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3 avril 2013 3 03 /04 /avril /2013 12:48

  Aujourd'hui qui, précisé-je, vient de se décaler de la bagatelle deux ans : c'est en  effet dans le très triste contexte du décès de Fred que je remonte cet article paru intitialement en avril 2011 et édité un mois plus tard, en manière d'hommage posthume. RIP et salut l'artiste.  

 

Une chronique un peu dans l'air dhttp://leweyr.chez.com/pictures/bd/fred/fred.jpgu temps du point de vue de la bayday franco-belge, puisque nous saluons en ce moment la parution de l'entretien Fred, une monographie, où la vie et l'oeuvre du génie moustachu sont racontés par son plus célèbre personnage, Philémon (et puisque j'avais chroniqué ce chef-d'oeuvre intemporel de la littérature et de l'art mondiaux, dont la lecture est susceptible de bouleverser à jamais vos vies,  hop ! . Et un petit edit en passant sur la question du fond de l'oeuvre, que je ne définirais plus de la même façon).

  Chro ancrée dans une certain actualité donc, sauf que je la suis vraiment à ma manière. Je n'ai pas lu la monographie, mais aie plutôt choisi la tâche prioritaire d'approfondir l'oeuvre dont il est question ; comme c'est très courant pour les créateurs d'une série à succès, cette oeuvre est souvent éclipsée derrière Philémon, bien malheureusement car, il faut dire ce qui est, et j'espère qu'Il me pardonnera cet affront à son esprit anar, mais Fred est Dieu.

 

  Donc, à Philémon que je connais depuis deux ans, à la série des Histoires de... lue l'année dernière et dont ce billet me donne l'occasion idéale pour enfin faire la chronique, viennent  de se rajouter huit albums d'histoires courtes.

 

http://www.librairiegoscinny.com/IMG/arton2031.jpg?1270662216 

Les Histoires de..., d'abord : du Corbac au bakset, du Conteur électrique, de La Dernière image et du Magic Palace Hôtel. Un coffret les a joliment réuni à une date toute récente, mais pour autant ne cherchez pas un quelconque cycle comparable à Philémon : les quatre Histoires sont indépendantes, et ne sont lié entre elles que par des personnages qui réapparaissent le temps d'un sketch sans incidence pour l'intrigue ; la dernière, L'Histoire du Magic Palace Hôtel, n'a même pas ce genre de lien avec les précédentes, et pour cause : il s'agit d'une réédition en couleur d'un album auto-édité en noir et blanc sous le titre Magic Palace Hôtel -pas encore une Histoire de..., donc.

  La première Histoire, celle du Corbac aux baskets, met en scène la séance de psychanalyse, sur le divan d'un spécialiste légérement original dirons-nous pudiquement, du brave Armand Corbacauxbaskets, qui s'est réveillé un jour changé en la, euh, créature dont il porte le nom. Ce qui le met au ban de la société, plutôt d'ailleurs pour ses baskets que pour son allure de corbeau. Sur ce thème cher à Fred du conformisme social, sa verve satirique explose magnifiquement, et garde toujours la forme du de la loufoquerie poétique (l'explosion de la friteuse de Tchernobyl, le chasseur qui s'aventure dans la métropolitain...de grands moments).

  Ce album grandiose a sa propre histoire, celle de Fred lui-même et de son oeuvre. Dans cette transposition poétique qu'est cette psychanalyse farfelue, il est aisé de reconnaitre l'auteur luttant contre la dépression par le moyen de le plus efficace, la passion pour son métier artistique ; volonté toujours d'actualité deux décennies plus tard, quand Fred prépare doucement un seizième album de la série Philémon, vingt-quatre ans après le précédent (titre annoncé : La lococomotive à patte...mais qu'est ce qu'il va encore nous sortir celui-là ?).

  L'Histoire du conteur électrique est la plus sage, mais le terme reste relatif, hein. Le PDG irrascible et orgueilleux d'un empire télévisuel, décomplexé dans son fond de commerce de l'abrutissement des masses (le faux programme télé à l'intérieur de la couverture est hilarant), se voit confonté à une redoutable concurrence : le conteur électrique, un électricien qu'un accident de travail a rendu impotent, cloué à son lit -le burlesque rejoint le tragique comme souvent chez Fred- mais qui diffuse au monde entier les contes de sa seule amie, la Lune. Le passage peut être rude après le feu d'artifice de l'album précédent : le trame est simple, la caricature (de la télé) plus facile. Mais c'est toujours Fred, sa poésie où la loufoquerie côtoie si bien la mélancolie.

  L'Histoire de la Dernière image fait intervenir un personnage légendaire, le Baron Tzigane de l'opéra éponyme de Johan Strauss Fils (le peuple Tzigane, comme symbole réunissant marginalité et culture enracinée de l'Art, fascine Fred depuis, au moins, la série Le Petit cirque, dont il sera question tantôt). Le Zygeuneurbaron, lassé de sa cour imaginaire, s'est reconverti en petit boutiquier dans un village perdu, où l'on n'aime guère les étrangers, surtout quand "il n'y a rien d'autre que de la poussière dans (leur) vitrine". C'est que le Baron fait le commerce de la Dernière image, celle qu'on souhaite emporter dans la mort. Et cela, les villageois s'en fiche éperdument et d'ailleurs n'y comprenne rien (le quiproquo sur la nature de la boutique est un autre grand moment), mais cela dépasse même un peu le brave homme que le Baron entraine dans un voyage hallucinant à travers le monde intérieur qui prend vie sous l'archet de son violon. Cette troisième Histoire prend un virage de plus en plus poussé vers le surréalisme onirique, et comme par hasard son intrigue se fait plus lâche, exigeant de se laisser porter par les images (pis une relecture irréverencieuse du Petit Prince, même brève, ça fait toujours du bien).

  Le virage devient radical avec L'Histoire du Magic Palace Hôtel, duquel il ne faut attendre aucune intrigue suivie, juste les rencontres et aventures étonnantes d'un homme qui erre toute sa vie dans l'établissement du titre, à la recherche de la chambre 37.212.317 qui lui est alloué. Est-ce à dire  que l'album est dépourvu de cohérence ? Non, car c'est la poétique du symbole qui l'assure. Cette quête éternelle au but dérisoire, à laquelle chaque rencontre fait écho à sa manière, a des accents existentialiste voir kafkaïen. Peut-être l'oeuvre la plus profonde de Fred, et également la seule des Histoires à égaler Philémon du point de vue du délire graphique (avec les pastiches de gravures XIXème  inséré dans le dessin).

 

http://www.iconovox.com/blog/wp-content/uploads/2010/03/fred-le-petit-cirque.jpg 

 Maintenant, cap sur mon actualité livresque  avec les histoires courtes.

 Histoire de classer un peu celles-ci, commençons  par trois séries qui ont en commun d'avoir fait les premières armes de Fred dans Hara-Kiri. La découverte de ces oeuvres a contribué, avec les dessin de Roland Topor, à changer la vision préconçue que je pouvais avoir de Hara-Kiri, le journal que les médias réduisent à son slogan ironique "bête et méchant", en oubliant qu'il fut un refuge de l'esprit surréaliste -petit vertige de lettreux en me rendant compte que le mouvement d'André Breton a été dans ses derniers feux contemporain du journal.

  La première série a droit à un album entier : Le Petit cirque, la Bible fredienne sur la figure de l'artiste tzigane (la petite famille de saltimbanque apparait au détour du Magic Palace Hôtel, d'ailleurs). Une série d'histoire de deux pages (format suivi dans lequel l'auteur se coule très bien, lui dont les autres courts sont de tailles bien plus diverses), dessinées dans un lavis noir et blanc (ou plutôt en niveaux de gris) absolument sublime, et qui consituent un joli exercice pour une imagination inépuisable (formule cliché pour celle qui dans Philémon s'astreignait (?) à inventer une chemin différent pour chaqsue voyage vers l'arhcipel des lettres), lequel consiste à décliner  de toute le façon inimaginables l'univers du cirque.    

    Le Manu-Manu occupe la moitié de l'album du même titre ; nouvelle surprise pour moi, persuadé que cet album était un spin-off de Philémon, série où, dans le monde des lettres, cette créature étonnante trouve sa juste place. Ce n'est pas la même chose au niveau dessin, ou l'on reviens au dessin traditionnel  de Fred, aux très gros trait et aux couleurs voyantes (excepté dans les pastiches de vieilles gravures). Peu importe, c'est le desin avec lequel il nous enchante sur des dizaines d'album, et l'on est heureux ici de voir décliner dans tous les sens l'idée fantastique (cette créature semblable à une main géante) que l'on ne peut décemment se contenter devoir dans trois ou quatre albums de Philémon.

   Enfin, Les petits métiers occupe une bonne partie du recueil Le Fond de l'air est frais (l'un des albums qui portent en titre une expression fétiche de l'auteur, et la plus emblématique en l'occurence -titre d'une chanson écrite pour Dutronc d'ailleurs) ; de nouveaux sketchs de deux pages ou, dans un dessin en noir et blanc qui s'approche davantage du dessin d'humour traditionnel, c'est l'occasion de découvrir des métiers méconnus tels remouleur de céleri, marchand de papa à barbe ou tueur de ramasseur d'épingle, sans compter ceux réutilisés, comme plus tard le Manu-Manu, dans l'univers de Philémon : le tailleur d'ombre, le réparateur de miroir...

  Et bien sûr, les autres histoires des albums précedents valent leur pesant de pingouin. Comme vous commençer à me cerner, inutile de conseiller les recueils Ca va, ca vient (autre titre d'expression emblématique), Y a plus de saisons ou même, si vous la trouvez d'occasion, l'auto-édition de Parade. Inutile de tenter un aperçu global de ces histoires, ce serait le même problème que pour la série Philémon, mais vous connaissez déjà mon avis sur leur inventivité.

 Terminons avec le court de chez court, c'est à dire les sketches (je préfére ce terme, dans son sens graphique, à ceux de caricatures ou de dessins d'humour, trés réducteur quand il s'agit de l'univers de Fred) réunis dans Hum ! (dernier titre d'expression-phare)  et dans Le Noir, la couleur et lavis. Les sketchs sont déjà présents dans les albums d'histoires courtes, qu'ils soient isolés ou réunis dans de petites séries comme Les septs pêchés capitaux du marteau-piqueur ou ceux du...Manu-Manu. Ici, la longueur d'un album nous permet d'apprécier plus librement un talent peut-être aussi difficile que de raconter une histoire en cinquante pages : celle de la condenser en une image. Ici ce je n'ose  résumer à des dessins d'humour dégagent une poésie incroyable : pour choisir mes d'exemples d'après le classement par par thèmes des sketchs, dans l'album Le Noir, le couleur et lavis, mon préféré des deux, le cycle de la mer, ou celui du cirque tant aimé de Fred, sont tout simplement sublimes.  

 

  Fred, c'est comme Francis Berthelot , faut pas me lançer là-desus, surtout pas. 

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commentaires

B
MON DIEU tu connais le corbac aux baskets, soit on a fréquenté la même médiathèque municipale soit il est urgent qu'on se marie :D c'est du très bon aussi, et je te remercie de me l'avoir remis en<br /> tête !
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