Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 août 2017 1 21 /08 /août /2017 22:00

Après Didier Lemaire, encore une fabuleuse découverte faites par hasard dans le domaine de la nouvelle. Une découverte plus ancienne : j'avais emprunté ce recueil il y a déjà plus de neuf mois, dans un lieu branchouille mais où passait un bon concert et qui, au moins, abritait une bibliothèque sans adhésion ni limitation d'emprunt, même en délai (j'ai peut-être un peu exagéré, du coup). J'avais déjà lu les trois premières nouvelles, qui m'avait fait fort impression, même si j'avais du mal à rentrer dans l'univers particulier de Marcel Schneider, et notamment dans son style. La lecture / relecture récente du recueil entier a confirmé que  ce recueil était pour moi la claque de l'année.

Divinités du Styx n'est pas un recueil "officiel" de Marcel Schneider. Il s'agit d'une anthologie, publiée en 1998 par son éditeur attitré, Grasset, de ses nouvelles publiées entre 1965 et 1987, plus trois nouvelles inédites écrites dans les années 90. J'ai oublié de dire que l'anthologiste et le préfacier  n'était rien de moins que le grand George-Olivier Châteaureynaud, l'auteur du grand roman L'Autre Rive et dont j'avais aussi chroniqué une autre pépite, Résidence Dernière. Je crois bien, d'ailleurs, que cette préface a fortement contribué à me faire emprunter le livre, et elle est effectivement passionnante, situant très bien Marcel Schneider, non seulement dans le monde des belles lettres où il est marginalisé par son goût des chimères (très belle défense de l'imaginaire méprisé par l'intelligentsia française que cette préface), mais aussi dans le fantastique où il est déjà un peu marginal, plus proche de ce genre mal défini qu'est le merveilleux.

Maintenant que j'ai assez parlé du livre, parlons des nouvelles.

Un lecteur intéressé par la modernité littéraire, sans même parler d'avant-garde, trouverait les nouvelles de Schneider rétrogrades. Pour des nouvelles toutes publiées après 1960 (même si l'auteur, témoin du XXe siècle, est né en 1913), le style, que d'aucun pourrait juger précieux, fait davantage penser au XIXe siècle, et quand les nouvelles, notamment les plus tardives publiées (je ne compte pas les inédites), font dans le récit historique, on se croirait tout à fait chez un auteur du XIXe. Le côté "vieille France" de l'auteur, même s'il dissimule très adroitement ses sympathies pas très sympathiques (proche de l'Action Française, de ce que j'ai entendu dire), renforce cette impression. Pas forcément très avant-gardiste ni même moderne, mais on y retrouve toute la saveur des classiques des grands auteurs du fantastique dans un style éclatant, même si peut-être effectivement un peu précieux.

  Fantastique ? Cela fait débat, comme dit plus haut. A l'exception notable de Et Carnaval triomphe, seule vraie nouvelle d'épouvante du recueil, bien que l'intérêt soit davantage dans l'esthétique baroque et le pastiche de récit libertin dans une Venise dangereuse pour les jeunes âmes, et de certain passages de  la plus belle nouvelle du recueil, Le Granit et l'absence, l'autre monde, le "tramonde" de la dernière nouvelle citée, ne fait guère peur, et est au contraire un soutien face à la barbarie du monde et de l'Histoire, qu'elle soit celle de la Révolution ou du XXe siècle, l'une comme l'autre vécue essentiellement du point de vue de la région natale de l'auteur, l'Alsace. Beaucoup de nouvelles ressemblent à des récits de miracle chrétien, voire païen dans Le Pilier de l'univers, récit très ambigu du trip mystique de trois adolescents dans la Prusse-Orientale d'un IIIe Reich en cours d'effondrement. Tout ceci n'a rien de bondieusard (il est de toute façon difficile de cerner la mystique de l'auteur, d'un christianisme certainement hétérodoxe), mais offre des images mystiques d'une profonde beauté, très nourries de culture germanique et celtique (l'un des recueils, dont sont extraits trois nouvelles de l'anthologie, dont Le Pilier de l'univers, s'intitulent La Lumière du nord).

  Certaines nouvelles sont plus inclassables : Opéra Massacre, seule nouvelle tirée du premier recueil du même nom de l'auteur, est de loin la plus étrange, sorte de fantaisie dystopique et surréaliste sur l'avant-garde artistique, qui n'a pas manqué de me rappeler, à tort ou à raison, les nouvelles d'André Pieyre de Mandiargues dont j'avais dit des bêtises aux débuts de ce blog. Le Granit et l'absence, à mon sens de sommet de l'anthologie, est également assez étrange, bien que de façon plus discrète, et partage avec la précédente, de façon plus poussée encore, une folie stylistique que l'auteur perdra par la suite, sans doute avec la maturité. C'est la principale raison qui m'a un peu freiné pour apprécier pleinement les nouvelles de l'anthologie : les deux premières nouvelles, et en fait surtout la seconde, plaçait la barre si haut, j'avais tellement de mal à redescendre après Le Granit et l'absence, que la suite m'a semblé un peu fade en comparaison. Ce qui n'enlève rien à la qualité de l'ensemble.

Partager cet article
Repost0

commentaires