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10 juillet 2011 7 10 /07 /juillet /2011 18:44

  Je vous avais déjà entretenu en long, en large et en travers du Cycle des contrées de Jacques Abeille , sans doute l'une des oeuvres les plus étonnantes de la littérature contemporaine. Je ne saurais trop conseiller, si ce n'est pas déjà fait, de lire l'article ci-dessus afin de savoir de quoi qu'on va causer en ces lieux, car sinon le présent article vous paraitra assez nébuleux (si c'est aussi le cas après lecture, le bureau des réclamations est ouvert).  

 

http://www.franceculture.com/sites/default/files/imagecache/ressource_full/2011/05/18/4255445/Jacques%20Abeille.png 

Car il s'avère que le cinquième et avant-dernier tome du cycle vient de paraître aux éditions Attila, mettant en ce qui me concerne fin à une insupportable attente.

 

 Les Barbares prend place dans un contexte sur lequel le flou du cycle ne pouvait manquer de passer pour une lacune: l'occupation de l'Empire de Terrèbre par les cavaliers des steppes, les Barbares du titre, tout en rejoignant le destin encore plus tragique, dans la même guerre, d'une autre civilisation, les Jardins Statuaires du roman homonyme.

  Dans le contexte troublé de l'occupation, le narrateur, jeune linguiste terrebrins qui seul connait la langue des steppes, se trouve enrôlé par leur Prince, celui qui les a fédéré et mené dans la conquête. Cet honneur, dont ils se passerait bien, car il est plus prisonnier qu'autre chose, ne lui échoit pas forcément à cause de sa connaissance de la langue des steppes, car après tout il a eu le temps de l'enseigner à tout le monde, mais surtout car il est le traducteur du manuscrit qui constitue le dernier témoignage des Jardins Statuaires, et qui est à la base du roman homonyme.

 

  Le Prince qui, faut-il le préciser, intervient dans le manuscrit dont il a rencontré l'auteur, entend obliger le jeune linguiste à l'aider dans la recherche de l'explorateur des Jardins, pour qui il semble éprouver une véritable obsession. Ainsi commence un immense périple à travers l'ensemble des Contrées, et surtout à travers les Jardins Statuaires ou du moins ce qu'il en reste, entrainé dans la petite suite d'un Prince dont il apparait vite, pour  donner tout son sel à l'aventure, qu'il est complétement fou.

 

  Pour chroniquer ce roman, ce qui ne sera pas facile, il va me falloir d'abord parler de sa place dans le cycle, car il en constitue pour ainsi dire la clé de voûte. La transition sera facile ensuite vers des qualités plus propres au roman lui-même.

 

  Tout d'abord, il parait évident qu'avant même la parution, encore hypothétique il faut le dire, de L'Explorateur perdu, qui sera de toute façon davantage un recueil qu'un roman, l'auteur a décidé de faire la synthèse du cycle. Cela se voit dans l'idée même du périple à travers l'ensemble des Contrées : pour mémoire, une carte de de celles-ci, oeuvre de Pauline Berneron, était livrée en fascicule séparée avec le troisième roman, Les Voyages du Fils, et outre qu'elle est fort symboliquement reproduite par parties, plus ou moins appropriées à l'intrigue, en tête de chaque chapitre des Barbares, elle ne contient plus de secret à l'issue de ce cinquième tome. Il faut dire qu'il ne restait  en terres inexplorées (je veux dire par les lecteurs de notre monde, ben oui, après tout, trois volumes et deux nouvelles du cycle sont parus dans une certaine collection de la Compagnie des Indes oniriques chez Deleatur, de quoi s'attacher à la jolie métaphore du lecteur-explorateur) il ne restait donc que la Vallée des Anciens Rois, les moins intéressants, pour ne pas dire sans interêt, Déserts du Sud, et le rattachement officiel de la forêt de la Louvanne au cycle des Contrées, qui prêtait à s'interroger à la lecture de la nouvelle Louvanne, et est ici balancé en une phrase, s'il fallait encore une preuve de la volonté de clore le cycle avant un recueil qui serait plutôt une sorte de complément.

 

  Mais ce n'est pas dans la géographie, mais plutôt dans la chronologie que ce roman renferme la clé de toute la poétique du cycle. En  effet, l'Histoire des Contrées au cours du roman peut se diviser en deux ères : celle des deux premiers romans, qui montre chacun une civilisation dans le dernier stade de sa décadence avant l'invasion barbare, et celle qui commence avec Les Voyages du Fils, soit vingt ans après le reflux des barbares, et inaugure un monde pacifiée sous l'égide d'une Terrèbre renée de ses cendres,  où les sociétés archaïques achévent de disparaitre, et où se profile la vision fantasmée de notre mondialisation ; l'aboutissement de cette ère se trouverait dans l'album réalisé en collaboration avec Schuiten, Les Mers Perdues, qui semble décrire l'extrême avenir des Contrées, tout en le reduisant à une abstraction où rien ne permet de reconnaitre une quelconque de ces Contrées, pas même leurs noms; cette conclusion du cycle est paradoxalement optimiste, car l'aventure et la découverte d'autres civilisations est à chercher toujours plus loin, en dehors même de la carte de Pauline Berneron, vers des découvertes vertigineuses qui contre toute attente remettent en cause tout ce que l'on croit savoir sur le monde des Contrées, et que dans Les Barbares l'auteur s'amusent à laisser encore voilées de vieilles légendes.

 

  Les Barbares, donc, se proposent de joindre les deux ères en racontant ce qui s'est passé pendant les vingt ans, que le roman couvre d'ailleurs peut-être en entier, en pendant lequel se met en place le nouvel ordre mondial. Celui-ci est très différent de ce que les précédents romans laissaient imaginer, notamment dans le rôle des Barbares : la destruction des Jardins Statuaires n'apparait ainsi pas comme un génocide de la part des Cavaliers, mais comme une auto-destruction dans un élan de désespoir. L'auto-destruction est également le fait de Terrèbre, ce sur quoi des indices apparaissait dès la conclusion du Veilleur du Jour. Finalement, les Barbares apparaissent comme le peuple le plus sage et le plus raffiné, et même si leur société est loin d'être une utopie -nous connaissons leur cruauté- il y a en eux un peu du mythe du bon sauvage, mais avec infiniment plus de complexité et du nuances que viennent nourrir l'imagination ethnologique. Moi qui me plaignait dans la chronique précédente de ce que la création des Jardins Statuaires ne connaissaient plus d'équivalent, je dirait de rival équitable, dans le cycle, Les Barbares revient tout mettre en cause.

 

  Si les Cavaliers sont les héros de ce roman, il ne faut pas oublier les Jardins Statuaires, auquel le roman est un retour. En réalité, il s'agit plutôt de la civilisation bâtie sur ses cendres, d'où non seulement la culture de statues a disparu mais sa mémoires même est proscrite, et qui se soumet lentement au conformisme de Terrèbre par l'intermédiaire douteux des proxénètes de la guilde des hôteliers. Et pourtant, l'une des plus belles idée du roman est que la magie des Jardins leur survit, et cette magie se lavent même des anciens aspect honteux de cette civilisation, désormais le fait des falots héritiers.

 

  Et plus que les anciens mystères des Jardins Statuaires, leurs personnages, ceux du premier roman, sont au centre des attentions. Du voyageur qui exploré les Jardins, l'aura de mystère reste entier : connaissant Abeille, il n'est pas surprenant qu'il n'ait pas voulu nous révèler l'origine de ce voyageur dont il est suggéré dés le premier roman qu'il ne vient pas du monde des Contrées et a également connu le nôtre. En revanche, nous retrouverons sa compagne Vanina et leur fille adoptive Licia, apprenant sur eux des révélations dont la noirceur peut tout à fait déstabiliser par contraste avec le souvenir du premier roman, noirceur que vient contrebalancer le destin éclatant de Licia, qui en fait presque un personnage mythique. Ce jeu de miroir m'a enfin fait réaliser le véritable fil rouge du cycle entier : une réflexion sur la mémoire, qu'elle soit individuelle ou collective, avec tous les degrés et les rapports de causalités entre les deux.

 

  On le voit, l'univers imaginaire crée par Jacques Abeille ne perd rien de son souffle, mais il faut pour faire tenir le tout que l'intrigue ait un souffle. En l'occurence, le point de départ est prometteur : ce voyage dont on ne saura jamais quand il finira, car il est dirigé par un Prince fou (le titre originel prévu pour ce romna, Un Homme plein de misère, mettait davantage l'accent sur cette folie) promet une atmopshère orageuse que peut-être aucun enjeu des romans précédent n'a aussi bien entretenu. Les repercussions de cet enjeu sont individuelles, concernent le narrateur, car il ne faut pas oublier que l'univers d'Abeille est avant tout contemplatif et introspectif, les paysages extérieurs enrobés d'onirisme, servant les paysages intérieurs ; dans ce style Abeille est un digne hériter de  Julien Gracq  ou Ernst Jünger, mais l'univers des Contrés prend peut-être une ampleur plus grandiose et plus riche.

 

  Par dessus tout, j'oserais dire que le style de l'auteur, sans la puissance évocatrice duquel son univers ne pourrait jamais prendre son envol, est à son apogée dans ce roman. Inutile de s'étendre plus longuement sur ce qu'il vaut mieux lire qu'argumenter : dans Les Barbares, les Contrées n'ont jamais parue aussi belles.  

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23 mai 2011 1 23 /05 /mai /2011 23:10

 http://cambourakis.com/IMG/gif/couv-au-nord.gif

 Oui, ça c'est du titre.

  Et pour me vendre un livre, il semblerait que ça marche du tonnerre. En  effet, quand j'ai vu ce titre interminable au côté du nom imprononçable de son auteur, le hongrois Laszlo Krasznahorkaï, dans la sélection du prix de l'Inaperçu (prix qui, comme son nom l'indique, récompense un livre passée inaperçu dans les médias -vive l'intelligentsia française pour la négligence de livres aussi hors-norme que celui de Krasznahorkaï), à ce moment j'ai senti que ce livre et moi étions fait l'un pour l'autre.

  Ahem.

  Mon acquisition s'est faite sur une quatrième de couverture très évasive qui me laissait largement part à l'imagination, ce qui est tout aussi bien (tout en me renseignant au moins sur le fait qu'il s'agissait d'une sorte de conte philosophique sur le Japon -étiquette qui me rend un peu sceptique après lecture, car s'il est question de spiritualité orientale, c'est sur un ton très post-moderne), sur ma confiance en les éditions Cambourakis après son énorme Duel d'escargots, sur la conviction que lire un auteur décrit comme le plus grand écrivain hongrois contemporain, ça ne pouvait pas être mauvais pour ma gouverne, et enfin et surtout, sur le titre et tout ce qu'il laissait imaginer.

 

  A vrai dire, le titre et mon imagination ne m'avait même pas préparé à l'OVNI que je découvrais dés les premières pages : le premier chapitre, le chapitre II (cherchez pas) fait cinq pages, deux phrases, la plus longue de 3 pages et demie. Oui, vous avez bien lu. Certes, la prouesse est facile avec des propositions juxtaposées (et heureusement pour la lisibilité) mais construire les neuf dixième du roman comme ça, les mots me manquent. La première phrase, en tout cas, m'a arraché un rire incrédule, et la pensée que ce livre et moi allions décidemment bien nous entendre. Parce que le pire, c'est que ce style marche.

  Bien sûr, il faut bien que ces phrases racontent une histoire, même s'il est indispensable de se laisser porter par l'intrigue destructurée et par les méandres des phrases, surchargée de descriptions dont je n'ai pas su déterminer l'usage mais que je veux bien croire comme indispensable à l'ambiance du livre (traduction : relectures en projet, au moins certains passages clé). En gros, nous suivons la quête du "Petit-fils du prince Genji" dans un Japon contemporain qui n'est visiblement pas son monde, dans une Kyoto avant tout onirique, et dans un monastère bouddhiste antique et gigantesque. Une quête mystérieuse à la chronologie très flottante, ponctuée de saynètes prenant place dans les environs du temple et où n'interviennent le plus souvent aucun être humain, et qui offrent des passages oniriques tout à fait sublimes.

 

Evidemment, il y aura pas mal de lecteurs pour décrocher dés les premières pages. Mais je peux les rassurer en avouant que mon histoire avec ce livre n'a pas été si passionnelle que ça, que j'ai un instant eu la peur atroce d'être déçu par l'être aimé.

  Ahem bis.

  Pour être franc, la lourdeur excessive des descriptions, surchargée de détails, pose problème par moment. Et au bout de quelques dizaines de pages, jusqu'à la centième environ, le roman s'embourbe dans d'insupportables digressions sur certains élements de la culture ancestrale japonaise, où le style ordinairement sublimes des phrases à rallonge s'adapte très mal à des informations superflues qu'on serait carrément plus aise d'aller piocher soi-même en dehors de la lecture.

  Heureusement, après une centaine de pages, le livre relève brusquement la tête, et je retrouvai alors la confiance en l'être aimé.

  Ahem ter.

  C'est l'endroit où l'on en sait enfin plus sur la quête du petit-fils du prince Genji, dans un passage (d'ailleurs la phrase la plus longue  du livre, environ quatre page) dont l'éditeur a maladroitement reproduit une partie en quatrième de couverture (lisez le livre sans celle-ci, c'est sans doute préférable). Et le labyrhinte onirique se poursuit, prend à l'occasion des  accents lynchien (y compris dans l'aura inquiétante de certaines scénes), la sagesse ancestrale japonaise croise les sciences naturelles et les mathématiques, pour mieux nous convaincre que nous sommes davantage dans une expérimentation post-moderne que dans un conte New Age à la Paulo Coehlo, comme peut le le laisser imaginer l'étiquette de "conte philosphique", que le but du roman  n'est pas de vous apprendre le bien être en neuf leçons, mais d'égarer le lecteur consentant dans l'énigme, de lui emplir la tête de mille question au lieu de lui apporter la moindre -et donc mesquine- réponses.

 

  Assurément, cet inaperçu du prix du même nom mérite de trouver son public, mais malgré mon enthousiasme, il m'est délicat de le recommander. Beaucoup de lecteurs resteront sur le carreau, mais il attirera les amateurs d'oeuvres exigentes, ceux qui aiment se laisser porter et surtout se perdre dans des univers hors norme, et peut-être simplement aux rêveurs.

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23 mai 2011 1 23 /05 /mai /2011 18:38

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51IY57Hw5hL._SL500_AA300_.jpg 

J'ai déjà dit à propos des BD de Fred que les artistes d'Hara-Kiri, et plus largement de la presse satirique de gauche (et même satirique en général, vu que je me contrefiche de l'humour de droite), auxquels je m'intéresse entretiennent tous un rapport avec le surréalisme. Faut dire que c'est facile, jusqu'à présent, Topor et Fred constituent le plus gros de mes connaisances dans le domaine. Maintenant s'y ajoute Delfeil de Ton, dont les jeunes éditions Wombat viennent de rééditer Le Journal de Delfeil de Ton, paru en feuilleton dans Charlie (en 1969) et dans Hara-Kiri (1975-76).

  Comme le titre le suggére, il s'agit d'un journal intime imaginaire, divisés en huit sketches correspondant chaque fois à un mois. Le narrateur, qu'il faudra bien assimiler à Delfeil de Ton lui-même, lequel se présente sous un jour peu sympathique allant du loser fini au salaud, nous raconte au jour le jour les aventures délirantes qu'il vit au quotidien, dans son village paumé, au côté de son ami l'abbé Mardi, lequel apporte au Journal un leitmotiv très drôle : le sermons où ils s'inspirent, parfois par pure coïncidence, de ces événements étranges.

  Nous verrons les deux amis confrontés successivement à l'exode progressive de tous les meubles et objets vers la frontière belge, à leurs membres devenus brusquement détachables, ou à une invasion de couilles poussant dans leurs jardins. Ca, ce sont pour les sketches qui dévellopent une idée de base unique, et qui bien que fort jouissif ne sont pas forcément les meilleurs du recueil. Il y a  dans le lot trois (le second, le sixième et le septième) qui se distiguent par leurs délires foisonnant défiant tout résumé. Le second, dans ce roman plutôt porté sur l'absurde burlesque, s'approche d'un véritable surréalisme à la Dali et rappelle les meilleurs BD de Fred, tandis que le sixième puise largement dans les contes de fées, créant un fort contraste avec le ton globalement gras de l'ouvrage -lequel semble presque obligatoire pour les journaux de publication. 

  Toutes ces aventures sont contées dans un style auquel le lecteur devra s'habituer dés le début du roman : extrêmement sec, tout en phrase courtes où le présent domine, il ne donne pas l'impression d'un livre mal écrit mais d'un choix judicieux ; il correspond en effet à merveille à la bêtise et à la passivité du personnage, et en outre fait naitre bien plus facilement le rire et/ou l'étonnement devant des énormités qui arrivent sans prévenir et sans perturber plus que ça le flegme mou du narrateur.

  Maintenant, tout le monde se demande : et la satire dans tous ça ? Ben oui, c'est un feuilleton de Charlie et de Hara-Kiri, alors il nous faut de la satire politique bête et méchante, ou alors nous rembourser.

  Je dois dire que le connaisseur de Topor et Fred que je suis a cessé depuis longtemps de réduire les journaux suscités à la satire politique bête et méchante, quand, dans Hara-Kiri du moins, il était souvent avant tout question d'art, certes subversif -nous dirions aujourd'hui underground. Dans le Journal de Delfeil de Ton, la satire est présente, mais il ne faut pas s'attendre à un message particulièrement engagé, plutôt à une parodie des clichés d'une certaine comédie franchouillarde. Tout y est : le village arriéré, le curé au centre de l'intrigue, les personnages réacs, l'éloge ironique de la tradition, l'humour gras que vient néanmoins pervertir le délire suréaliste.

 

  Peu importe les intentions précises du livre (qui pour moi cherche avant tout à faire rire et à faire voyager dans un monde déjanté), si vous aimez l'aburde grinçant, profitez cette première édition en volume avant d'éventuels aléas de la micro-édition (on ne sait jamais, les voies du Seigneur son impénétrables).

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8 mars 2011 2 08 /03 /mars /2011 15:21

  http://www.actusf.com/spip/IMG/jpg/Maquette_couverture_novella_odile_k.jpg

  La Nuit en sursaut est la première novella de Léo Kennel parue chez Hydromel. Avec la suivante, Transparence des Tigres , elle forme parait-il le début d'un triptyque, bien que toutes deux n'aient aucun rapport sur le plan de l'intrigue et se recoupent juste très vaguement par le ton.

 

  La Nuit en sursaut est le récit d'un avenir indeterminé ou lectures et écriture sont pourchassés. Leurs pratiquants, quand ils ont la chance d'échapper aux centres de rééducation, doivent suivre des séances d'écrivains anonymes, comme ils pourraient suivre celles des alcooliques anonymes. Mais les plus pourchassés restent les graffeurs mystérieux qui couvrent les murs d'aphorismes étranges.

  Jusqu'ici, impossible de ne pas songer à 451°Fahreneit. La novella compte d'ailleurs au moins une référence explicite au roman de Bradbury, et le personnage de Felix Fernand, "gommeur" de plus en plus fasciné par les graffitis, même s'il apparait finalement peu dans l'intrigue, est un Montag en puissance. Bref, rien de bien original sous le soleil des dystopies me direz-vous.

  Sauf qu'il y a la manière de, et Léo Kennel donne d'un thème somme toute éculé de la dystopie une version qui n'aura pas vraiment d'intérêt pour un fan hardcore de SF spéculative (là encore, on ne s'éloigne pas de Bradbury) mais ravira les amateurs d'ambiances oniriques aux frontières des genres.

  Ici, le sommet du récit ne se trouve pas dans sa trame même, mais dans les mises en abymes qui le parsèment, et donne un avant-goût du très surréaliste  Transparence des Tigres  qui sortira un an plus tard. Les mises en abymes les plus étonnantes restent finalement les plus sommaires : les graffitis dont plusieurs ouvrent chaque chapitre, avec leurs signatures dont les pseudonymes récurrents (la Nuit en sursaut, du titre, est l'un d'eux), chacun associé à une police fantaisiste, montrent autant d'imagination que les sentences, proprement surréalistes. Par un habile paradoxe, les graffitis sont à la fois des rébus abscons en apparence, et des réponses, des échos à l'univers de la novella, dont les graffeurs sont quand même censé secouer la conscience révolutionnaire. En tout cas, l'auteure s'est visiblement éclaté à écrire ce qui est l'oeuvre d'une poétesse autant que d'une romancière, et le plaisir est communicatif. Il s'agit tout simplement du plaisir des mots auquel la novella est une ode. 

  Mais les mises en abymes deviennent peu à peu plus complexe. Une authentique nouvelle, une sorte de fantasy poétique, est déjà inséré en tant qu'objet de délit dés les premier chapitre. De nouveaux textes, aux ambiances oniriques tout autant voir encore plus  somptueuses, prendrons toute la seconde moitié de la novella à partir d'un instant stratégique : lorsque les graffeurs investiront le lieu de réunion des écrivains anonymes, dont les séances prennent la majeure partie de l'intrigue, et que celles-ci deviendront de véritables joutes de conteurs dont on saisit encore mal, volontairement j'imagine, le contexte.

 

  La Nuit en sursaut aurait pu être une dystopie superficielle, sur un thème bradburien assez éculé, finalement d'un gabarit assez ridicule face  aux spéculations qui ont fleuri au cours du siècle. Mais par chance, la dystopie y est un thème secondaire, et le principal reste le plaisir des mots et des images, le souffle poétique, au confluent de deux grandes traditions contre-culturelles : la science-fiction (appartenance tout à fait revendiquée dans la novella, au cas où des sci fistes fanatiques y trouveraient à redire) et le surréalisme.

 

  Petit EDIT car j'avais oublié de sacrifier à la tradition en donnant le lien de la chronique qui m'a fait découvrir le livre, et qui, comme pour Transparence des Tigres, viens d'ActuSF

 

  Et sur le même site, une interview de l'auteur à propos de cette novella, tiens.

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4 mars 2011 5 04 /03 /mars /2011 14:00

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51AM2F6TJSL._SL500_AA300_.jpg 

Jacques Abeille n'est pas seulement  l'auteur du Cycle des contrées.  D'autres oeuvres témoignent de la personnalité unique de son oeuvre, qui a su si bien s'approprier l'héritage surréaliste.

  Les dix nouvelles regroupés dans le recueil Celles qui viennent avec la nuit, paru aux éditions de L'Escampette, ont  en commun le thème de la  femme comme objet de désir. Cependant,  contrairement à ce que peut laisser songer la quatrième de couverture, et même si la sensualité est présente à chaque page, il ne s'agit pas de nouvelles érotique, genre auquel nous a certes habitué Jacques Abeille, mais bien d'authentiques récits fantastiques, propre à laisser éclater le talent de l'auteur pour les images, ainsi que sa prose poétique inimitable.

 

  On entame donc le recueil avec ses deux nouvelles les plus hermétique,  ce qui précisons-le tout de suite n'a rien de désagréable dans le contexte d'une ambiance onirique. Si la première, Le Voyageur attardé, qui est aussi la plus ancienne du recueil,  ressemble à un poème en  prose en roue libre à la André Pieyre de Mandiargues ,  la seconde, L'Appartement, est plus posée, plus propre à nous faire entrer dans l'ambiance d'un récit dont la difficutlé même et d'être ouvert à toutes les interprétation.

  Maintenant que ce hors-d'oeuvre nous a mis en appétit, on attaque l'entrée avec Un cas de lucidité, premier récit à l'intrigue claire et premier personnage féminin véritablement fantastique, un femme  qu'un homme marié découvre en aveugle dans le lit conjugal. Un petit bijou  d'ambiance fantastique, avec une fin à l'avenant.

  Le plat de résistance vient pour moi avec la suivante, Le Gésir, ou la tentatrice est une grotte de bord de mer dont la roche prend des formes exquises. La nouvelle ouvre officiellement une prodigieuse galerie de femmes fantastiques  ou Abeille laisse éclater son imagination : une épouse qui se change en géante chaque nuit de pleine lune dans La nuit de lune et de l'autre, ou les créatures plus étonnantes les une que les autres et qui, dans Le trot des biche, viennent visiter le brave Albert Mamain en l'absence de son épouse  : troupeau de femmes-biches, femme-oiseau. Cette dernière nouvelle est l'une du recueil qui contient le plus d'humour, un humour pouvant passer de la légèreté à la noirceur et qui éclate dans le burlesque Monsieur Brot.  

  Pour faire le tour, sinon des nouvelles, du moins de leurs différents registres, Lente proie est presque plus proche de la fantasy que du fantastique, rappelant les pages les plus épiques du Cycle des Contrées. Les femmes y sont ici sorcières, détenant dans tout leur pays des secrets interdits. A l'opposé de cette plongée dans un monde farouche, la nouvelle qui clôt de recueil, L'enfance d'un photographe, est la seule est relever de façon plus univoque de la littérature blanche, tout une distillant une trés délicate poésie de la sensualité.

  Si je devais attribuer un prix de la flamboyance à une nouvelle, je le refuserais peut-être in extremis à Lente proie pour lui préférer Gabelle. Seule nouvelle à être relatée à la première personne, et par un double je, car il est question de la découverte d'un journal abîmé -des passages manquent d'ailleurs, hachant le récit au point de le faire ressembler à un rêve. Gabrielle, dite Gabelle, dont le narrateur du journal devient l'amant, est une sauvageonne  vivant dans la misère absolue à proximité de salins en bord de mer -salin, gabelle, vous voyez le rapport ? La nouvelle nous fait entrevoir -pas besoin de nous y plonger directement, on est dans le fantastique -un vertigineux monde des marges, où le sel peut encore être un objet de guerre à l'ombre du monde capitaliste. Dans l'esprit de cette nouvelle, il y a un peu de l'épopée tissée dans Le Veilleur de Jour, deuxième volume du Cycle des Contrées, autour des secrets de Terrèbre.

 

  Alors que l'immense épopée des Contrées continue son chemin (Les Barbares paraitra en mai chez Attila), ce petit recueil vient confirmer l'immense talent de Jacques Abeille.

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31 janvier 2011 1 31 /01 /janvier /2011 19:14

 http://www.actusf.com/spip/IMG/jpg/transdestigres150.jpg

Un nouveau petit OLNI publié par les éditions Hydromel. La novella de Léo Kennel, Transparence dez Tigres-Souvenirs transgéniques, titre qu'on chercherait en vain à interpréter, est placée dés sa quatrième de couverture sous le sceau du surréalisme. Et effectivement, on est en plein dedans, bien plus que chez bien d'autres oeuvres se réclamant de son héritage.

 

  L'histoire, puisqu'il faut en trouver une, est celle d'une petite (?) fille qui entreprend de s'évader de la Zone des friches, désert semé de friches industrielles et perpétuellement plongé dans une nuit orageuse, où est enclose la cité où elle a grandi.

   Ce court roman de 70 pages est alors découpé en deux, hum, "intrigues" parallèles : de courts chapitres aux titres biscornus montrent le périple lui-même, jallonné  de découvertes étranges que viennent inévitablement annoncer, en début de chapitre, l'apparition d'un chat borgne (les "chat-bornes"); en alternance, des chapitres plus long et simplement numérotés reviennent sur la vie passée dans la zones, en une série de saynétes surréalistes qui s'enchainent sans ordre apparent et sans transition à l'intérieur même de chaque chapitre. L'ensemble donne davantage l'impression d'un très long poéme en prose que d'un véritable roman.

  Je vais sans doute doute paraître monomaniaque, surtout après ma chronique de  L'Ecorcobaliseur de Berengére Cournut, mais le style de cette novella m'a immédiatemnt fait penser à Henri Michaux (visiblement une source trés féconde pour les héritiers du surréalisme, sans doute en raison d'un potentiel narratif plus fort que chez n'importe quel poéte officiellement surréaliste). Cette fois, le parallèle m'a  semblé bien plus flagrant, au point de faire songer à un pastiche : ambiance constamment inquiétante, saynétes rigoureuses dans leur absurdité, importance d'une flore et d'une faune aussi bizarroïdes l'une que l'autre, mots inventés, et jusqu'à l'art de passer du coq à l'âne, l'univers de Léo Kennel est quasiment celui de Michaux.

  En tout cas, si pastiche il y a, il ne démérite pas le maître, offrant des images réjouissantes d'étrangetés, cultivant une véritable poésie du bizarre. Le tout sur une plus grande longeur qui plus est, ce qui est une certaine performance.

  J'émettrais une réserve sur la tentative de donner progressivement un sens politique à l'oeuvre (et de la rattacher ainsi à la novella dystopique du même auteur, La Nuit en sursaut) , ce qui m'a un peu gonflé tant  l'univers semble peu se prêter à ce genre d'essai.

 

  Mais c'est un bémol mineur face à ce petit bijou qui porte haut les couleurs de l'héritage surréaliste. 

 

  Pour terminer par une vieille habitude, la chronique qui m'a fait découvrir le livre, et se montre plus détaillé sur l'univers: link  

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27 janvier 2011 4 27 /01 /janvier /2011 22:50

http://www.riviereblanche.com/carnavalsansroi01.jpg 

Ca y est, il est enfin paru ! Le cycle du Rêve du démiurge que j'ai évoqué  dans mon article sur son auteur Francis Berthelot, en est à son huitème tome. Le parcours éditorial chaotique du cycle a conduit cette fois, si j'ai bien compris les aimables explications de l'auteur,  à une double édition de Carnaval sans Roi, en numérique chez le Belial, en papier chez Rivière blanche, objet que j'ai désormais dans les mains, avec sa couverture incongrue dont on cherchera en vain le rapport avec le roman.

 

  Celui-ci est la suite directe du cinquième épisode de la série, Nuit de colère, et du septième et avant-dernier, Le Petit cabaret des morts. Le héros du premier, le télépathe Kantor, qui a perdu son pouvoir en sauvant son ami Octave du gel catatonique, se voit confier une tache énorme par un psychiatre qui lui restaure sons don pour l'occasion : débarasser un personnage central du  second roman, Alvar Cuervos, des cinq esprits qui le possédent.

  Les romans du cycle du démiurge ont beau être conçu pour se lire de façon autonome, vous comprendrez aisement que je conseille fortement la lecture des précédents tomes afin de mieux comprendre les tenants de l'intrigue. Si vous avez la flemme de tout vous fader, prenez au moins en route à Nuit de colère ; pour les âmes qui possédent Alvar, leur histoire épique commence au moins au sixième volume, Hadés palace, dont j'ai déjà évoqué le place de tournant dans la cohésion générale de la série, laquelle prend de plus en plus l'aspect d'un cycle d'aventure. De toute façon, le cycle entier, vous n'y couperez pas, ne serait-ce qu'en préparation du tout dernier roman de la série, Abîme du Rêve, dont je croise les doigts pour bien voir la parution d'ici 2012 -date annoncée également de la triple intégrale du cycle au Belial, yes !

 

    Pour ouvrir la chronique sur une note subjective, et pour être franc, j'ai attaqué ce roman avec une certaine inquiétude: le style de Berthelot saurait-il toujours autant m'enchanter ? Le problème était sérieux, non seulement après un an et demi d'attente insoutenable  après avoir dévoré les sept premiers tomes en quatre jours, mais après m'être familiarisé avec le principe de la prose poétique sous ses formes les plus vertigineuses, auprès des George Limbour, René Crevel et consort. Et le début du roman a semblé un instant confirmer mes craintes, laissant l'impression d'un style emprunté.

  Mais j'ai eu le grand bonheur d'être vite détrompé. Certains passages, comme je n'en avais pas conscience auparavant;  peuvent en effet paraître empruntés, dans des creux de l'intrigue ou un style épuré serait peut-être plus judicieux -mais qui suis-je pour juger le travail de  Berthelot ?- mais la plupart du temps, le style latte toujours aussi sévérement la tronche, si vous me passez l'expression. Il peut vous asséner ses coups de lattes gratuitement, mais pas inutilement, comme à titre d'exemple les descriptions de "l'odeur de la folie" qui régne dans l'asile. Mais je pense évidemment aux moments où on l'attend au tournant, c'est dire dans le feu de l'action où celle-ci se mêle aux descriptions surréalistes, et ou plus que jamais la forme sers le fond et non l'inverse.

  Au menu, on entame le hors-d'oeuvre avec la folie d'Alvar vu de l'extérieur, passage presque impossible à décrire pour celui qui ne l'a pas lu, où l'ont voit avec plaisir dévellopée une expérimentation ô combien justifée, mais vite expédiée en fin de roman précédent.  Puis viens le plat de résistance : la plongée dans la psyché du possédé, autre expérience littéraire à vivre, assurément. Dans Nuit de colére, Francis Berthelot avait réussi à donner l'aspect d'un récit d'aventure aux incursions télépathiques de Kantor, brodant sur l'idée géniale de représenter les esprits infiltrés comme des paysages adaptés à leurs propriétaires. Dans Carnaval sans Roi, le défi est de taille : adapter cet exercice à un seul esprit, avec assez de péripéties pour en faire un roman. Et le pire, c'est que ça fait bien mieux que réussir, l'odyssée télépathique gagnant une force incomparable en se concentrant sur un esprit unique.

  Question suspens, Kantor prend le risque de s'attaquer à un esprit l'un après l'autre pour le faire sortir, d'où problémes en chaine, mais avec une direction -on est loin du scénario inter-minable et tournant en rond du film L'effet papillon, par exemple- et ses voyages successifs sont autant d'occasion de descriptions hallucinantes qui constituent probablement le sommet du cycle -je me retiens, par prudence, de dire : de l'oeuvre de l'auteur.  Le tout est organisée selon une structure qui pourra éventuellement rebuter : celle de la musique, et plus seulement dans les titres de chapitre comme dans Le petit cabaret des morts. Non, cette fois le roman adopte la structure d'une symphonie, certains chapitres se faisant écho  symétriquement d'une partie à l'autre. Il n'est pas impossible que certains trouvent cette structure trop répétitive, même si elle a tout à fait fonctionné sur moi, la cadence lancinante de l'intrigue complétant celle de la langue.

  Assurément, Berthelot arvie au sommet de son talent de conteur, n'oubliant même pas d'alléger le roman par des dialogues truculents aux allures de série B, ou plutôt de séries télé qui lui sont chéres, entretenant ce constraste entre feuilleton alerte et réalisme magique d'inspiration surréaliste, qui donne un style si particulier à ses derniers romans  depuis au moins le grandiose Hadés Palace.

 

    Encore une preuve  que Francis Berthelot est un des grands magicien de l'imaginaire français. En tout cas on attend la suite et la fin de ce grand cycle , et vite.

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11 janvier 2011 2 11 /01 /janvier /2011 22:34

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Dans l'histoire officielle des lettres françaises, telle qu'on peut l'enseigner à l'école, c'est à Boris Vian que revient l'honneur d'avoir réuni le surréalisme avec un genre  que ce dernier abhorre, le roman. En réalité,   René Crevel avait déjà commis ce sacrilége en 1935 avec Êtes-vous fous ?, et ce dans un esprit peut-être plus ouvertement proche du mouvement. Aujourd'hui, le roman est édité par la collection L'imaginaire de Gallimard, véritable mine de textes inclassables qui serait oubliés sans elle.

 

  Résumer le roman n'est pas, on s'en doute, chose facile. Disons que le personnage principal va consulter une voyante à qui il devra pour tout le reste du roman son nom, évidemment plein de sens : "Vagualâme". D'elle, Vagualâme apprend qu'il est destiné à épouser une rousse qui lui donnera un enfant bleu destiné à mourrir dés la naissance, suivi dans la tombes de nombreux fréres et soeurs multicolores. Il doit aussi connaître la sulfureuse demie-mondaine Yolande, dont la fréquentation n'améne rien de bon, pour ne pas dire qu'elle sent pour Vagualâme le début de la fin. Car il est dit que par ses débauches la Ville doit l'enterrer, celle qu'on surnomme la "grande pétrifiée" (mais jamais nommée Paris).

  Cette dernière prophétie semble en fait se réaliser avant toutes les autres, quand Vagualâme est atteint de mal pulmonaire  qu'il doit partir soigner dans un sanatorium Suisse. Dés lors, le lecteur doute probablement à juste titre de la réalité de tout ce qui va suivre : notre malade rencontre Dieu sait comment Yolande, qui se révèle être une morte-vivante vivant aux milieus de ses trois phénomènes, dont le fakir qui la maintient en vie. Fusillée pour espionnage mais ressuscitée, elle peut se vanter d'une vie bien remplie et ce depuis l'enfance.

  De plus grande surprises attendent encore le "héros", notamment quand il s'agit de rencontrer sa promise rousse, nièce de Yolande, joliment nommée Dame de la Mer. La rencontre sera assez différente de ce que disait la prophétie, dans cette Berlin devenue la capitale des chirurgies les plus étranges ainsi  que de toutes les perversions (En 1935, Crevel semble s'accrocher naïvement à une image liberée et subversive de l'Allemagne, figure de proue de l'avant-garde européenne, alliée potentielle de la révolution surréaliste. Si c'est un pari sur l'avenir, c'est un peu ballot).

  Voilà la trame du roman à peu prés donnée, en faisant l'impasse sur les intrigues secondaires qui viennent la compliquer, comme celle tournant autour de cette Suisse fantaisiste où le goître est le signe de respectabilité bourgeoise. Inutile de dire qu'il ne faut pas y chercher une intrigue béton. En revanche, ce qui fait tenir cette étrange oeuvre, c'est son style, pour ne pas dire son exercice de style, trés difficile à définir et à analyser, mais distillant une folie continue tout le long du roman. Running gag, certains passages en deviennt à la limite du lisible (surtout, selon mon impression, les premières pages, ce statut lui-même ayant sans doute joué dans ma lecture) mais heureusement cela s'améliore vite, et certains passages sont de toutes beauté : ainsi le début de la maladie de Vagualâme, présenté sous forme d'une allégorie complexe,  est l'un des plus beaux passages du roman. Et la fin vous laisse sur le carreau après un épilogue qui se change en manifeste de cette folie furieuse qu'était la révolution surréaliste.  

 

  Une oeuvre exigente, pas précisement une lecture de plage ou même de métro, mais qui récompensera les lecteurs qui s'accrocheront.

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2 janvier 2011 7 02 /01 /janvier /2011 20:48

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L'Ecorcobaliseur de Berengére Cournut et un OLNI de belle facture publié par les éditions Attila, déjà responsables des Jardins statuaires et des Mers perdues dont j'ai pu parler à l'occasion de mon article sur  Le Cycle des contrées de Jacques Abeille .

 

 

  L'écorcobaliseur, mot inspiré d'un poéme d'Henri Michaux reproduit en première page, est le nom, bien étrange certes, d'un personnage. Dans la petite île bien-pensante de Menfrez, ce personnage malfamé disparait en emportant la tête coupée de son frère aîné. Leur soeur cadette, l'isandreline,  héroïne du roman dont elle est d'ailleurs la narratrice un chapitre sur deux (l'autre est curieusement raconté à la troisième personne), et qui sait bien que le frére aîné, l'anicétonque, est vivant, part à la recherche de ses deux fréres. Il importe que la fratrie se reconstitue, car leur relation fusionnelle est celle d'un univers à eux seuls. D'ailleurs, l'écorcobaliseur est incapable de penser sans son frère et sa soeur.

  Pour cette quête, l'isandreline est pleine de ressource, car elle et sa fratrie sont de prodigieux inventeurs de machines  étranges. A travers cet univers insituable mais essentiellement maritime, son voyage la ménera  sur l'île de La-Mer, où vivent au côté des pêcheurs des Bédouins amenés avec leurs dunes par une tempête de sable. Elle connaîtra également  un petit voyage à travers le corps d'un marin où elle entendra le récit confié par son père disparu, puis retournera pour un plus grand voyage vers La-Mer, en compagnie de son père adoptif qui emmène avec lui le cercueil de son épouse.

  Bref, c'est ouvertement surréaliste, d'un surréalisme particulier, qui peut être d'un burlesque rafraichissant comme cela est un peu devenu le tout-venant des héritiers bâtards du mouvement, mais aussi se rapprocher d'une forme plus originale, celle de Michaux avec laquelle la parenté est établie dés la première page déjà évoquée : mêmes images un peu trash, souvent organiques, et même fabuleuses spéculations pseudo-scientifiques, qui pour parodier la science-fiction n'en restent pas moins trés cohérentes dans leurs raisonnements absurdes.

  Pour renforcer ce haut patronage, vient le doubler celui du peintre surréaliste Victo Brauner, dont quatre tableaux viennent ouvvir les quatre parties du romna et ainsi témoigner du grand soin qu'apportent les éditions Attila à la confection de leurs ouvrages (à cet égard la revue de presse fantaisiste à l'intérieur de la couverture est plutôt amusante).

 

  L'Ecorcobaliseur montre donc que le grand arbre généalogique du surréalisme peut encore réserver des surprises jusqu'à l'heure actuelle.

 

  Pour clore cette chronique, selon mon habitude de l'URLite  aigue, je renvoie à l'article qui m'a fait découvrir ce fabuleux OLNI, sur un site que j'ai déjà eu l'occasion  d'évoquer : link 

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17 décembre 2010 5 17 /12 /décembre /2010 22:26

Je remonte cette chronique datant d'octobre suite à un troisième et dernier edit consécutif à la lecture des Chroniques scandaleuses de Terrèbre, dernier avatar du cycle en question  qu'il me restait à lire. Outre un remaniement de la forme de l'article pour qu'il ressemble un peu à quelque chose, c'est l'occasion d'étoffer la partie sur Les Jardins statuaires et Le Veilleur de Jour, parce qu'ils le valent bien.   

 

Jacques Abeille est un auteur fantastique français influencé par le surréalisme...ce qui reviens à ne pas dire grand-chose d'une oeuvre trés difficilement classable.

 

  Le Cycle des contrées, son oeuvre maîtresse, parus pour l'essentiel dans les années 80 et constitués de romans pouvant se lire de façon autonome, a ceci de commun avec  Sur les falaises de marbre d'Ernst Jünger   et  Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq de prendre pour cadre des pays impossibles à situer  et pourtant non dépourvus de références à notre monde (bon, celles-ci sont beaucoup plus rares chez Jacques Abeille, c'est vrai).

 

 

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Le cycle a connu tout récemment une nouvelle jeunesse éditoriale grâce à la réédition de cette année, aux toutes jeunes éditions Attila, du premier roman, Les Jardins statuaires (les autres sont actuellement réédités par les éditions Gingko )

  Pour la petite histoire, l'illustration de la couverture a été confié à l'illustre François Schuiten, qui, fasciné par cette oeuvre et y voyant une similitude avec son propre univers de la BD Les Cités obscures, qu'on ne présente plus, s'est empressé de collaborer avec l'auteur pour un mini-roman illustré situé dans l'univers des contrées, Les mers perdues, dont j'aurais l'occasion de reparler avant la fin de l'article. 

 

Le mieux pour faire ressortir toutes les qualités de ces romans est de les chroniquer un par un, car ils sont trés divers.

 

  Les Jardins statuaires est certainement le meilleur, empli d'un souffle qu'on ne retrouve plus, malgré leurs qualités, dans les romans suivants.

    Le narrateur, un voyageur aux ambitions d'explorateur, arrive dans le pays des jardins statuaires, où les statues poussent dans la terre, phénomène autour duquel toute une société s'est organisé.  Et c'est là le point central d'un roman que l'on pourrait qualifier d'ethnologique. En effet, les cent premières pages au moins ne comportent aucune action, il s'agit pour notre voyageur de découvrir, par ses visites des domaines statuaires, ses entretiens avec des personnages encore esquissés, la civilisation des jardins statuaires, ses coutumes et ses rites, dans ce qu'ils ont de fascinants mais aussi, par un réalisme bienvenu, rebutants, notamment pour ce qui est de la place des femmes.

  Peu à peu, de nouveaux enjeux apparaissent, les personnages s'épaississent. Notre narrateur part vers le nord, rencontre l'amour en chemin dans un domaine statuaire dévasté, puis s'aventure briévement au-delà des jardins, dans les steppes du nord où les nomades commencent à s'organiser derrière un nouveau chef originaire des jardins et préparent la grande guerre de conquête dont le menace plane sur les deux premiers romans du cycle.

  Se profile alors une réflexion qui traverse tout le cycle sur l'avancée de l'Histoire (la tradition n'est jamais figée pour Abeille, ce que le roman dévellope avec une étonnante subtilité). Cette réflexion n'est nulle part aussi dévellopée que dans ce premier roman, pour la raison évidente que le narrateur est explorateur, nous dirions dans notre monde ethnologue. A travers le frémissement interne de la société des jardiniers, mouvement où la place de la femme est bien entendu centrale, et l'intitiation ethnologique de son narrateur, Abeille démolit agréablement un certain traditionnalisme béat répandu chez les ethnophiles de comptoirs. A une époque où les crypto-fascistes de la "Nouvelle Droite" justifient leur critique virulente des Droits de l'Homme par un tiers-mondisme hypocrite, en se permettant de récupérer Levi-strauss de manière honteusement déformée, une réflexion aussi subtile fait du bien par où elle passe.      

  Au destin des jardins statuaires, se mêle le parcours intérieur du héros, et c'est là que l'auteur se montre le plus brillant, dans des pages contemplatives de toutes beauté, rendues par une prose poétique ciselée, aux phrases volontiers longues et alambiquées, mais maîtrisées.

  Et je ne vous parle même pas des visions qu'Abeille tire du théme forçement prometteur des statues animée de vie végétale, et que n'aurait pas renié ses maîtres surréalistes. Là, il s'agit vraiment d'un élément qui ne se retrouve que dans ce roman. 

  Je n'hésiterais pas à dire que s'il fallait ne lire qu'un épisode du cycle, ce serait celui-là.

 

  La suite du cycle, justement, qu'en est-il ? Eh bien, il faut avouer qu'une certaine originalité se perd, celle de l'imagination ethnolgiques. La description fascinante des jardines statuaires, digne d'un Borges au mieux de sa forme, ne trouvera plus d'équivalent dans le cycle...ce qui ne veux pas dire du tout que celui-ci perde tout interêt, bien au contraire !

 

 

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Le deuxième roman, Le Veilleur du Jour, nous emméne   de l'autre côté de la frontière ouest des jardins, dans la grande ville de Terrèbre, figure centrale du cycle.

  Le héros, Barthélémy Lécriveur (on ne sait curieusement son nom qu'à la page 130, paradoxal pour un personnage évoqué en fin de roman précédent dans un but évident d'en préparer le suite) arrive dans la grande mégalopole et trouve un emploi curieux : "veilleur de jour", pour le compte d'une société d'archéologues férus d'occultisme, dans un entrepôt à la construction immémoriale ; le but du veilleur de jour : se préparer à accueillir un héros qui doit venir un jour dans ce monument, gardien lui-même d'un cimetierre oublié.

  Ici, plus de première personne, la narration omnisciente permet d'introduire de multiples personnages : Coralie, l'étudiante qui se lie d'une relation passionnelle avec Barthélémy, l'inspecteur Molavoine qui découvre un nouveau sens à sa vie terne dans les mystéres de cette affaire, le professeur Destrefonds ami du grand chancellier et par là témoin de la dérive totalitaire de l'empire de Terrèbre. Ce tissu donne une ampleur plus épique à l'ensemble. Nénmoins, le lecteur guère porté vers le méditatif risque de s'ennuyer ferme  au fil des 600 pages du plus gros roman du cycle -moi-même ai trouvé quelques longeurs par moment.

  Pour compenser, il n'y a certes plus l'éblouissante exploration des jardins statuaires. Terrèbre est une ville d'apparence tout ce qu'il ya de plus occidentale, où les noms sonnent même français, bien que par une étrangeté qui refléte celle de tout un univers, il est trés difficile de la situer dans le temps. Mais sans vaine comparaison avec la civilisation du roman précédent, il faut admettre que cette héroïne à part entière de ce roman-ci vaut quand même son pesant de mystéres et d'ambiances, avec ses secrets millénaires, ses passages secrets dignes d'un roman gothique, ses références symboliques au Tarot de Marseille, tous éléments qui transforment cette fresque urbaine en roman d'aventure au subtil parfum d'ésotérisme.

 

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Vient ensuite, dans la ligne générale de Gingko (qui a pour ainsi dire créé ce roman en 2008 à base de textes épars et d'inédits) Les Voyages du fils. Le fils, c'est celui de Barthelemy Lécriveur, vingt ans aprés, c'est à dire vingt aprés la disparition d'un père qu'il n'a jamais connu et, historiquement, le reflux vers le nord des barbares des steppes qui ont jadis détruit la ville.

  Le fils, narrateur du roman, part enquêter sur le passé de son pére -par ailleurs amnésique dans le précédent roman-, dans les Hautes Brandes, la contrée qui sépare l'empire de Terrèbre des jardins statuaires, où vivent les sociétés tribales des bûcherons et des charbonniers...on y revient donc, à l'ethnologie !

  Si la société des bûcherons et des charbonniers n'a pas le grandiose borgesien des jardins statuaires, elle offre tout de même de belles pages. Cependant, toute la description des coutumes et des rites est tournée vers le but de l'enquête du narrateur. Celui-ci apprend ainsi que son pére a usurpé l'identité d'un autre aprés sa perte de mémoire qui l'a ravalé au rang de bête. Il s'agit littéralement d'un échange de personnalité qui fait basculer une partie de livre vers un fantastique étrange.

  Ce fantastique, justement, se cultive bien plus ouvertement, plus que dans tout le cycle, avec le passage de "l'auberge verte", saynéte autonome qui revisite magnifiquement le mythe de l'enchanteresse dans son repére hors du temps. 

   En revanche, aprés cet éclat, la deuxième moitié de ce roman, déjà nettement plus court que les autres, m'a bien moins convaincu. Il s'agit du retour à Terrèbre, où le jeune homme fait la connaissance de son oncle, l'écrivain pornographe Léo Barthe, et l'aide à publier un texte licencieux concernant son pére. Malgré son intéressante mise en abîme du métier d'écrivain, l'intrigue de m'a guère passionné, pas plus que la ville de Terrèbre ( que je découvrais avec ce livre, deuxième dans mon ordre de lecture) ici vidée de sa substance comme si l'auteur en avait fait le tour.

 

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Ceci ne m'encourageait guère (comme s'en souviennt peut-être ceux qui ont lu les premières moûtures de ce billet) pour le tome 4, Les Chroniques scandaleuses de Terrèbre, paru sous le pseudonyme de...Léo  Barthe (courant pour les incartades érotiques de l'auteur) et présenté comme le manuscrit publié par ce personnage de roman.  C'est le tout dernier que j'ai lu, aujourd'hui même, guére tenté jusque là de relire sous un autre angle l'histoire de Barthélémy et Coralie, alors que je faisais une petite overdose de Terrèbre.

  Ma lecture ne pouvait me laisser, pour des raisons trés subjectives, qu'une impression mitigée, en ce qu'il s'ait de ce que ses éditeurs nomment pudiquement un roman érotique, mais pour lequel le terme de porno n'est pas exagéré. Or je ne suis pas forcément amateur de ce genre de littérature qui, comme elle l'a prouvé dans le cas présent, ne fait pas sur moi, euh, l'effet escompté.

  Cependant, pour un boulard, si vous me passez l'expression,  ça n'en reste pas moins de la littérature aussi classe que n'importe quel roman des Contrées. Pour être clair, le roman ne peut à mes yeux s'apprécier pleinement qu'à l'aune du Veilleur du jour dont il est complémentaire, et devient même incompréhensible sans l'intrigue du Veilleur en tête. Il s'agit de présenter de l'épopée urbaine nimbée d'ésotérisme qu'est Le Veilleur du jour, une facette beaucoup moins noble et plus repoussante...tout en gardant paradoxalement l'aura proche d'un messianisme diffus qui caractérise le couple Barthelemy/Coralie, offrant ainsi de véritables instant de poésie à travers les témoignages qui constituent cette histoire parallèle (précisons que deux récits, au début et à la fin, sont à part, ne parlant pas du couple central) et dont les témoins voyeurs ont tous été bouleversés d'une façon où d'une autre par le couple. Bref, le roman apporte plus que je ne le craignais au Cycle des contrées qui reste au moins autant un style qu'un univers.       

 

  Voilà les quatre tomes de la série emballés et pesés...mais ce n'est pas fini, car la structure complexe du cycle dépasse ce concept de série, comptant beaucoup de textes périphériques.

 

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Commençons pas La Clef des Ombres, paru chez Zulma en 1991. Le roman prend place à Journelaime, ville provinciale de l'Empire de Terrèbre, où vit un certain Brice, un petit fonctionnaire au physique ingrat  et un peu simple d'esprit sur les bords, méprisé par ses collégues de la sous-préfecture.

  Mais la vie commence à changer pour Brice. Il se rend compte que chaque nuit, il parle en état de somnanbulisme avec un inconnu dans un parc, lequel lui fait participer à un complot contre le totalitarisme montant de Terrèbre (dont nous avons déjà parlé) alors que l'esprit de Brice s'éveille à l'intelligence.  Dans la foulée, le jeune homme, indécrottable rêveur, commence à douter de réalités qu'il toujours admises, comme l'existence de Séverine, la servante de la pension où il vit, dont nous ne saurons jamais si elle est une invention de son esprit  -en tout cas c'est l'occasion d'un labyrhinte onirique tout à fait sublime.

  La métamoprhose devient plus radicale dans la troisième et dernière partie, où en plus d'être plus malin Brice devient beau et  commence à mener une vie de séducteur, tandis qu'il s'extrait de sa condition sociale. Pas de panique, ce n'est pas un conte de fée aussi niais que viriliste, mais au contraire une fable trés noire où notre rêveur idéaliste évolue vers l'archétype du conformisme...ce qui prend un sens trés spécial dans le contexte dictatorial de Terrèbre !

  Bref, moi qui pensait que ce roman n'apporterait pas grand-chose à cet univers, j'ai été agréablement surpris, surtout, il faut dire, par l'histoire de Severine  qui est peut-être le sommet du cycle du point de vue de l'onirisme.

 

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Viennent ensuite les textes courts, avec Les Carnets de l'explorateurs perdus chez Ombre en 1993, qui renoue de fort belle façon avec la fibre ethnologique du cycle.

  Il s'agit d'un court recueil (un peu plus de 80 pages) de textes attribués à Ludovic Lindien, autrement dit le narrateur des Voyages du fils, fils de Barthelemy. Ludovic est devenu anthropologue, et nous livre d'abord son enquête, appuyée de fantastique témoignages, sur le mystérieux peuple d'amazones  alliés aux barbares des steppes dans la destruction de Terrèbre, puis un récit plein de magie païenne d'un jeune guerrier des steppes sous l'égide de son maître, un éclairage inattendu sur la préhistoire probable  des jardins statuaires, et enfin l'étude des peuplades du Désert d'Inilo, à travers deux mythes archaïques trés joliment pastichés et un court essai mythologique aux allures borgesiennes. Un trés beau retour au source, par ailleurs illustré par l'auteur de troublants corps déformés.  

 

  Les deux textes suivants sont (pour l'instant, je vais y revenir) à réserver aux fans hardcore de ce cycles, en raison essentiellement de leur rapport quantité prix prohibitfs (8 euros pour 30 pages, comme vous pourrez le vérifier sur le site des éditions Deleatur, qui pratiquent la vente directe).

  L'écriture du désert est  dans la continuité du précédent puisqu'il s'agit encore du désert d'Inilo. On n'en regrette que davantage qu'il n'ait pas été regroupé aux Carnets où ce récit borgesien trés didactique avait davantage sa place et des chances d'intéresser un lectorat.

  Louvanne en revanche  est d'un style plus accrocheur. Son lien avec les contrées est léger puisqu'il est absent du texte même, n'apparaissant à ma connaissance que dans la liste des oeuvres d'Abeille dans quelques livres du cycle  et surtout dans la carte des contrées jointes au Voyage du fils. Mais ce statut un peu flottant n'ôte en rien de son interêt propre à ce conte rural âpre, à l'ambiance sauvagement païenne, où même la vie d'une créature maléfique (la femme-louve qui donne son titre au récit) peut être taboue.

 

  Pour en finir avec les textes périphériques, je vous renvoie à l'article à part que j'ai réservé, en raison de son statut particulier au confluent de deux oeuvres, à cette séquelle inattendue qu'est  Les Mers perdues de Schuiten et Abeille.  

 

  Enfin, parlons du devenir du cycle. J'ai il y a peu envoyé un mail  aux éditions Deleatur, co-éditeurs avec Gingko du Veilleur de jour, des Voyages du fils et des Chroniques scandaleuses de Terrèbre, pour avoir des nouvelles des deux prochains  romans. Ceux-ci  sont abandonnés mais repris par Attila, au moins pour le tome 5, un retour au Jardins statuaires qui devraient clore magnifiquement le cycle (EDIT de juillet : la parution des Barbares est maintenant chose faite, ainsi que sa chronique sur le blog ).

  Clore le cycle, et le tome VI alors ?  C'est qu'il s'agit plutôt d'une sorte de bonus, un regroupement de textes périphériques, dont les trois nouvelles et novellas citées ci-dessus (qui deviendrons alors financiérement abordables...en espérant que le projet aboutisse) (EDIT de septembre : en fait c'est plus compliqué que ça, depuis les informations fournies par Deleatur le programme a un peu changé). (EDIT de septembre 2012 : et il est temps de faire un  erratum sur la parution de ce qui aurait pu être le septième tome).                                      

 

  En attendant, concluons ce billet avec les lien de deux autre chronique des Jardins statuaires :

 

   Sci-fi universe

 

   ActuSf

 

Plus l'ensemble des articles sur Jacques Abeille sur la taverne du Doge Loredan, soit certainement l'un des topos les plus complets et fournis que vous pourrez trouver dans la blogosphère sur ce cycle, depuis qu'un blog qui lui était entièrement dédié a été supprimé pour cause d'invasion de spams : link 

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