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12 décembre 2010 7 12 /12 /décembre /2010 16:35

  L'idée d'esprit surréaliste à la Belge est décidement trés à la mode depuis quelques années, ce à quoi ma chronique du Voyage à Visbecq   a offert un écho inattendu.

  En matière de surréalisme à la belgicaine, je viens tout juste de découvrir Nicolas Ancion, auteur dont les livres valent le détour.

 

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Pour rendre compte de l'univers de Nicolas Ancion, on ne peut que l'aborder par sa piéce maîtresse, monument de délire déjanté : le court roman -presque une novella- Ecrivain cherche place concierge.

  Sur un point de départ livré dans le titre -notre écrivaillon un peu raté, mais du genre d'écrivaillon raté que vous verrez peu en littérature - se trouve la place de glandeur, euh, concierge désirée dans un château qui réserve bien des surprise pas vraiment au programme : en compagnie du lapin en peluche qui y sert majordome et d'un ours amateur de chocolat, notre héros se retrouve confronté à rien de moins que la redoutable mafia des phoques et des manchots.

  On a tout de suite compris qu'on est pas dans le sérieux d'une dissert' d'économie, mais ce synopsis nonsensique ne serait rien sans l'écriture qui lui donne corps, un style drôlatique en roue libre, qui dans ses meilleurs moments semblent un pastiche pas indigne pour deux sous de Boris Vian, et au pire à du Barjavel, mais attention, le vrai et bon Barjavel, l'auteur de ravissants délires poético-surréalistes malheureusement éclipsé par des romans aussi nouillasses que La Nuit des Temps.

 

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Aprés un tel festival nonsense, je me suis empresser d'enchainer avec le recueil de nouvelles Les ours n'ont pas de problèmes de parking, où j'ai du refroidir mes ardeurs en commençant à réaliser que dans l'ordre de lecture de mes trois livres du monsieur verrait décliner la foldinguerie stylistique et sur une pente plus discréte celle de l'imagination, sans en rendre les textes inintéressants pour autant, loin s'en faut.

  Le recueil, donc, est assez hétéroclites. On y trouve de la littérature blanche avec le dyptique des récits de vie du belgo-turc Ugur. Le premier volet est une plongée trés juste de ton dans l'univers impitoyable de l'enfance, en revanche le second, à l'âge adulte, m'a semblé terriblement mièvre (faut dire que sa nature de conte de Noël n'arrange pas les choses) et constitue sans doute ma seule déception du recueil.

  L'interêt se corse avec les trois nouvelles basculant dans l'absurde. Un absurde qui peut être tendre, comme dans ce braquage d'un pressing qui ne tourne pas du tout comme prévu pour les gansters un peu loser et que l'auteur arrive à placer sous le signe de sa créature fétiche, la peluche, mais peut être aussi bien grinçant, comme dans une relecture particuliére du pari de Pascal et, bien plus glaçant encore, dans le destin tragique d'un brave type qui à la malchance de partager avec un autre un peu moins brave le nom de Marc Dutroux.

  L'interêt croit encore de manière compréhensible quand intervient le merveilleux : encore discret, mêlé d'humour noir et de cynisme, avec l'histoire d'une peluche machiavélique qui échaffaude le crime parfait envers son gros bênet de chat de rival. Et bien plus jouissif, le sommet du recueil pour tout dire à mes yeux, avec le dyptique des aventures de Chien brun, un émule de Blacksad qui à l'originalité de mêler dans ses archétypes l'univers du polar hard-boiled (et même d'une touche d'espionnage parodique dans le second volet) avec...celui quand même légérement en décalage des jouets. Cet exercice de style va particulérement loin dans la première enquête de Chien brun, où le gore lui-même est adapté à la nature matérielle des jouets.

  Je termine pour ce recueil avec la nouvelle qui m'a le plus surpris, à contre-courant de tout ce que j'ai pu découvir d'Ancion en l'espace de cette journée : La traversée de la place débute sous les mauvais hospices d'une miévrerie menaçante, mais part sans prévenir dans un véritable récit d'horreur bizarroïde aux contours oniriques et incertains, plus proche dans l'esprit du seul mouvement à mériter officiellement le nom de surréalisme, celui d'André Breton, que des délires pataphysiques ou nonsensiques à la Boris Vian ou Lewis Carrol.

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51Sep0NozoL._SL500_AA300_.jpg 

Je conclus par le roman Quatriéme étage, dont l'univers est tout différent. On est proche ici d'une science-fiction un peu pataphysique, sise dans un monde où la capitalisme sauvage a fini par imposer la misére la plus noire, avenir dystopique qui prend cependant les couleurs de l'humour absurde, fut-il souvent grinçant.

  L'intrigue centrale en est une histoire d'amour, mais un peu particulière, car dédoublée : d'un côté, dans un monde ou la vie est encore un peu douce et digne, un conte de fée improbable où la Bête est un plombier improvisé un peu loser et la Belle sa cliente bien plus distinguée (et comme le sous-entendait mon mot "improbable" le coup de foudre est immédiat, pilule un peu grosse à avaler qui permet de contourner tout un tas de clichés romantocs) et de l'autre, plutôt du côté post-apo du décor, un vieux couples aux abois dont l'homme essaye de cacher à son épouse malade la misére dans laquelle ils vivent. Point commun de ces histoires d'amour ? Elle se déroulent toutes deux dans le quatrième étage d'un immeuble bruxellois. Mis à part l'artifice scénaristique volontairement grossier qui sépare ces deux histoires, pas besoin d'être grand clerc pour en voir le lien, lien qui ne raconte pas seulement une histoire d'amour, mais celle plus douloureuse de ce monde futur dont même en le parant des couleurs de l'absurde, l'auteur a fait, comme tout bon auteur d'anticipation réaliste, un simple prolongement de notre présent.

  Un théme donc riche, que j'ai toutefois eu du mal à goûter, d'abord pour la raison un peu bête de ne pas en bon état de réveil à la lecture, ne saisissant pas le fil conducteur d'un livre pourtant loin d'être labyrinthique, mais aussi, pour sauver l'honneur en trouvant une raison dans le texte, de son aspect trés barjavelien, aussi bien dans la SF absurde qu'en grande partie dans le style ; et  j'ai beau n'avoir jamais douté des qualités d'une partie méconnue de l'oeuvre de Barjavel, sont style et héritage reste de ceux face auxquelles, aussi injuste que ce soit, mon imaginaire a trop vite vieilli.

 

  Néanmoins, je ne regrette pas du tout la découverte de cet auteur, mes regrets vont plutôt au contraire vers le recueil Nous sommes tous des playmobiles que j'ai commandé trop tard pour le lire en même temps les autres...petit edit de chronique à prévoir, donc.

  Toujours est-il que s'il vous intrigue aussi, je ne saurais trop vous conseiller de foncer en priorité sur le fendard Ecrivain cherche place concierge.                

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11 décembre 2010 6 11 /12 /décembre /2010 02:00

http://img.over-blog.com/366x500/1/18/13/98/3/Le-Rivage-des-Syrtes.jpg 

Je viens de finir la longue lecture, trés  attentive, de ce classique de Julien Gracq.

  Mon interêt pour ce livre a pu être réveillé par Le Cycle des contrées de Jacques Abeille    qui tient un peu de l'héritage littéraire de ce roman, mais découlait avant tout de sa proximité avec un de mes grands romans cultes,  Sur les falaises de marbre d'Ernst Jünger .

 

  Comme j'ai prononçé le nom de Jünger, je vais ouvrir ma chronique sur un coup de gueule qui, histoire de faire d'une pierre deux coups, me donnera le prétexte idéal pour parler du roman de Gracq.

  En effet, Le rivage des Syrtes de Julien Gracq est souvent rapproché  du Désert des tartares de Dino Buzzati (livre que je devrais enfin lire dans un futur proche) et tous deux sont cité comme inspirateurs de bien des oeuvres inclassables de la littérature contemporaines, cultivant le même type d'univers atopique,  parmi lequelles le cycle de Jacques Abeille cité plus haut.

  Or, on oublie totalement leur inspirateur commun, dont Gracq  n'a jamais caché la grande influence, le roman de Jünger également cité ci-dessus. C'est pour moi (qui suit un gros fanboy de Sur les falaises de marbres, certes) la plus cuisante injustice répandue médiatiquement  par le monde des lettres franchouillard. Outre le talent de Gracq qui va certes plus loin dans l'audace littéraire que Jünger, mais qui ne justifie pas une omission, la machine Goncourt a sans doute joué, ironie du sort quand on sait que Gracq fut l'un des deux seuls avec Romain Gary / Emile Ajar à avoir la classe de refuser le prix -et deviner avec quoi on vend encore le livre. Mais bref, si je parle d'injustice cuisante, c'est que l'univers prodigieux de Gracq ne serait rien sans celui de l'auteur allemand dont fut l'ami. Et pardon d'avance si le paralléle structure ma chronique, au point de faire un prolongement inattendu de celle dont j'ai donné le lien en second place au début du présent article, mais je n'ai pas pu m'abstraire du rapprochement à la lecture, et pis c'est MON BLOG, je fais C'QUE J'VEUX. 

  Hum, excusez moi.

 

  Donc, déjà, du point de vue du fantastique étrange qui a fait sa renommée, l'univers de Gracq est celui de Jünger. Il s'agit des même contrées atopiques, d'autant plus impossibles à situer que leurs contacts avec notre monde et notre histoire ne manquent pas. En l'occurence, nous avons Orsenna, archétype d'une  république aristocratique italienne, et son adversaire avec lequel elle est censée être en guerre depuis trois siècles, le mystérieux empire oriental  du Farghestan, de l'autre côté de la mer vers le sud. Entre les deux, les Syrtes du titre, terres semi-désertiques du sud de l'Empire d'Orsenna, dont elle sont censées être le rempart militaire dans cette guerre endormie depuis trois siècles.

  En plus du fantastique, le roman de Gracq partage un autre aspect primordial avec celui de Jünger : le théme même du roman, la décrepitude menant à la mort d'un pays, miné peut-être à la base par une influence étrangére, mais avant tout par le dangereux besoin de changement et d'aventures de ses propres citoyens minés par l'ennui -ce qui se comprend tout à fait dans le cadre d'une guerre larvée depuis trois cent ans.

  Mais sur cette richesse thématique, le traitement de l'élève est trés différent de celui du maître. Car Gracq n'a pas l'intention de faire dans la morale manichéenne un peu mystique  de Jünger. Non, son univers de décadence est bien plus cynique et absurde, et quasiment aucun personnage n'est propre sur lui dans cette grande affaire de fin d'un monde. A commencer par le narrateur, Aldo, jeune artistocrate venu s'enterrer au Syrtes, et dont le rôle, pour s'inscrire dans l'élan collecit d'Orsenna, n'en reste pas moins ambigu. Autour de lui se déploie toute la palette des responsable, du jeune naïf et trop fougeux officier Fabrizio à la charismatique comploteuse Vanessa.

 

  Comme on est enfin embarqué sur les qualités propres du roman, attaquons ce qui fait son attrait principal : son style (déjà chez Jü...d'accord, j'arrête). Je dois dire qu'en terme de prose poétique, j'ai rarement vu atteint un tel niveau. La moindre phrase est ciselée, et pourtant le texte entier est clair et coule comme de l'eau. J'y ai vu, excusez d'avance si je m'emballe, l'empreinte d'Homére, dont est imité l'appel systématique aux comparaisons.

  Et par style, je sous-entend immédiatement les ambiances qu'elle évoque, car c'est ce que je recherche dans une prose poétique. Il est clair que dans ce cas on est servi : les paysages jouent un rôle important dans l'écriture du roman, offrant des visions sublimes  comme les jardins d'Orsenna où Aldo rencontre Vanessa, les ruines recouvertes de forêt de la cité de Sagra, où l'abord de nuit des pentes du Mont Tängri ; mais les paysages les plus importants sont intérieurs, l'introspection étant plus importante dans le roman que l'exploration aventureuse.

 

  Bref, sans aucun doute un chef-d'oeuvre de la littérature, qu'il convient d'avoir lu une fois dans sa vie. Mais pour faire mon monomanique revanchard, je me permettrai de conseiller de lire d'abord Sur les falaises de marbre, afin de réserver le choc de ce fantastique étrange, fut-il bien moins fouillé, à celui qui en fut l'inventeur. 

 

  Je laisse le mot de la fin à l'ami Nébal, encore une fois un juste retour des choses envers l'article qui m'a fait découvrir l'oeuvre chroniqué : link 

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9 décembre 2010 4 09 /12 /décembre /2010 17:05

http://4.bp.blogspot.com/_qBdD85MQc_k/TOqFGvjJPOI/AAAAAAAACi0/fWyhkOJG5Qs/s400/nosferatu.jpg 

Nosferatu, LE Nosferatu, c'est à dire la version muette de Murnau, cela fait déjà quatre ans que j'ai eu l'occasion de m'en asséner un bon coup dans la tronche.

 

  Pour que le remake de 1979, Nosferatu, fantôme de la nuit, commence à m'intriguer, et même s'il y a des images qui marquent à 8 ans sans même avoir besoin de voir le film (voir ci-contre), il a fallu attendre que je réalise au visionnage de l'hallucinant Aguirre, la colère de Dieu de quoi est capable le tandem explosif d'un grand réalisateur et d'un immense acteur, j'ai nommé respectivement  Werner Herzog  et Klaus Kinski.

  Ensuite, il m'a fallu attendre l'existence d'une édition DVD en français. Là, Gaumont a même fini par trop bien faire puisque sa récente édition est dépourvu de VO, ce qui n'est pas forcément gênant puisque les acteurs doublent eux-même  (en tout cas ça me fait moins mal au derche que pour Les Frissons de l'angoisse d'Argento chez Wild side).

 

  J'ai donc fini par voir cette version, il ya trois jours de cela. Pour cette chronique, je previens tout de suite que je n'ai pas l'intention de faire une étude comparative des deux films. C'est simple, j'ai banni l'idée de comparaison de mon esprit pendant le visionnage même, me disant que ce n'était même pas la peine de voir le film pour le confronter de façon forcément dévalorisante à un chef-d'oeuvre de l'expressionnisme allemand.

 

  Pour commençer, débarassons nous tout de suite du principal point négatif que j'ai vu dans le film, dans le cas duquel il faut le dire, la comparaison avec le muet devient trés tentante : les dialogues. Le point faible pour moi, souvent plats (à de notable exceptions prés bien sûr, surtout que Klaus Kinski quoi) ils m'ont presque donné une impression de téléfilm et m'ont empêché de rentrer pleinement dans une grande partie du film (pour les passages où j'étais à donf dedans, vous voyez à Qui je pense en particulier). J'ai été particuliérment gêné par le jeu d'Isabelle Adjani, qui m'a semblé peu convaincant et où la comparaison perverse est plus tentante que jamais avec une actrice du muet à l'expressivité fascinante.      

  Heureusement, Herzog se rattrape sur la mise en scène, qui elle n'a rien d'un téléfilm. Les plans sont souvent audacieux, et surtout le jeux sublime sur l'ombre et la lumière fait du métrage un digne hommage à l'expressionnisme allemand en général et au film de Murnau en particulier. Herzog apporte d'ailleurs une touche particuliére au fantastique de l'histoire, par exemple avec le motif quasi surréaliste de l'enfant violoniste tzigane dans le château même du comte Dracula, ou bien l'hallucinant générique.    

  Et puis, j'y viens enfin, chers groupies hystériques, il y a KLAUS KINSKI !!! (mais pourquoi je crie comme ça moi ?) Dans le rôle d'un Dracula auquel est déjà repris à Murnau le visuel le plus original et peut-être le plus flippant de l'histoire du cinéma, Klaus nous livre une de ces prestations habitées dont il a le secret. Il créve l'écran et éclipse les autres acteurs, quand bien même la plupart se débrouillent pas mal.

  Et pour finir, comme j'ai parlé d'Herzog's touch : la fin du film, que je ne dévoilerai pas, est totalement différente de celle de Murnau et confine carrément à l'iconoclasme le plus jouissif.

 

  Même si le visionnage du film de Murnau est absolument prioritaire si vous ne l'avez pas vu, celui-ci reste toujours sympathique à voir, quand bien même il restera toujours éclipsé par son modéle.  

 

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5 décembre 2010 7 05 /12 /décembre /2010 13:10

  http://www.actusf.com/images/Ridgway/OriginalSins.jpg

Suite à une discussion fortuite sur Actusf, où j'avais déjà fait sur cette oeuvre un billet que celui-ci est l'occasion d'étoffer, parlons de Constantine.

 

  Attention, je vous parle de comics, pas de l'autre film avec Keenu Reeves, film qui ne m'intrigue guère à vrai dire.

  En effet, tout comme plusieurs critiques comparatives détaillées avait su me faire saisir le massacre par la bande à Will Smith de Je suis une légende de Matheson, tout en ayant ni vu l'un ni lu l'autre, je pense avoir assez d'éléments pour supposer dans le cas de Constantine un pareil passage à la moulinette bien-pensante hollywoodienne d'un véritable brûlot du comics des années 80.

  Malheureusement, ne pas avoir vu le film me prive du plaisir sadique  de le démonter. Mais bon, en même temps, je m'en fouche un peu, ce n'est pas une comparaison que je veux faire mais une critique du comics et pour être précis, dans mes maigres connaissances, des deux tomes traduits de Jamie Delano.

 

  Replaçons les choses dans leur contexte. Nous sommes dans les années 80, DC comics crée Vertigo, collection de prestige qui veut publier des oeuvres plus exigeantes que ses productions habituelles, au dessus des sempiternelles histoires de super-héros contre les forces du mal (on cherche encore la collection équivalente chez Marvel, à se demander pourquoi ils se sont fait racheter par Disney, haha -mais je m'égare) 

  Le premier fer de lance de cette collection (même en ne comptant dés le départ que 12 numéros, parus en 1985), véritable mythe parmi les nerds du monde du comics (par opposition aux losers de geeks de base qui en restent aux sempiternelles histoires suscitées, haha -hum, pardon) c'est Watchmen d'Alan Moore, relecture au vitriol, pour ne pas dire démolition en règle, du mythe super-héroïque. Faire tenir en une seule mini-série, à la construction narrative suprêmement habile et même audacieuse, toute l'histoire du super-héros au XXème siècle en le réduisant à une bande de déguisés d'opérette défendant une face obscure fascistoïde de l'Amérique et condamnée à disparaître vite et bien, il faut dire que ça a paradoxalement un certain souffle.

  Si cette digression peut paraître un peu longue à ceux qui connaissent bien le sujet, elle me permet par la magie de la transition facile de parler de John Constantine, personnage de magicien d'origine prolo (original !) créé justement par Alan Moore, la même année que Watchmen, pour sa relecture de la série Swamp thing, la créature des marais.

    Deux ans plus tard, le personnage possède sa propre série, de son titre officiel Hellblazer, inaugurée par Jamie Delano, et à partir de là j'entre en  terrain connu. Si selon les fans les comics les épisodes de Delano ne sont pas encore l'apogée de la série, il faut bien reconnaître qu'ils désossent les hamsters, comme disent les jeunes.

  Et ceux-là pour de nombreux points dont je regrette encore le plaisir sadique de vérifier si aucun n'est repris dans l'autre keenureevesie :

 

 - Le héros : ce n'en est pas un. C'est même une ordure finie, lâche (un épisode entier le montre spectateur trouillard  d'une meurtrière interférence temporelle avec la guerre du Vietnâm), trahissant ses amis ou son amante.

- C'est un prolo, chose peu courante pour un héros de  comics, qui plus est britannique. L'occasion de faire un peu de mauvais esprit gauchiste (termes qui me semblent plus appropriés que parler de militantisme rasoir) dans la lignée  de l'anar Alan Moore, bref, c'est punk quoi (l'anti-héros est d'ailleurs l'ex-leader d'un groupe punk). Ce mauvais esprit rejoint un autre aspect audacieux  de la série, son ton humoristique, sans cesse aux frontières de la parodie. Ainsi la deuxième  aventure de Constantine le confronte-t-elle à des démons qui achètent leurs âmes à des hommes d'affaires...et votent Thatcher. Toute l'ambiance de la série, à travers la loseritude de son héros, est celle de l'Angleterre des années 80, marquée par le chômage et le désordre social, où seul surnage l'esprit punk à laquelle cette oeuvre est une ode. 

 -C'est de l'horreur plutôt gore et craspec. Il y a peu de scènes trés gores, mais elles ne sont  pas piquées des hannetons, surtout cette scène de cauchemar prémonitoire où Constantine se rêve en train de déshabiller son amante jusqu'aux os dans un cinéma, usant même au passage d'une fermeture éclair dans ses muscles (!). A titre de comparaison, un an auparavant X-men mettait en scène un grand massacre de mutant sans une goutte de sang (encore avant, Watchmen, par contre...).

    Au-delà du gore, l'univers reste toujours grinçant et poisseux...jusque dans sa relecture anti-romantique du mythe arthurien à travers le long voyage onirique de Constantine dans  le premier annual de la série.

-Les intrigues sont assez destructurées. Une ligne générale, assez trépidante, chaperonne une grande partie du premier tome et le début du second, mais la série fonctionne aussi beaucoup par épisodes indépendants, qui peuvent parfois être un retour dans le passé de Constantine ou même, annual mis à part, une échappée onirique, cauchemardesque s'entend. Cette liberté narrative semble déjà préfigurer le Sandman de Neil Gaiman.

-Graphiquement, c'est audacieux : j'ai notamment retenu un procédé repris par le chef-d'oeuvre gaimanien suscité, celui des lignes de cases qui une double page sur deux se continuent sur la page suivante...ce qui est tout à fait désorientant à la lecture !

  Et je ne vous parle même pas des couvertures très art contemporain de McKean, audace incroyable à l'époque mais qui devait connaitre son heure de gloire un an plus tard avec le début de Sandman.  

  Ah, et les graphismes sublimes de la mini-série The Horrorist aussi.

-Plus difficile à définir : une certaine poésie, particuliére, d'aprés ce que j'ai entendu dire, à Jamie Delano. Je la situerai dans le sens de l'absurde, dans le recours fréquent à l'onirisme, dans un certain souffle tragique qui tempére l'aspect peu glorieux personnage de Constantine, ou des motifs poignants de manière plus diffuse, comme le leitmotiv du groupe punk de Constantine et de leur chanson "la Vénus du profit".      

 

  Bref, disons-le en toute mauvaise foi, autant de bonnes raisons de découvrir le comics avant le film, hinhin.  

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4 décembre 2010 6 04 /12 /décembre /2010 23:43

http://ecx.images-amazon.com/images/I/61Qj274BdnL._SL500_AA300_.jpg 

Un billet ciné qui est un peu une actualité sans l'être, puisqu'il s'agit de courts-métrages que je viens de revoir.  

 

  Etant donné l'archaïsme cinématographique que représente Méliès à nos yeux contemporains, l'initiative récente des éditions Lobster peut surpendre. Celle-ci a en effet sorti en 2009 une intégrale de Méliès, regroupant 500 films (!) en 5 DVD (plus l'emplacement prévu pour un futur 6ème -visiblement sorti à l'heure actuel). Il s'agit du résultat de plus de vingt ans de recherches et restaurations par quelques passionnés / fou furieux. En parlant de restauration, celle-ci va trés loin puisque sont reconstitués d'aprés documents d'époques, pour les fims concernés, les couleurs peintes sur la pellicule et / ou les "boniments" (parce que les premiers film de l'histoire était présentés comme des numéros de cirque  -ils étaient d'ailleurs en général des attractions foraines- ce qui est plus rigolo que les intertitres).

 

  Peut-être faut il mettre en parallèle cette audace commerciale avec un interêt pour le XIXème siècle réveillé par la vague steampunk, qui est l'occasion de rappeller que la littérature populaire du XIXème siècle, Dumas et Verne en tête, reste le produit culturel français le mieux exporté dans le monde (dans le cas de Méliès, puisque le renvoi à Youtube est inévitable, voyez la langue de ceux qui proposent ses films).

 

  Il va sans dire que cette intégrale pharaonique est de ces oeuvres qui se déguste par petite dose, de préférence par butinage,  comme on feuilette certains livres de temps en temps pour éviter l'overdose. La restauration étonnante dont j'ai parlé ci-dessus, qui dépoussière l'image traditionnelle du cinéma muet, rompt certainement la monotonie qui ne manquerait pas de s'installer durant 13 heures de cinéma muet sans boniments ni intertitres (inventés en fin de carrière du cinéaste pour ces derniers). Malgré cela, je conçoit tout à fait qu'on se lasse des innombrables scènes à trucs, et d'une monotonie qui me guettait dans un court-métrage même, l'habitude étant perdu de cette "mise en scène" archaïques à base de plans fixes correspondant à peu près chacun à une scène.     

  J'avoue ne pas avoir osé me lancer dans une exploration approfondie de ce bel ouvrage, fit-il joliment crâneur dans une DVDthèque, et avoir spécialement retenu, sur ce que j'ai pu voir, quatre métrages considérés comme ses oeuvres maitresses : Le Voyage dans la Lune, le plus célèbre, ne serait-ce que par la jolie image devenue canonique de l'obus vernien dans l'oeil de la Lune, Le Voyage à travers l'impossible, Les Quatre cent farces du Diable et A la conquête du pôle. Ce sont des valeurs sûres, représentant au mieux l'imagination poétique de celui qui a pensé le cinéma comme les spectacles de magies qu'ils dirigeaient. Un merveilleux dont il est absurde de dire les effets spéciaux dépassés, puisque qu'ils n'ont aucune prétention au réalisme ; on est dans le théâtre filmé, ce qui deviendra déprimant dans une décennies 50 ou le cinéma français reste bloqué sur ce modéle (euh, à la réflexion c'est encore un peu le modéle du cinéma franchouillard actuel), mais garde un tout autre panache et une toute autre fraicheur quand il s'agit de ce théâtre à machinerie digne du siècle baroque (Méliès est d'ailleurs généralement considéré comme le pére fondateur de ce courant inventé a posteriori du cinéma baroque)

  Luxe suprême, deux de ces courts métrages sont concernés par la restauration des couleurs, trois par la reconstitution des boniments (A la conquête du pôle remplace ceux-ci par l'invention pleine d'avenir des intertitres).

 

  Tout comme pour Beautiful nightmares de Nicoletta Ceccoli , tout le monde n'ayant pas la dépense aussi leste que la mienne (et encore, j'ai bénéficié d'une promo) Internet est votre ami. En tout cas ça mérite le coup d'oeil. 

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4 décembre 2010 6 04 /12 /décembre /2010 19:41

 http://www.actusf.com/spip/IMG/jpg/Dr_Lao.jpg

Petit livre singulier à côté duquel je serais passé sans la série régulière de chroniques "Les trouvailles de l'archivistes", tenue pas Fred Combo sur Actusf (hop).

 

  Charles Finney, auteur américain, a été militaire basé en Chine, expérience qui joue son rôle dans le livre dont il est question. Son oeuvre est peu nombreuse : sept roman dont un seul, précisment Le Cirque du Docteur Lao, a été traduit en français. Et encore fut-ce pour ne plus être édité, d'où sa présence dans la chronique régulière susmentionnée (ceci dit, une quinzaine d'exemplaires  pour la plupart à moins d'un euro sur Amazon, ce n'est pas une chance donnée à toutes les raretés).

 

  Le Cirque du Dr Lao parle, comme vous l'aurez deviné, d'un cirque, tenu par un mystérieux chinois, arrivant dans une petite ville d'Arizona. Si ce cirque parait dés l'abord un peu piteux avec ses trois roulottes, il n'en propose pas moins la plus extraordinaire collection du monde : pas de tigres ni d'éléphants, mais une ménagerie de créatures mythologiques, auxquels s'ajoutent des créations plus originales  comme le chien d'herbe (encore que j'ignore si celui-ci vient d'un folklore donné) ou le plus mystérieux, un être indéterminé en lequel certains voient un ours et d'autres un homme, peut-être un Russe.

 

  On voit que la fantasie est au rendez-vous, mais en contrepartie il ne faut surtout pas s'attendre à une intrigue béton. Le roman, de ses 150 pages tout mouillé, se présente comme une série de saynètes dont il s'agit de se laisser porter par l'ambiance qu'elles dégagent.

  Et même si je confesse que la magie a apparemment moins opéré sur moi que sur Fred Combo, il faut avouer que ces sketches exhalent un parfum de poésie entêtant qui n'est pas sans rappeler Ray Bradbury en plus drôlatique (le thème lui-même fait aussitôt songer à La Foire des ténèbre, classique qu'à ma grande honte je n'ai pas encore fait descendre de ma pile de livres).

  Si l'humour, plus ou moins discret, est toujours présent, la gravité aussi, les recontres des habitants de la ville avec les créatures prenant souvent  l'allure d'apologues énigmatiques qui, comme par hasard, respirent la philosphie chinoise.

 

  Bref, une curiosité au charme original, qui mérite le coup d'oeil.      

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4 décembre 2010 6 04 /12 /décembre /2010 15:03

http://www.vintage-views.com/DORE/Munchausen/images/0901K4-P207_jpg.jpg

 

  Une lecture en entrainant une autre, celle du Voyage à Visbecq    m'a amené à me pencher sur une autre bijou du merveilleux débridé made in XVIIIème siècle, plus connu et même devenue un classique (forcément, il n'est pas resté inédit jusqu'en 2007, lui).

  Et pis l'univers des Aventures du baron de Münchhausen, c'est pas comme si ça ne me disait rien. J'ai en effet vu son adaptation par le grand Terry Gilliam, film dont le surjeu des acteurs m'a un peu agaçé et empêché d'entrer pleinement dans l'histoire, mais qui m'a permis de goûter un univers fabuleux que, non content de connaître sur le bout des doigts et de lui rendre un vibrant hommage (c'est du moins ce que je viens de vérifier par le livre), Gilliam s'est permis de mettre en scène de manière originale à travers un baron vieillissant à qui il s'agit de retrouver sa gloire passée.

 

  Mais ce n'est pas du film dont j'ai l'intention de causer, plutôt de l'oeuvre originale.

 

Ce qu'on imaginerait guère à lecture, c'est que le baron de Münchhausen a réeellement existé. Ce mercenaire à la solde des russes, combattants contre les Turcs, aimait dans sa vieillesse raconter ses exploits passé...en les truffant de mystifications abracabrantesques. Celles-ci seront la base d'un cycle qui connaitra plusieurs versions remaniées au cours du XVIIIème siècle, jusqu'à la vulgate actuelle qu'est la première version allemande de Göttfried August Bürger. Le fin du fin est que Mûnchhausen survivra à ses deux principaux biographes de fantaisie, Snape et Bürger, devenant une légende vivante au sens propre du terme.

 

  Et il faut dire que pour de l'affabulation, c'est pas de l'affabulation de mauviette. Münchhausen se met en scène dans des aventures fantastiques dont les plus spectaculaires sont souvent des hommages à une longue traditions de récits merveilleux et fantasques, érudition de "mauvais genre" qui ferait presque penser à notre concept de contre-culture. Ainsi son deuxième voyage dans la Lune pastiche-t-il celui de L'Histoire véritable du grec Lucien de Samosate, ancêtre fondateur du voyage extraordinaire (pastiche peut-être un poil trop calqué sur l'original à mon goût) tandis que son équipée en Turquie se fait en compagnie des six compagnons extraordinaires d'un certain conte-type aux trés nombreuses versions (devenus trois si je me souviens bien, ces compagnons sont d'ailleurs au centre de l'intrigue de Gilliam).

  Mais ces voyages extraordinaires (après la Lune, l'île de fromage ou le voyage sous-marin de Münchhausen pére sont également un enchantement) sont loins d'épuiser les racontars du baron, qui  enfilent comme des perles les mensonges plus gros que lui. Pour reprendre un exemple retenu par Gilliam, le baron descend de la Lune en coupant au fur et à mesure la partie supérieure de sa corde pour la nouer en dessous de lui -dans un genre proche, la sortie d'un marécage en se tirant les cheveux est bien fendarde aussi. Et ce n'est que deux pauvres exemples sur des dizaines de boniments débités par ce mythomane génial (prix spécial pour ses souvenirs de chasse, passion qui semble inspirer particuliérement son imagination). Du coup, ses prétentions ironiques à la véracité (tradition remontant encore une fois à Lucien et au titre même de son livre suscité) n'en sont que plus drôles, entre autres traits d'humour rafraichissants du livre.

 

  Saluons au passage la trés belle édition de José Corti, illustrée, excusez du peu, par Gustave Doré (cf image ci-dessus) et dotée d'une belle annexe regroupant textes ayant inspiré le baron et nombreuses illustrations des concurrents de Gustave Doré dans les autres éditions. L'objet idéal pour découvrir ce monument de la littérature populaire, débordant de malice et d'imagination, d'un merveilleux particulier à une époque et qui, pour avoir eu et avoir encore de dignes successeurs, n'en est pas moins perdu aujourd'hui.

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2 décembre 2010 4 02 /12 /décembre /2010 18:59

  Pour la première fois, une étape de ce périple mythologique va faire référence à mon actualité livresque immédiate. Je viens en effet de finir La Légende des Soleil  suivi de L'Histoire du Mexique aux éditions Anacharsis, lecture qui répond et compléte celle du Pop Wuh dans la A l'aube des peuples de Gallimard il y a deux ans.

 

http://www.mexicolore.co.uk/images-2/236_05_2.jpg 

La Légende des Soleil est le texte sacré des Aztéques, le Pop Wuh ou Livre des Evénements celui des Mayas Quiché. Tous deux ont été rédigé à l'époque coloniale, au XVIème siècle, ce qui devrait normalement suffire à faire taire les délires new age qui s'extasient avec la plus grande naïveté sur les similitudes entre le Pop Wuh et la Bible (perso je trouve que même dans le fond probablement ancien il faut vraiment chercher loin et surtout faire preuve d'un certain ethnocentisme, genre je vois mon Livre sacré partout -fin du coup de gueule). L'Histoire du Mexique, ajouté au premier texte par une maison d'édition habituée à ces recoupements symapthiques, est un texte français de la même époque, probablement une traduction / revision approximative d'un texte volé à un galion espagnol, et qui donne une vision différente -mais prêtant à caution, d'où l'utilité des notes de Jean Rose- de la Légende des Soleil.

 

  La lecture de La Légende des Soleil a pu ainsi me confirmer que les mythes aztéques et mayas sont trés proches, à défaut d'être proche de la Bible. Il y est question de mondes et d'humanités détruits avant la notre (trois pour les Mayas, quatre, les quatre "Soleils", pour les Aztéques) par quoi débute ces textes pour se finir de façon plus aride par les temps historiques. 

 Au milieu, la création de l'humanité actuelle se fait toujours grâce à un voyage aux Enfers. Si le voyage du Quetzalcoatl aztéque  recèle peu de péripéties, le théme devient bien plus épique chez les Mayas, dont la plus grande partie du livre sacré est occupé par l'expédtion dans le monde souterrain, pour venger son pére, du héros Hunahpu Xbalanque, dont Anton Chavez, auteur de la traduction espagnole qui a servi de base à cette version française, a été le premier à deviner qu'il s'agissait d'un seul personnage et non de deux jumeaux comme dans les précédentes traductions et, par cet intermédaire, à peu prés toutes les adaptations jeunesse.  Ca la fout mal pour la belle image des compagnons fraternels d'aventure (qui me faisait déjà rêver dans le court essai Mythes Aztéques et Mayas chez Point, c'est dire) mais c'est comme ça, et ça explique le fait que l'un des jumeaux ne serve à rien, surtout en fait celui du pére qu'il s'agit de venger.

 

Ceci dit, pour avertir tout de suite, les deux textes ne sont pas des lectures faciles. Le style est celui des textes sacrés, analogue à celui de la Bible (mais seulement dans le style hein ) particuliérement obscur. Bref il faut déjà avoir un certain interêt pour les religions, à la différence du plaisir plus littéraire d'un classique greco-latin ou d'un roman médieval.

  Le Pop Wuh reste probablement le plus plaisant, malgré son écriture rebutante, par ce véritable petit roman d'aventure qu'est le voyage souterrain d'Hunahpu et les épreuve qu'il y subit, lesquelles donne l'occasion d'un festival d'images étranges auquel le folklore européen nous a peu habitué. Un autre moment de bravoure est le voyage de plusieurs siècles de l'humanité à travers les ténèbres d'avant  la venue du Soleil ; l'humanité, autrement dit les quatre ancêtres des Mayas Quiché et un grand cortége des autres peuples (des inférieurs dont l'origine importe peu dans le texte si je me souviens bien).

 

  Maintenant parlons un peu de la façon dont les textes sont présentés. Sur la Légende des Soleils, dont c'est la première traduction en français, rien à redire, l'édition de Jean Rose est trés professionnelle (donc il faut aimer les notes) et la préface explique méticuleusement la philosophie aztéque. Pour l'édition du Pop Wuh par Anton Chavez, dont l'édition française n'est que la traduction, c'est déjà un peu plus folklo. 

   C'est que si Chavez m'a paru un traducteur du plus grand sérieux, qui explique bien les erreurs des précédentes traductions et est arrivé à me faire bien saisir, la rendant ainsi crédible, l'origine du malentendu  des jumeaux fictifs, dés qu'il se met à interpréter, ça délire sec. J'ai déjà évoqué les élucubrations sur la Bible, mais il peut aussi l'appuyer en nous trouvant dans le texte (!) la preuve de l'origine mésopotamienne des Mayas (on peut aussi rajouter au dossier le fantasme éculé du matriarcat primitif, ici dégainé sans prudence). Pour cette édition, un supra-paratexte n'aurait pas été de trop, comme ce fut le cas dans la même collection pour les Mythes tahitiens de Teuria Henri. 

 

  Avec cette précaution, des textes à lire pour tous ceux qui s'intéressent aux civilisations précolombiennes.

 

  Et n'oublions pas de créditer au générique l'illustration : manuscrit aztéque connu sous le nom de Codex Borbonicus.

 

  EDIT : j'ai supprimé  le titre espagnol de La Légende des Soleils, dont je viens seulement de réaliser qu'il n'est pas du tout le  titre original, le texte étant originellement rédigé en nahuatl, la langue des Aztéques. 

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1 décembre 2010 3 01 /12 /décembre /2010 23:48

http://www.lekti-ecriture.com/editeurs/local/cache-vignettes/L150xH240/arton2428-03df2.jpg

Attention, OLNI !

 

Voyage à Visbecq, que je viens de finir, est un livre étrange d'abord par son histoire. Il s'agit en effet d'un manuscrit de la fin du XVIIIème siècle, resté inédit pendant plus de deux siècles avant d'être  découvert dans une librairie parisienne et d'être édité en 2007 par les éditions Anacharsis. Il a été expertisé comme l'oeuvre vers 1794 d'un auteur belge (il peut intriguer d'ailleurs par ses forts accents patriotiques belge pour un texte écrit quarante ans avant la fondation du pays à proprement parler). D'où préface d'Eric Lysoe, grand spécialiste français de la littérature fantastique du Plat Pays.

 

  Encore un texte ancien dont l'interêt historique n'est pas le plus important, ici, c'est plutôt le moment de pur délire qu'il représente, et le hausse au niveau des plus grands voyages extraordinaires d'une époque qui pour être celle des Lumières n'en était pas pour autant étouffée par le rationalisme bourgeois comme on veut bien le croire.

  En l'occurence, le voyage n'a pas précisment lieu au Visbecq du titre, ce qui serait d'un piètre exotisme pour ce lieu proche de Bruxelles, mais bien au centre de la Terre. La raison de ce long détour ? C'est que le narrateur, sur le chemin du château de Visbecq  où il doit rejoindre ses amis, a pris une dose plutôt forte d'opium, ce qui commence déjà à le faire divaguer au fil d'une écriture qui préfigure furieusement l'automatisme des surréalistes, avant de tomber (ou plutôt de descendre bêtement) dans un puits.

  On voit déjà venir le bon gros délire. Et en effet, ce voyage souterrain aurait eu de quoi épater les surréalistes suscités s'ils l'avaient eu sous les yeux.

  On voyage donc dans un monde souterrain peuplé de merveilles, gardé par des éléphants oranges et des lions rouges et verts, éclairé par un perpétuel jour vert, où les têtes de lapins poussent dans les arbres tandis qu'un acacia changent les gens qui l'approchent en ifs. Je rassure ceux qui craignent le long trip psychédéliques de cent pages, j'ai été moi-même agréablement surpris par la relative solidité de l'intrigue, trés différentes de nombreux textes de l'époque ou du siècle précédent (on pourra penser aux voyages dans la Lune et le Soleil de Cyrano de Bergerac) et qui comporte de véritables enjeux  d'un bon roman d'aventure. Il s'agit de s'opposer à la tyrannie d'un favori de la reine, un peu parano quand il est question d'un précieux coquillage de la princesse. Lutter contre cette tyrannie, ça commence par une évasion collective d'une tour en charmant au son de l'orgue  les loup-garous qui la gardent, et ça continue en apportant son aide dans une grande lutte de magiciens doués en métamorphoses.

  Tout n'est pas égal dans la féérie, loin s'en faut. Je dois dire m'être ennuyé sur les trois longs extraits mis en abyme d'une épopée médievale à la gloire de la Belgique, dans un style pompier différent de celui plus alerte, plus représentatif de la concision XVIIIème, des passages d'aventures.

  Mais on oublie heureusement vite ces passages devant le rafraichissant délire féérique de l'ensemble.

 

  Pour terminer et pour un juste retour des choses, le lien sur la blogosphère de la chronique qui m'a fait découvrir cet OLNI :

 

  link 

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28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 17:45

  Comme promis, pour son quatrième volet le périple mythologique passera de la Russie au Caucase.

  En fait, je vais tricher un peu, et adopter la géographie fallacieuse de la collection Caucase de Gallimard Unesco, éditeurs des deux textes dont je vais parler. Géographie bizarre par ailleurs partagé par les adaptations jeunesse de ces deux mythes (celles qui ont lancé la curiosité sur le sujet arrivé à l'âge adulte) et qui consiste à classer l'Asie Centrale et plus précisemnt le Kirghizistan dans le Caucase au même titre que la Géorgie (et dire que j'ai dans la même collection l'épopée arménienne David de Sassoun, nettement moins hors-sujet, qui m'attend dans ma pile).

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/c/c9/2009_Nart_25Psark_rev.jpg/160px-2009_Nart_25Psark_rev.jpg 

Trêve d'enfilage de mouche, ouvrons le bal du côté de l'Ossétie avec Le Livre des Héros : légendes sur les Nartes, publié par l'illustre George Dumézil. Le grand spécialiste des mythes indo-européens, dont il a révolutionné l'étude par sa découverte des trois fonctions (religieuse, guerrière, productrice) qui les organisent, s'est intéressé ici au folklore du seul peuple indo-européen du Caucase, les Osséte.

  Cela ne fait pas pour autant de cette édition un pensum (bien moins que le second livre dont je vais parler et sa montagne de notes le plus souvent inutiles -mot de la langue originale, par exemple- regroupés en fin d'ouvrage). Cette édition savante est agréable, avec ses quelques notes à la fin de chaque conte, parmi lesquelles sont signalées d'intéressantes variantes de celles-ci chez les autres peuples du Caucase. Et les variantes de contes caucasiens peuvent être trés surprenantes tant ces peuples ont l'imagination fertile.

  Pour planter le décor, nous sommes dans le village à la situation imprécise d'une race des héros nommé Nartes (dont vous voyez ci-dessus une représentation sur une pièce abkhaze de 2009, pour dire le prestige de ces héros sur la durée) parmi lesquels deux se démarquent par le nombre de leurs exploits, Soslan et Batradz. Ce qui frappe à la lecture, c'est l'ambiance profondément païenne de contes  récoltés au XIXème siècle dans un pays qui se classe encore aujourd'hui dans l'Europe (sans être reconnu comme tel par ses confréres de l'ouest, mais c'est une autre histoire). C'est que comme le décrit l'introduction, le Caucase du XIXème siècle, féodal et guerrier, semble anachronique aux conquérants russes. Ainsi dans ces contes épiques, Dieu et les "Esprits" remplacent maladroitement un panthéon encore visible.

  Mais passé cet exotisme qui ne méne pas loin en terme d'interêt, la principale qualité de ce recueil reste, comme je l'ai évoqué, l'imagination osséte, dont les images sont parfois proches du surréalisme, en tout cas trés différentes des contes populaires ouest-européen et spécialement français, extrêmement sages dans leur merveilleux.

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/515TysfLxlL._SL500_AA300_.jpg

 

Aprés l'Ossétie, le Kirghizistan avec l'épopée Les Aventures extraordinaire sous terre et ailleurs d'Er-Töstük, le géant des steppes (ouf) traduite par Pertev Boratav.

  Le peuple Kirghiz peut s'enorguillir de la plus longue épopée du monde, celle de Manas, dont les plus longues versions pésent 500 000 vers (voilà qui m'a surpris, moi qui était convaincu qu'il s'agissait du Mahâbhârata indien). Le plus étonnant est que cette épopée pouvait être récitée, sur plusieurs jours à l'occasion d'un événement comme un mariage, par un seul homme.

  Je vous rassure, l'épopée d'Er-Töshtük n'est pas un tel monstre (juste un peu plus de 13 000 vers). En revanche, elle est rattachée comme toutes les épopées du pays à celle de Manas, pour ainsi dire le devoir de tous les poétes qu'on nomme d'ailleurs les "Manastchï ". En l'occurence,il s'agit d'un passage faisant du héros Er-Töshtük le pére de Manas, et qui n'est guére important pour le récit. Lequel sera plus facile à résumer, car il ne s'agit pas d'un morcellement de contes comme pour le cycle des Nartes.

  Er-Tösthtük est un géant à la force surhumaine, dont le premier exploit est de retrouver ses huit fréres. Puis vient le temps de les marier, ce pour quoi les neuf fils ont du protester, pour cause de l'avarice maladive de leur pére qui menace de faire honte à la famille. C'est en amenant l'épouse de Töshtük que le vieil avare, menacé de mort (mais il l'a  un peu cherché) vend son fils à la Jelmoghouz, la "Vieille de Cuivre", sorcière à sept tête du monde souterrain. Ou plutôt  il lui vend l'âme de son fils, qui prend la forme d'un couteau (dans cette culture où l'âme est vue comme tout à fait matérielle, l'âme d'un homme commun est plutôt  un insecte logé dans la poitrine), et avec laquelle la Jelmoghouz va appâter Töshtük et le précipiter, lui et son coursier parlant Tchal-Konyrouk, dans le Tozok, le monde souterrain.

  Là, Tösthük s'éprend (précisons que la polygamie ne pose pas probléme dans cette culture) de la fille de Kök-Doö, Géant Bleu qui régne sur ce monde du Tozok. Comme on s'en doute, Kök-Doö n'apprécie pas précisement (il hait d'ailleurs particuliérement le héros de seule réputation) et fait subir à son prétendu gendre une série d'épreuve, sept plus précisement.

  Ici, l'épopée est surprenante par le parti qu'elle peut tirer des canevas les plus classiques qui soient, ceux des contes. Töshtük est aidé par des animaux qu'il a aidé sur son chemin (et auxquels on peut ajouter Tchal-Konyrouk)   et par quatre esprits aux pouvoirs particuliers, les Mâmits. Il s'agit de deux conte-types trés classiques : "Les Animaux secourables" et "Les compagnons extraordinaire" (les fans de Terry Gilliam  peuvent se réprésenter ce second par le film Les Aventures du Baron de Münchausen). Mais l'ampleur épique dépasse ces schémas de conte : ainsi la traditionnelle épreuve de rapidité (où le champion du héros s'endort inévitablement) ici déboublée en course à pied et course de chevaux, consiste à battre la Jelmoghouz en passant par "des endroits que personnes n'a jamais exploré". Et je ne vous parle même pas de la quête finale, celle au fond d'un lac dans une région reculée et sauvage, du chaudron maléfique qui detient l'âme du héros (ah si, zut, j'en ai parlé). Suprême luxe, l'épopée se pousuit aprés les aventures dans le Tozok, ce qui étoffe la complexité du texte.

 

  En définitive, deux textes mythiques qui ne sont pas seulement intéressants pour leur interêt historique, mais aussi pour leur beauté littéraire et l'enchantement de leur imagination.          

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