensualité trés fine de l'auteur, plaçant son ambiance libertine toute en suggestion au en délicatesse au coeur de son oeuvre. Et ensuite un ton résolument sombre :  la ligne directrice  de tous les romans de Swann n'est autre, aprés tout, que la fin de l'Âge d'Or, la disparition des anciens peuples -dryades, centaures...- dont la société prend le plus souvent des allures d'utopies, devant l'avancée de l'Histoire est surtout d'une humanité guére décidée à partager son monde.

  Les deux versants de l'oeuvres se conjuguent : si la sensualité de l'oeuvre, loin de se réduire à un vulgaire érotisme de pacotille, fait l'apologie d'une vie tournée vers le bonheur de vivre et d'être ensemble, le monde rappelera sa triste réalité  où finalement, les Hommes, être heureux, ils s'en moquent pas mal.

 

  Et l'imaginaire dans tout ça ? L'évasion que nous recherchons dans tout roman de fantasy ? Eh bien là, vous allez être servi, sans doute mieux qu'avec les tolkienneries de derrière les fagots. C'est que l'auteur ne se contente pas de reprendre le folklore greco-romain, mais le tord dans tous les sens et y rajoute des inventions de son cru, avec une imagination pas loin d'être surréaliste et un grand don de poésie.

  C'est ainsi que vous verrez des génies orientaux entretenir une vallée plantée de bambous et peuplée de pandas  en pleine Italie du VIIIème siècle (c'est que Swann  est aussi passionné de l'Orient -il a écris de haïkus- et ne se prive pas de le faire intervenir même dans un univers antiques) ; vous apprendrez que Cerbére est une rose-chien de l'Âge d'Or et que Carthage a été soumise à un peuple d'éléphant ; qu'un enfant au sang divin peut parler non seulement audits éléphants, mais aux navires (comme c'est le cas des capitaines). Et de nombreuses autres inventions étonnantes de ce genre.

 

  Mais de quoi ça parle-t-il tout ça ? Il est temps de passer en revue les quelques romans parus pour le moment en français.

 

  La trilogie du Minotaure  (dont vous voyez la couverture ci-dessus)  raconte la vie utopique -et sa fin- des créatures des forêts de Crètes, autour de la vie du dernier des Minotaure Eunostos  (bien que celui-ci soit un personnage trés secondaire dans la premier roman, et ne deviennent narrateur que dans le dernier, le cycle étant d'abord raconté par la nymphe Zoé, secondée dans le premier tome par l'humain Lordon).

  A noter que l'ordre chronologique des romans est l'inverse  de celui des parutions, les deux premiers étant des préquelles. Des préquelles parues à titre posthumes, et donc comme tous les livres posthumes de Swann manquant de relecture : l'intrigue parait souvent un peu cousue de fil blanc, l'écriture relâchée sur certains  passages. Et pourtant les romans gardent une trés grande force d'émotion... c'est dire ce que doit être un Swann abouti ! Ce que vous pourrez découvrir avec Le Jour du Minotaure, le dernier roman (dont le titre est, il faut bien le dire, une erreur de traduction), l'un des romans de l'auteur que je préfére.

 

 

  La trilogie du Latium, éditée en deux tomes aux Moutons électriques et repris en poche, en trois tomes, chez Point fantasy, raconte comme son nom l'indique l'histoire de la fondation de Rome. Le premier tome, Le Phénix vert, nous montre Enée et son fils Ascagne arrivant en Itallie, où la doyenne des dryades est décidée à éliminer le prince troyen -mais la jeune dryade Mellone ne l'entend pas de cette oreille. Sans doute l'un des sommets de prose de Swann, et un autre de mes romans préférés. Les deux suivants sont d'autres oeuvres posthumes, avec les inconvénients que l'on sait, mais restent à la fois d'une grande beauté poétique et de purs bijoux d'imagination, dont j'ai donné un aperçu plus haut. Le Peuple de la Mer est une préquelle sur les amours d'Enée et de la reine de Carthage Didon, tandis que La Dame des Abeilles nous fait franchir 4 siècles pour assister à la fondation de Rome par Romulus et Rémus, mais en parvenant à garder un personnage : la nymphe Mellone, devenue narratrice.

 

  Il reste enfin à parler d'un tome réunissant deux romans (et une courte nouvelle sur Jerôme Bosch), chez Folio SF : La Forêt d'Envers-Monde  suivi de Les Dieux demeurent. Tous deux ont pour fil conducteur une forêt enchantée d'Angleterre, mais à deux époques trés éloignée : La Forêt d'Envers-Monde quitte un temps l'antiquité pour le XVIIIème siècle des premiers romantiques, où une jeune femme invalide du nom de Deirdre pars explorer la forêt en ballon, en compagnie de son cocher Dylan et de sa tante ; Les Dieux demeurent, dernier roman de mon podium swannien, revient dans l'antiquité, à l'époque de la christianisation de l'Empire romain, ou des divinités païennes -trois esprits du blé romains, et un génie de la mer celtique, également nommé Dylan- entreprennent un voyage vers ce dernier refuge forrestier. Outre la force émotive, l'imagination est encore au rendez-vous avec notamment un hallucinant voyage en bateau à travers les mondes souterrains.

 

 

 

  Voilà pour ce grand monsieur de la fantasy, dont l'oeuvre, majoritairement inédite en français, mériterait d'être davantage connue.  

 

        

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