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17 mars 2014 1 17 /03 /mars /2014 08:16

  Mes derniers billets sur Laurent Genefort datent bien d'un an et demi (hop et hop). Depuis, j'ai bien lu dans la belle intégrale du cycle le premier roman d'Omale, mais j'ai ensuite inexplicablement abandonné ma lecture du cycle selon une manie de versatilité qui caractérise mes lectures, et je projette dés le départ de ne chroniquer ce cycle que lorsque je l'aurais lu en entier. Je le reprendrais probablement depuiss le début, incessamment sous peu, en clôture de l'énorme cycle de lectures genefortiennes que j'ai commençé mardi et qui va déjà me donner matière à chronique, car je me suis enquillé pas moins de sept romans de l'auteurs en six jours.

  En dehors de la trilogie des Chants de Felya, regroupée dans une belle intégrale revue et corrigée par l'auteur chez Critic, ces romans, tous parus orginellmenr chez Fleuve Noir, sont principalement des one shot mais cette expression est relative car ces romans peuvent être considéré comme faisant partie d'un large cycle, ou du moins d'un univers commun dont fait aussi partie le cycle d'Omale, celui des Portes de Vangk, du nom des artefacts légués par une civilisation disparue et mystérieuse et qui permettent à l'humanité de passer instantanément d'un système stellaire à un autre et d'ainsi coloniser la galaxie.

 

  http://ecx.images-amazon.com/images/I/51qvESMCS3L._.jpgLe premier roman, le plus épais, c'est Les Opéras de l'espace, réédition parue le mois dernier d'un roman publié originellement en 1996 chez Fleuve Noir sous la forme d'un dytpique, puis réuni en un tome chez le même éditeur trois ans plus tard. Le titre peut sembler pas franchement original,mais c'est que l'epxression space opera est ici prise en quelque sorte au pied de la lettre : Le héros, Axelkahn, est un chanteur d'opéra qui perd sa voix divine à la suite d'un défaillance des implants vocaux que lui ont greffé les Yuweh, la mystérieuse confrérie de terraformeurs de monde. Brutalement ruiné, Axelkahn ne voit plus qu'une solution : chercher un Yuweh qui se serait enfonçé quelques décennies auparavant au coeur des Bulbes Griffith, gigantesque artefact spatial composé d'immenses globes creux, autre héritage ders Vangk. En commençant son voyage sur le réseau de téléphérique à travers le monde rude des bulbes, Axelkahn se met en tête de constituer une troupe de théâtre.

  Si j'ai dévoré ce roman au point de faire une nuit blanche dessus, il a d'abord fallu que je peine un peu sur la première cinquantaine de page. C'est que le monde de la Rosace où débute l'histoire n'est pas très intéressant, monde de stations spatiales aseptisé, image de la médiocrité bourgeoise qui convient tout à fait au personnage antipathique qu'est Axerlkahn avant de commencer son parcours initiatique, un "divo" capricieux et arrogant à l'excés. L'idée d'un richard qui se rétrouve dépossédé de tout et remet tous ses espoirs dans un voyage dangereux qui n'en a pas vraiment, d'espoir, posséde une grande force. Et c'est bien sûr arrivé aux Bulbes Griffith que les choses sérieuses commencent.

  L'univers des Bubles Griffith est tout en paradoxe : on ne peut pas dire qu'il est chatoyant, il est plutôt gris, marqué par la misére et a violence, et pourtant la luxuriance de détails avec lequel il est peint procure un très étrange dépaysement, d'autant plus facilement que ce roman d'aventure se montre très inventif dans les péripéties, jusqu'à un final éclatant où le le mondes des bulbes se fait moins sinistre, alors qu'auparavant, on a l'impression que seul la troupe de théâtre y met un peu de couleur.

  Trransition facile vers l'autre grand atout du roman, les personnages. Comme dans Omale, premier roman du cycle du même nom,  l'auteur montre un réel don pour les dynamiques de groupe, avec ces individus qui fraternisent mais sans empêcher des tensions de subsister. Le personnage d'Axelkahn correspond tout à fait à cette ambiguité, car il est lent à réformer son caractère et garde des côtés antipathiques, à commencer par les raisons très orgueilleuses et égoïstes qui le poussent à fonder sa troupe...et à la mener au mépris du danger qu'elle court au coeur des Bulbes Griffith.

  Reste que la dynamique de groupe entraîne en même temps la principale faiblesse du roman. Cela tient au choix tout à fait louable de l'auteur d'introduire des personnages de marginaux déclassés, et parmi eux des handicapés mentaux. Le problème étant que l'auteur ne parvient pas vraiment à faire exister ces derniers et les trois handicapés mentaux ont tendance à se faire oublier, quand ils ne sont pas rappelés constamment à l'esprit d'une manière artificielle comme le personnage de Tick. C'est là le principal bémol, bien plus que des défauts stylistiques comme le jargon tehcnologique très présent dans les vieux Fleuve Noir de l'auteur,  que je mettrais à ce roman par ailleurs excellent.

 

 http://ecx.images-amazon.com/images/I/51WhajpzwfL._.jpg Vient ensuite, dans mon ordre de lectuere, l'une des trois réditions genefortiennes aux éditions Critic, Le Sang des immortels. Ce roman originallment paru en 1997 revisite l'une des plus vieille histoire du monde : la quête de l'immortalité. Ici ne narrateur est engagé comme guide par quatre individus aux motivations différentes -un mercenaire envoyé par une multimondiale, un chasseur, un ancien prêtre illuminé et une anthropologue- pour les guider à travers la dangereuse jungle de la planète Vérfébro jusqu'au Drac, créature semi-légendaire dont le sang est censé apporter l'immortalité -bien que pour l'anthropologue, il s'agisse plutôt de prouver la non-existence du Drac.

  Le Sang des immortels est davantage axé sur l'aventure pure que le roman précédent -il est d'ailleurs deux fois plus court- les personnages sont plus archétypaux, ce qui ne l'empêche pas d'être un space opera très intelligent comme tous ceux de l'auteur. L'univers est chatoyant et en même temps consistant, que ce soit dans la faune et la flore et, un peu plus discrètes dans ce roman-ci, les sociétés humaines. Point spécial d'inventivité pour la maréselva, la forêt qui pousse sur la mer et sur laquelle flotte aussi bien des villages tribaux que des montagnes (oui, vous avez bien lu). Les péripéties sont également très inventives avec des héros plein d'astuce. Et ce même si la quatrième de couverture pourrait s'abstenir de comparer l'univers du roman avec celui d'Avatar.

 

 http://ecx.images-amazon.com/images/I/51GpxW3TOKL._.jpg Les Peaux-épaisses, deuxième réédition genefortienne chez Critic, sent un peu plus l'oeuvre de jeunesse (il date originellment de 1992). Il met en scène le jeu du chat det de la souris entre deux mercenaires : Lark, un ancien Peau-épaisse, ces humains génétiquement modifiés pour résister aux conditions de travail dans le vide spatial, a décidé de raccrocher et de rejoindre les siens, et ça tombe bien, car le clan qui l'a vendu à la naissance l'appelle tout de même à la rescousse contre l'ancien élève de Lark, Roko, qui à la tête d'une bande d'autre mercenaires est chargé d'éliminer le clan devenus témoins gênant dans cet univers où les Peaux-épaisses sont considérés comme des animaux et chassés comme tels pour leur peaux qui servent de combinaisons spatiales.

  De tous les romans chroniqués dans ce billet, celui-ci est le plus tourné vers l'action. L'univers est bien moins dépaysant que d'autre du même auteur : pendant une bonne moitié de ce court roman, on voyage à travers la galaxie dans un cadre principalement urbain qui vaut davantage pour la description de sa corruption que pour un véritable exotisme. L'essentiel du dépaysement repose sur la société au centre du roman, celle des Peaux-épaisses, qui réservent de belles pages de cette verve ethnologiquequi caractérise l'auteur, même si elles occupent relativement peu de place dans le récit.

  Le roman est également intéressant pour certains de ses personnages : ainsi celui d'Anson, ethnologue attaché aux pas de Lark, peutr faire croire au premier abord à une énième  variation du sidekick, mais il n'en est rien, il s'agit un de ce personnages de marginaux fragiles que l'on retrouvent dans Les Opéras de l'espace. Les autres personnages sont plus archétypaux, mais entre la bande de pourris de Roko et Lark qui pour être plus sympathique n'en a pas moins un passé trouble, ce sont des gueules, qui ont une présence forte.  

  Le principal bémol réside dans la construction maladroite, l'intrigue est déséquilibrée et décousue. Comme je le disais plus haut, il s'agit manifestement  d'une oeuvre de jeunesse, et sans doute d'un Genefort mineur, mais il vaut mieux un petit Genefort qu'un grand Brian Herbert (oui, je sais, aucun rapport).

 

 http://ecx.images-amazon.com/images/I/51PTGZ0R36L._.jpg Une Porte sur l'éther, le plus récent des livres ici chroniqué, du moins dans leur édition originale (il date de 2000, sachant que je c'est dans une réédition chez J'ai lu que je l'ai découvert), est basé sur une idée étonnante : un des artefacts légués par les Vangk, l'Axis, consiste en un tube de diamant de plus de cent-vingt-mille kilomètres de long joignant les atmosphère de deux planètes, Favor et Dunaskiste, et servant de vecteur au pollen d'une plante précieuse, l'ambrozia. Ses parois sont en outre colonisés par une faune et une flore spéciale mais aussi par des humains, des "primitivistes", ces hommes qui dans l'univers des Portes de Vangk se sont forgée une culture de type primitive -on les retrouve dans Le Sang des immortels- mais ces primitivistes sont menaçés par la guerre que les deux planètes leur livrent en même temps qu'elles s'apprêtent à se la livrer entre elles. Le roman  entrelace deux intrigue : nous suivons d'un côté le diplomate Jarid Moray, personnage récurrent de Genefort semble-t-il, envoyé pour résoudre le conflit, et de l'autre la jeune Hutsuri, d'un clan primitiviste, embarquée dans une enquête sur les attaque de Dunaskiste qui prépare un génocide.

  Le roman est une grande réussite du point de vue de la restitution du monde l'Axis, la verve ethnologique de l'auteur y éclate encore plus que son imagination pour ce qui relève de la faune et la flore. Les peuples ne sont en outre pas présenté de manière manichéenne : les axiens ne sont pas seulement des victimes mais traînent leurs lourdes casseroles dans la guerre qui se prépare et ont autant d'atout en main pour une grande dectruction, avec le vol d'une bombe, que les deux planètes.

 

  http://ecx.images-amazon.com/images/I/513fpPU860L._.jpgOn retrouve la même absence de manichéisme dans la trilogie du Chant de Felya, dernière rééditon de l'auteur chez Critic, parue à l'origine entre 1995 et 1996 mais ici très revue et corrigée par l'auteur selon ses propres dire, même si  je ne sais pas en quoi consistent ces corrections (leur doit-on le fait que ces romans comportent bien moins de jargon technologique que les autres Fleuve Noir chroniqués dans ce billet ?).

  Les personnages de cette trilogie passe leur temps à fuir, que ce soit Lorin et sa compagne Soheil dans les deux premiers roman (Le Labyrinthe de chair et De Chair et de fer), où plus tard leur fille orpehline dont le nom donne son  titre au dernier tome, Lyane. Fuir aussi bien les coutumes cruelles des primitivste de la planète Felya, qui exile Lorin et persécute Soheil dans le premier roman, et trahiront encore Lyane  dans le dernier, que la FelExport, multimondiale qui écrase la planète de sa domination coloniale. Pas de manichéisme donc, même si les ravages de la "civilisation" sont les plus profonds.

  Ces romans sont très courts -la trilogie pèse un petit 500 pages toute mouillée- mais aussi très denses, que ce soit dans l'aventure ou la description fascinante d'un autre monde. Les cultures primitivistes dsont peut-être le mieux rendues de tous les romans chroniqués dans ce billet, leurs mythes le plus approfondi.

  Par contre, la quatrième de couverture survend un peu la triologie en nous laissant entendre qu'il s'agit du récit d'une révolte primitiviste menée  par Lorin et Soheil. A se demander si après la quatrième du Sang des immortels, les éditions Critic n'ont pas voulu encore une fois surfer sur le succès d'Avatar, auquel ce pitch fait fortement penser...En fait, la révolte, le fait d'ouvriers et non de primitivistes, gronde en sourdine le long du troisième roman et n'éclatera jamais sous nons yeux, relatée de manière très indirecte et restant en suspens à la fin de la triologie qui n'est du tout centrée sur elle. Lorin et Soheil n'en sont pas les déclencheurs, pas plus que leur fille Lyane, et c'est justement l'un des points les plus subtils de la trilogie : des leaders, cette révolte semble n'en avoir tout simplement pas besoins. Et qiuand je dis que la quatrième de couverture survend la triologie, c'est tout relatif : cette dernière se passe très bien d'un récit de révolte épique, les destins et aventures de quelques individus suffisent largement à la rendre passionante, malgré quelques défauts comme la fin du deuxième roman qui comporte trop d'invraissemblances.

 

  Déidément que du bon dans cette grosse fournée de Genefort, malgré quelques défauts mineurs. Allez, je me replonge dans Omale.    

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13 décembre 2013 5 13 /12 /décembre /2013 21:35

  Hop, histoire de savoir de quoi qu'on va causer ici, je vous envoie tout de suite au premier billet consacré en mars dernier à cet auteur du XIXième siècle, précurseur méconnu, en France tout du moins, de la fantasy. Je ne saurais trop vous conseiller de lire cet article dont celui-ci sera la suite directe, ce qui me semble d'autant plus justifié que je vais commencer par reparler du cycle du Puit au Bout du Monde dont le premier tome clôturait le premier article et dont le deuxième, paru en octobre dernier, ouvrira en toute logique le second.

 

 http://www.auxforgesdevulcain.fr/wp-content/uploads/2013/09/MORRIS_LEPUITS2_COUVERTURE_bandeau-280x430.jpg Donc, après Le Puit au Bout du Monde : la Route vers l'Amour, voici, en attendant la trad' des deux derniers tomes de cette tétralogie, La Route des Danger. Un tome un peu plus volumineux que le précédent, mais qui m'a semblé néanmoins un tout petit peu moins dense et intéressant. J'avais dit du premier tome  que l'auteur se plaisait énormément à brouiller les cartes entre gentils et méchants. Cette ambiguité ne trouve plus guère se place dans le second tome, et surtout est levée celle qui entourait la Dame dont est éperdument amoureux le héros, dont on ne savait trop si elle était sainte ou sorcière, et qui sans qu'on puisse la rentrer dans une des deux cases est en tout cas un personnage exemplaire. Et puis elle tombe, et très vite, dans les bras de notre héros Rodolphe, ce qui dissipe la sensualité particulière qui découle de la passion déséspérée de Rodolphe à la fin du tome précédent, et a l'effet inopportun mais prévisible d'offrir quelques pages passablement mièvres, les premières pages ou le style très "roman de chevalerie" de l'auteur préraphaélite m'a agaçé. En revanche, cela ne veut pas dire que Morris renonce à nous déstabiliser : en  effet, la passion dévorante des amants connaitra une fin tragique a même pas un tiers de ce (relativement) court roman, alors que ceux-ci n'ont presque rien vécu ensemble (cette partie du roman est surtout occupée par le récit autobiographique de la Dame) et Rodolphe a à peine le temps de faire son deuil qu'il se retrouve sur les traces d'une autre femme kidnappée et que même la volonté  invisible de sa belle disparue  semble lui désigner comme sa nouvelle promise...voilà un schéma initiatique qui mérite peut-être bien davantage cet adjectif que les myriades de romans fantasy qui s'en réclament ! 

  Globalement, même si ce roman fait son grand âge, et m'a semblé moins bien vieillir que le précédent sans que je puisse dire si ce n'est qu'un effet de ma propre réceptivité au moment de la lecture, et si, avec les même réserve, j'ai davantage lambiné sur sa lecture, cette dernière reste très plaisante, dotée du même charme, avec des pays imaginaires très vivants, et un style archaïsant toujours à tomber et remarquablement bien traduit. Et hors ses qualités propres, il est intéressant d'y voir une source dans l'Histoire de la fantasy -et pourtant je n'ai guère la sensibilité d'un historien des littératures de genre, je n'ose imaginer le plaisir pour celui dont c'est le cas. Ainsi, le monde imaginaire du cycle, avec ses contrées paisibles et heureuses, dont une province perdue ou débute l'histoire, voisinnant avec des contrées à la grandeur dévastée et d'autres qui ont toujours été barbares, a quand même un furieux air de Terre du Milieu, et comme on sait, sans grande surprise, que Morris a beaucoup influencé Tolkien...

 

 http://www.auxforgesdevulcain.fr/wp-content/uploads/2013/03/un-reve-de-john-couv.jpg Maintenant, passons au plant de résistance avec le tout dernier livre de Morris que j'ai lu, le dernier publié (mais l'un des premiers dans l'ordre chronologique, vous suivez ?) par les remarquables éditions Aux Forges de Vulcain.

  Il s'agit de Un Rêve de John Ball, un Morris atypique a plus d'un titre, d'abord parce qu'il ne s'agit pas de fantasy atemporelle, mais de ce qu'on pourrait appeler faute de mieux du fantastique historique, et ensuite parce que cette novella témoigne d'un aspect de l'écrivain qu'il me tardait de découvrir et qui parait décalée par rapport aux oeuvres précédentes : son activisme socialiste.

  Lors d'un des rêves très visionnaires qui peuplent ces nuits, le narrateur, conférencier socialiste, s'incarnent dans un personnage de ménestrel qui, en plein XIVième siècle,  assiste à un événement de l'Histoire anglaise  que la France connait peu mais que connait toute l'Angleterre contemporaine de Morris : la révolte populaire menée par Wat Tyler et surtout  le prêtre John Ball, au slogan très visionnaire (par ailleurs mis en image dans une gravure de Burne-Jones  en fronsitpice de la nouvelle, reproduite dans cette édition)  "Quand Adam bêchait la terre et Eve filait, où était le gentilhomme ?". Oui, Morris interpréte bien sûr cet épisode dans une optique socialiste, nous pourrions dire aujourd'hui communiste, la novella étant originellement parue en épisodes dans une revue destinée à faire l'éducation politique de la classe ouvrière.

  Disons-le tout net : j'ai eu du mal à achever ce texte. Ma cale sèche est d'autant plus flagrante que ce mini-roman fait 100 pages tout mouillé  et qu'en comparaison j'ai dévoré en un rien de temps les presque 500 du Lac aux îles enchantées, qui était pourtant bien moins intéressant sur le fond, mais montrait un bien meilleur sens du récit. Dans mon article précédent, j'avais un peu polémiqué  envers la chronique du Pays Creux (mon premier Morris et sans doute encore mon préféré, quand bien même il ne pèse que 50 pages) par le citoyen Nébal : je n'étais notamment pas d'accord avec le qualificatif de "décousu", et le fil rouge, même éngimatique pour ne pas dire cryptique, de la nouvelle m'a paru plus évidente après relecture, quelques mois après avoir rédigé ma chronique. Et ce terme de "décousu" semble presque moins justifié après lecture d'Un Rêve de John Ball, parce que s'il ya bien UN livre de Morris qui mérite d'être qualifié ainsi, c'est bien ce dernier. Sur 100 pages, donc, nous avons d'abord de pénibles et surfaites descriptions de la campagnes anglaises qui annoncent la descriptivite aigue très présente dans la nouvelle (laquelle est d'autant plus regrettable que Morris sait décrire un monde purement imaginaire par touches relativement discrètes et n'a pas forcément la descriptivite aigue de, je lance bien sûr le nom au hasard, Tokien), puis des passages qui relancent notre intérêt : le premier discours de John Ball, magnifique, une scène de bataille épique tel que je n'en ai pas lu chez l'auteur depuis, justement, Le Pays Creux, un début de discussion philososhique un tout petit peu oiseux avec John Ball, entrecoupée  de descriptions de l'Eglise ou elle se passe, et enfin, dans la suite directe de cette discussion, le passage le plus passionnant, le noeud de la nouvelle, le dialogue ou le ménestrel fait profiter John Ball de son savoir de l'avenir (puisqu'il est en partie le narrateur venu en rêve du XIXième siècle, mais aussi un homme de son époque dont les paroles et les actes échappe à ce dernier...étrange ambiguité), et lui décrit l'oppression future dans des termes accessibles à un homme du Moyen-Âge mais une analyse clairement marxiste. Un passage didactique rendu d'autant plus fascinant par son contexte prophétique qui, à travers l'incompréhension et l'incrédulité de John Ball, fait ressortir l'absurdité et la noirceur du destin des prolétaires au XIXième siècle, et fait encore réflechir à l'heure actuelle. A noter que la noirceur de l'exposé ne prive pas le ménestrel d'une foi en l'avenir : le réveil cruel du narrateur ne fait d'ailleurs que sentir davantage la proximité onirique entre passé et avenir idéal, et par là donne une image frappante de la notion encore très forte au temps de Morris du Sens de l'Histoire.

  Un Rêve de John Ball est peut-être le texte le plus bancal parmi ceux qui ont été jusqu'ici traduits de Morris par les Forges de Vulcain, et pourtant il est peut-être aussi le plus intéressant. Un texte paradoxal et qui mérite finalement le détour, donc.  

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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 23:22

http://images.gibertjoseph.com/media/catalog/product/cache/1/image/9df78eab33525d08d6e5fb8d27136e95/i/757/9782846700757_1_75.jpg 

A force de cibler de plus en plus mes lectures en vue d'achat et de délaisser la gratuité des bibliothèques, je commencais à oublier les joies de trouver une merveille que l'on ne cherchait pas. En l'occurrence, c'est dans la partie bibliothèque d'une bouquinerie à tendance anarcho-libertaire (circonstance qui a un peu influencé ma réception de l'ouvrage et accentué la surprise qu'il me réservait), que j'ai fait la connaissance tout à fait inattendue de l'auteur malien Ismaïla Samba Traoré et de son roman Les Amants de l'esclaverie, paru en 2004 aux éditions françaises Le Cavalier Bleu (l'auteur écrivant, m'apprend Wikipédouille, en français et en bambara). La 4ème de couverture présente le roman comme le récit de la révolte contre l'esclavage sahélien d'un couple de jeune gens "unis par l'amour et le désir de vengeance". J'avais parcouru cette 4ème de couv' avec une certaine inattention envers des détails qui aurait du me mettre la puce à l'oreille, sans doute influencé par le contexte de la trouvaille qui encourageait ma jeune et timide âme de gauchiste à me laisser bercer par des phrases roboratives comme "...et leur parole sera la sagesse qui mènera les insoumis vers un monde plus juste". En bref, je m'attendais à un roman historique, et pas à ce que ce roman s'adresse à une âme bien plus profondément et anciennement enraciné en moi, celle du sci fiste et plus largement de l'amateur de récits imaginaires, car, même "perdu" dans une collection de litté blanche, Les Amants de l'esclaverie n'est rien de moins qu'une fantasy mythique venue d'outre-méditerrannée.

 

  Les légendes africaines sont bien connues de Traoré, puisqu'il a fait des traditions orales d'Afrique de l'Ouest l'objet de ses travaux universitaires, avec les mouvements migratoires et, histoire de retomber sur le roman, l'esclavage dans les sociétés sahéliennes. Ce roman-ci a l'air d'adapter des traditions existantes, ce que semble confirmer, outre le fort ancrage dans la géographie et la culture malienne, le procédé de citer des fragments d'épopées en vers qui remplacent carrément des morceaux du récits -et donne au passage une sacrée gueule au roman-  à vrai dire je n'en sais fichtrement rien, d'abord de ma relative méconnaissance du continent africain qui me pousse à la prudence, ensuite parce que la 4ème de couv', toujours elle, dit que le roman est "construit à la manière des chronique traditionnelles d'Afrique de l'Ouest" (bien sûr, elle aussi est à prendre avec prudence). Aurait-on, au-delà d'une fantasy mythique, une fantasy à l'occidentale créant des mythes inédits ? Ce serait fabuleux, mais ce n'est pas à moi de le confirmer.

  Au titre des autres mystères que soulèvent ce roman, et qu'un africaniste comme Traoré pourrait éventuellement résoudre, j'ignore si l'épopée racontée dans ce roman repose sur des faits historiques ou une pure fable mythique (dans le premier cas, des signes comme l'introduction timide et discrète d'armes à feu dans un Mali encore indépendant -avant l'invasion marocaine- fait songer au XVIème siècle, dans le second il ne permettent d'attribuer une époque précise au récit). Pour tout dire, j'ignore même si le pays de Kolonso où se déroule l'essentiel de l'intrigue existe !

  Une fois passée cette difficulté d'appréhender le roman de par la barrière culturelle, sa fantasy mythique et historique se deploie das toute sa splendeur : le couple de meneur de la Révolte, surtout le jeune homme Koké qui est le véritable héros (sa compagne Ryétou aura un rôle effectif mais tardif, j'ai crains un moment qu'elle soit la sage et patiente promise du héros) sont clairement prédestinés, il y a des prophéties, des réincarnations, des prodiges bénéfiques et maléfiques qui prennent des formes originales et surprenantes, des héros téméraires visiblement aidés par le destin sans que cela n'empêche de douloureux martyrs.

  J'incite fortement tous les amateurs un tant soit peu éclairé de fantasy qui se perdrait sur ce blog de jeter un oeil à ce roman africain : une fantasy qui non seulement ne se passe pas en Europe mais ne vient pas d'Europe, puise des images neuves dans un folklore dont nous ne sommes pas coutumier, et surtout, histoire de clouer le bec à certains puristes sci fistes, une fantasy en aucun cas réactionnaire, puisque l'engagement contre l'esclavage, mal dont le fantôme hante encore le Sahel moderne, est clairement affirmé dés la préface de l'auteur.

  Reste quelques aspects qui pourraient dérouter le lecteur et m'a moi-même inspiré quelques réserves du point de vue de la trame romanesque : un certain refus du spectaculaire amenant a beaucoup suggérer (là, je reconnais que j'attendais peut-être du roman des choses qui n'avait pas y être), ou plus gênant un rythme qui s'emballe dans les derniers chapitres (quelques chapitres supplémentaires n'auraient pas gêné  dans un roman qui compte à grand peine 180 pages), et rend au passage plus transparente l'apparition tardive de Ryétou et plus abrupte la fin. Mais ce sont presque des défaut mineurs comparé au plaisir de découvrir un imaginaire d'un autre continent.  

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13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 18:03

 

J'avais entendu parler de l'écrivain anglais William Morris par un article de cette mine d'or qu'est le site Noosfere, découvrant ainsi avec étonnement que la fantasy comptait l'un de ses pères fondateurs en plein XIXième siècle, alors que je l'imaginais confusément plus tardive (mais quand même antérieure à Tolkien, faut pas déconner). Cependant, j'avais depuis longtemps fait mon deuil de voir certains de ses ouvrages traduits en français, jusqu'à ce ce que la chronique du Pays Creux par le citoyen Nébal, ainsi que les commentaires de ladite chronique, m'informe que cette injustice est réparée depuis l'année dernière pour quatre de ses ouvrages par la grâce des éditions Aux Forges de Vulcain. Délaissant pour le moment du moins Un Rêve de John Ball, roman historique où l'auteur exprime ses convictions d'activites socialistes (et il y a encore de nos jours des adorateurs bornés de la SF pure et dure pour accuser la fantasy même, et donc ses auteurs jusqu'aux plus récents récents, d'être réac), je décidai de me concentrer sur les trois ouvrages fantasy : Le Pays Creux, évoqué plus haut, Le Lac aux Îles enchantées et le premier des quatre tome du cycle Le Puit au Bout du Monde, intitulé La Route vers l'Amour.

 

  http://www.delitteris.com/wp-uploads/www.delitteris.com/uploads/2012/07/le-pays-creux-william-morris.gifPour parler d'abord de manière transversale de ces trois oeuvres, commençons par une inspiration commune qui les sous-tend et touche à l'une des nombreuses autres activités de Morris (qu'il serait fastidieux d'énumérer, les 4ièmes de couverture le feront mieux que moi) : peintre préraphaelite (eh, défense de regarder l'avatar de ce blog). En  effet, tout l'univers de ces trois romans, surtout les deux derniers, rappelle l'atmopshère du mouvement en puisant son inspiration dans le roman de chevalerie, le conte de fée, avec quelques images plus païennes de temps à autre. On notera, surtout dans les deux derniers encore, l'insistance portée sur les descriptions de la beauté féminine comme masculine, qui me parait bien relever d'une sensibilité de peintre (pour un peu, on croirait contempler du Waterhouse) 

  Et ensuite, il y a le style. D'aucun le trouveront empesé, mais force est d'admettre que ce pastiche de langage archaïque, car c'est bien de cela qu'il s'agit, est tout à fait délicieux et transcende le récit par sa beauté à la fois élégante et, pour nos oreilles modernes, rugueuse. Les traductions sont à ce sens admirables, étrangement harmonisées pour les oeuvres de trois traducteurs différents, et n'oubliant même pas de traduire en français, archaïques s'il en est besoin, les toponymes du récit, restituant ainsi à merveille leur univers de fable chevaleresque.  

 

  Le Pays Creux est le plus atypiques des trois romans, d'abord par sa taille : à peine une cinquantaine de pages, mais plutôt denses il faut le dire. Son ambiance est différente également, plus barbare, moins courtoise que dans les romans plus tardifs (années 1890 contre 1856 pour celui-ci) que je chroniquerai ensuite, et d'ailleurs davantage inspirée du Haut Moyen-Âge, même si on reste dans le monde atopique et atemporel des contes (en lequel je ne vois guère l'opportunité de chercher, à l'instar du citoyen Nébal, le Moyen-Âge anglais).

  La nouvelle, ou le roman, appellez ça comme il vous plaira, débute comme une histoire de vengeance, celle du narrateur Florian de Liliis et de son frère Arnald, contre l'usurpatrice Swanhilda qui a humilié le second quand elle était encore la fiancée propre sur elle du roi qu'elle devait assassiner par la suite. Point besoin de longues péripéties : les deux frères aidés de leur armée tuent sauvagement la bougresse, ce qui leur améne la vengeance de son frère, Harald le Rouge. Alors que l'armée des deux frères est acculé dans un lieu montagnard désolé et qu'on prétend ensorcelé, et que le jeune Florian est sur le point de périr par la main de Harald, le voilà qui tombe -littéralement, de manière étrange- dans un lieu enchanteur appelé le Pays Creux, où il rencontre la femme qui lui est destinée, Margaret.

  Dés lors, le récit prend un tour déroutant. Je me garderais de le juger, comme Nébal, décousu et dénotant une oeuvre de jeunesse pas tout à fait aboutie, d'abord car la brieveté des passages concernés ne se prête guère à mon sens au qualificatif de "décousu", ensuite car si tout est nébuleux et offert à la libre interprétation du lecteur, il ne s'agit pas pour autant d'une quelconque masturbation artistique et de nombreuses pistes sont laissées, ouvrant la voix à une interprétation métaphysique que le mystère rend rien moins que pesante et me laissant penser qu'aucun passage n'est laissé au hasard, ni la rêverie pré-surréaliste, jamais désignée comme un rêve  bien qu'elle en ait tous les atours, qui entrecoupe l'aventure du Pays Creux en son milieu, ni la fin abrupte qui pourrait faire croire à un texte inachevé et sert plutôt selon moi à laisser bel et bien, cette fois, vagabonder l'imagination du lecteur.

  Le mystère est bien la principale qualité de ce voyage onirique dans le Pays Creux. De ce dernier, "second plus beau lieu créé par Dieu, car le Paradis est aussi Son oeuvre", comme le dit joliment Margaret, nous ne saurons que bien peu de chose, il ne sera décris que par petites touches impressionnistes, et si nous savons, dés le début du roman narré par le vieux Florian de Liliis, que celui-ci est destiné à le perdre, nous ne saurons jamais comment. Ce mystère précis a su, il faut le dire, jouer sur ma corde sensible de façon subjective, en me rappelant dans un tout autre registre la BD Le Grand Autre de Ludovic Debeurme  (dont j'avais parlé ici), avec le raccord que la fin laissait à l'imagination du lecteur entre le départ vers l'inconnu sur un navire merveilleux, également sous le signe de l'amour, et les aperçus tristounets de l'âge adulte du héros. Il est donc possible qu'une part de subjectivité ait joué dans la claque que m'a assené ce très court texte, mais il n'en demeure pas moins objectivement une petite merveille, d'une puissance inversement proportionnelle à sa taille (ne pas faire de pique sur la fantasy moderne, ne pas...).

 

 http://www.auxforgesdevulcain.fr/wp-content/uploads/2013/03/arton133-7d150.jpg Le Lac aux Îles enchantées, paru bien plus tard (1897, de manière posthume je crois) est bien plus long que le précédent -près de cinq cent pages- mais reste très dense. Il s'agit de l'histoire  d'une jeune fille enlevée toute petite et reduite en servitude par une sorcière vivant au bord d'un lac derrière une forêt que nul n'ose franchir. Petite-Grive, c'est son nom, devient une ravissante jeune femme, dont la beauté est propre à subjuguer tout ceux qui la voit, ce dont elle se rendra compte lorsque sa seule amie durant sa capitivité et sa protectrice, la fée Habonde, l'aidera à s'évader sur un navire de la sorcière, un navire enchanté qu'il faut abreuver de son sang. Partie sur le lac où elle manque de passer de Charybde en Scylla en devenant captive de la tyrannique soeur de la sorcière, elle est délivrée par les trois captives de celle-ci, Aurée, Viridie et Atère, et se fait les messagère de ces trois jeunes femmes auprès de leurs amants respectifs.

  Comme je l'ai dit, le roman est dense, rempli de péripéties que l'on ne trouve pas toujours dans des cycles actuels dix fois plus gros. Cependant, après la rudesse du Pays Creux, il m'a donné l'impression, pas désagréable pour deux sous, de retomber en enfance. C'est sans doute excessif, mais le roman est somme toute le plus poli des trois, la violence en est très éculcorée, on n'y parle et ne s'y comporte que fort courtoisement, les gentils et les méchants sont clairement identifiés. Cela n'en rend pas pour autant le roman niais, car il s'agit d'un très beau récit d'apprentissage et d'un très beau roman sur l'amitié, l'amour qui met parfois la première à rude épreuve, et l'aventure. Le tout est saupoudré d'un merveilleux très poétique et où, malgré le caractère bien moins nébuleux et plus explicatif du roman, le mystère qui caractérisait le Pays Creux est  toujours niché : en  effet, les prodiges que les navigateurs du Lac enchanté voit sur les quatre îles auquel le bateau de la sorcière les mène immanquablement sans qu'on sache dans quel but, et qui subiront des métamorphoses alors qu'approche la fin des aventures, tout cela ne sera jamais expliqué, au grand dam de votre serviteur qui pensait reconnaitre là un classique cheminement initiatique de conte où les visions sont suivies de révélations (du coup, ça m'a rappelé un récit mythologique irlandais auquel je serais prêt à parier que Morris pensait: la Navigation de Maelduin, où l'équipage du héros navigue également d'îles en îles merveilleuses sans pouvoir contrôler sa navigation et sans qu'aucune merveille ne soit expliquée malgré l'allure (faussement ?) allégorique de certaines).

 

 http://www.auxforgesdevulcain.fr/wp-content/uploads/2013/03/arton131-5faa8.jpg Le Puit au bout du Monde : la Route vers l'amour, paru presque au même moment (1896) est plus court -moins de deux cent pages- mais n'est comme je l'ai dit que le premier tome d'une série de quatre, ce qui me rend inquiet quand à la possibilité pour les petites éditions Aux Forges de Vuclain de les sortir tous  avant d'être -Dieu les en garde - écrasé par la jungle impitoyable de l'édition, et d'autant plus inquiet que la fin est plus ou moins un cliffhanger.

  Comme Le Lac aux Îles enchantées, il s'agit d'un récit d'apprentissage, celui d'un très jeune fils de roitelet, Rodolphe, qui désobeit à son père en quittant  le royaume trop étroit pour lui pour partir à l'aventure. Il entend parler d'un mystérieux "Puit au Bout du Monde" aux vertus miraculeuses (bien que mystérieuses, encore) et se met en quête de le chercher. Cette quête à un goût d'absolu, car le jeune homme refuse de lier son destin à quelques compagnie que ce soit et poursuit son but lointain...bien qu'une chose puisse le détourner de sa route : sa passion naissante mais déjà dévorante pour une magnifique magicienne dont on ne sait précisement si elle est sainte ou sorcière.

  Transition facile : si le roman développe le même univers chevaleresque et courtois que Le Lac aux Îles enchantées, il est bien moins manichéen, bien au contraire, la façon dont l'auteur brouille les pistes entre qui représente le bien et le mal et complique l'intrigue par le jeu des faux semblants tient presque du génie.

 

  Je conclus ma chronique en paraphrasant celle de Nébal : si on peut éventuellement trouver un aspect un peu désuet à cette fantasy d'avant la fantasy (jusque là, c'est moi qui parle, bien que ce ne soit pas ce que je pense personnellement des romans) les romans de Morris ne sont pas des livres "d'interêt historique" mais bien des romans toujours agréables et intéressants pour un lecteur d'aujourd'hui.

 

  Crédit images : les deux dernières couvertures, dont les commentaitres peuvent vous sembler étranges, surtout pour Le Lac...sont cependant extraites du site de la maison d'édition.                                             

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23 février 2013 6 23 /02 /février /2013 14:31

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/61pDU3orBsL._SX385_.jpg

Je l'avais dis en commentaire forumesque du lien de ma chronique sur Le Dit de Sargas de Régis Antoine Jaulin, l'année 2013 commence très fort pour la fantasy. Cela se confirme avec un autre roman français paru au même moment (mais que, ayant la lecture lente en ce moment, je n'ai fini qu'il y a une semaine), le deuxième roman d'Estelle Faye, Porcelaine-Légende du Tigre et de la Tisseuse. 

 

  Porcelaine est une fantasy historique se déroulant en Chine (première originalité rafraichissante, même si l'Orient inspire finalement beaucoup les auteurs fantasy, au milieu de la dictature du Moyen-Âge européen) sur une très longue période, puisque l'intrigue démarre au IIIème siècle, époque des Trois Royaume, avant de sauter par une splendide ellipse au XVIIIème siècle. L'occasion pour l'auteur de nous faire partager sa passion pour cette civilisation qui la hante depuis l'enfance, de façon très communicative grâce une documentation solide mais discrète qui nous fait littéralement vivre ces temps anciens (moi qui ignorait totalement qu'il subsistait un quartier mongol dans la Pekin du XVIIlème siècle, ce fut l'une de mes plus grande source d'étonnement à la lecture) mais aussi de parler d'une autre passion dont elle a fait l'objet de ses études : le théâtre. 

  Sur quinze siècle, nous suivons donc les pérégrinations de  Xiao Chen, fils de potier changé en homme-tigre pour avoir profané un sommet montagneux sacré du Hengsan, et que son père doit vendre au premier passant venu : ce sera une troupe de théâtre singulière, menée par une vieille comédienne elle aussi persecutée par des forces magiques. Sur cette étrange troupe, trois membres échapperont au destin des mortels : Xiao Chien lui-même grâce à un coeur de porcelaine façonné par son père, son meilleur ami le contorsionniste Pied-de-Cendre grâce aux secrets millénaires arraché à un sage des montagnes, et la fée Brume-de-Rivière qui est déjà immortelle et à qui Xiao Chen promet son amour...mais après quinze siècles de séparation, il a littéralement oublié son amante  et s'est remarié avec la tisseuse Li Mei, provocant la jalousie de Brume-de-Rivière.

 

  Je ne sais si cela est voulu par l'auteur, mais le ton du roman m'a fait fortement penser à mon auteur fantasy fétiche, avec lequel j'ai d'ailleurs inauguré ce blog, Thomas Burnett Swann : même goût du merveilleux poétique aux images étonnantes, même romances teintées de cruauté, même sentiment de nostalgie à l'égard des âges d'or perdu et de la magie qui déserte le monde...ce dernier thème de la nostalgie est pour ainsi dire le coeur du roman, à travers le destin de ces immortels qui ne se sentent plus à leur place après quinze siècles. Pied-de-Cendres est le personnage qui transmet le mieux ce sentiment douloureux, lui, qui contrairement à son ami Xiao Chen qu'il jalouse malgré lui, connait les affres de la vieillesse.

  Cependant, pour assumer ma comparaison jusqu'au bout, le ton est quand même très différent de l'auteur américain: il n'en a pas la vraie/fausse naïveté, il est d'ailleurs plutôt noir -quand bien même la fin ne l'est pas, encore que- quand Swann ne cultivait que la mélancolie, et son écriture est très différente : l'auteur est scénariste pour le cinéma, et cela se ressent dans le roman où l'aspect parfois contemplatif, toujours servie par une plume élégante sans jamais être empesée, n'empêche pas un certain page turner digne des meilleurs romans d'aventure -le crescendo menant à l'affrontement final dans une réplique onirique de Venise, où la magie se pare bien entendu des couleurs du théâtre, est à ce sens un véritable morceau de bravoure.

  Détail intéressant qui vient renfoncer l'ambiance fantasmagorique du roman : si les grandes figures de la mythologie chinoise sont abondamment invoquées, des épopées les plus mythique au fameux roman Au Bord de l'eau dont Pied-de-cendres a connu les bandits, en revanche, un flou chronologique plane sur les époques auxquelle se place l'intrigue, aucun nom de personnage historique, fut-ce l'empereur, n'est évoqué, ce qui rend un statut mythique à une fantasy historique.  

  J'émettrais un petit bémol : l'intrigue n'est pas exempte d'incohérences. J'en ai relevé deux, dont l'une est bénigne (la durée de l'errance des deux comédiens est toujours ramené à douze siècles alors qu'il s'en est bien écoulé quinze), tandis que l'autre, au noeud de l'intrigue dans la troisième et dernière partie, est carrément gênante pour la crédibilité du récit, à tel point que je me suis demandé un moment s je n'avait pas raté quelque chose, mais il semblerat que ce ne soit pas le cas (je n'insulterais pas l'intelligence des lecteurs de ce blog par un quelconque spoiler) ; si ce genre d'incohérence peut plomber des navets hollywoodien ou des nanars, le roman a heureusement  tant d'autres qualités qui permettent d'aisément passer l'éponge.

  Un roman pas vraiment parfait, donc, mais qui dégage un charme puissant et entraîne l'imagination plus loin que bien des productions de fantasy actuelle.

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6 janvier 2013 7 06 /01 /janvier /2013 18:25

 http://www.mnemos.com/JOOMLA2/images/couvertures/C1-dit-de-Sargas.gifIl y a certains livres qui semblent dés le départ fait pour vous.

 

  Pour ce qui est du Dit de Sargas-Mythes et légendes des Mille Plateaux, premier roman de Régis Antoine Jaulin paru hier chez Mnémos, les lecteurs réguliers de ce blog ne s'étonneront pas que je me sois rué dessus. Un livre racontant l'épopée de création d'une mythologie imaginaire, quand on tiens une section mythologie déjà bien fournie, ben voilà quoi. J'avais aussi quelques mauvaises raisons de lire ce livre, comme le fait qu'il soit comparé, pour la démarche, au Silmarilion de Tolkien, et qu'écrire une épopée de création dans l'esprit de ces deux livres est un de mes rêves de gosse. Bref.

  Vous voilà prévenu, ma critique risque de ne pas être tout à fait objective. Mais je vais faire de mon mieux.

 

  Que la référence au Silmarilion en 4ème de couverture n'effraie pas les grands traumatisés de Tolkien : l'épopée mythologique de Jaulin a ceci de rafrachissant qu'elle est bien plus courte et simple que celle du maître anglais. Mais cela ne veut pas dire qu'elle a moins de souffle, bien au contraire. Autre détail rafraichissant : à l'heure où l'on geint de la prolifération des sempiternels et peu inspirés univers médievaux en fantasy, Jaulin choisi de s'inspirer de l'Orient et pour l'essentiel de l'Inde.

  Une fois passé ces détails alléchant et le livre ouvert, l'ambition saute aux yeux à travers le style : avant de rentrer dans le récit, le début est quelque peu râpeux à la lecture, car bien entendu l'auteur a choisi de pasticher le texte ancien d'une épopée. Si j'avais envie de faire mon chieur-qui-a-lu-trop-de-vrais-textes-mythologiques, je dirais que le style archaïsant de Jaulin est un peu mécanique et aseptisé, et un peu passe-partout, bien loin des figures de style radicalement exotiques qui distinguent si bien entre elle les différentes diverses traditions épiques du monde. Mais ce serait vraiment faire mon chieur, car après tout, non seulement le fond respire plus aisément le souffle des épopées anciennes, mais de plus l'interêt du roman n'est pas seulement dans l'archaïsme, mais bien dans le mélange de celui-ci avec une grande modernité.

  D'abord, le récit archaïsant n'est pas figé et empesé, car il s'agit d'une dialogue vivant, très bien mis en scène et doté d'une certaine tension dramatique, entre le héros Baten-Kaïtos et le monstre Sargas, qui lui conte les premiers temps oublié du monde pour le persuader de ne pas le tuer. Le cadre de cet entretien est en passant très original, puisque le monde où il se tient est en quelque sorte post-apocalyptique : le soleil ne brille plus, les animaux -jamais nommés ainsi mais Tyriak- n'existent plus que comme fantômes mangeurs d'âmes, la terre s'est déchiquettée pour former les fameux Mille Plateaux  

  Ensuite, la mythologie décrite et son souffle tragique font sens d'une façon tout à fait moderne. C'est l'histoire d'un monde idyllique qui vire au cauchemar le plus noir. Les ennemis sont ceux de notre époque : la guerre (qui n'a pas lieu entre humains mais entre eux les autres races, ce qui ne change rien à son horreur) le racisme, et la destruction de la nature. Point de manichéisme dans cette décadence, pas de tentateurs comme Satan ou Melkor, de pêcheurs comme Adam où l'Elfe Feänor :  en fait, on serait bien en peine de savoir pourquoi  le monde sombre dans le chaos, si ce n'est  par un engrenage  absurde comme..comme...comme dans notre monde tiens. Et l'engrenage n'épargne rien, il n'y de sûr ni divinité ni au-delà, un Dieu qui vous apporte la vie heureuse ou le salut peut aussi bien devenir un Adâtmah, un mangeur d'âme. On le voit, on est très loin des délires new ageux un peu puant de certaines autres oeuvres de fantasy, et Jaulin sait allier la grandeur des anciens mythes avec nos préoccupations sceptiques modernes.

 

  Impossible de conclure cette chronique sans toucher au moins un mot des illustrations de Lionel Richerand. je suis un piétre critique d'art pictural, mais la splendeur onirique et parfois cru de ces illustrations en noir et blanc forme un complément merveilleux au récit. Vous en avez déjà un exemple avec la couverture du livre.

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5 septembre 2012 3 05 /09 /septembre /2012 21:03

...le cycle se poursuit avec cette fois-ci la chronique d'un seul un unique roman (bien que l'appellation roman semble peu convenir), Alien, mode d'emploi.

 

http://media.biblys.fr/book/17/33317.jpg 

Alien, monde d'emploi est une espèce de spin off de Point Chaud, chroniqué dans le précédent billet genefortien, paru simultanément  aux même éditions du Bélial, développant le même univers issu, j'ai oublié de le préciser dans la chronique précédente, de la nouvelle Rempart parue dans Bifrost.

  Comme son titre le suggére, il s'agit davantage d'un guide fantaisiste que d'un roman. Un guide sous-titré "Manuel de survie en situation de contact extra-terrestre", sous-titre qui me semble assez trompeur, car tout comme l'immigration extra-terrestres de l'univers de Point Chaud n'est finalement pas une véritable menace, le manuel dépasse largement la vulgaire question de survie pour s'intéresser à un sujet autrement plus important, la découverte et la fraternisation avec l'autre : il est clairement exprimé que le rôle du manuel est d'apprendre à avoir de bonnes relations avec les extraterrestres.

  Ce faisant, il offre sur l'univers de Rempart un point de vue autrement plus optimiste. Point Chaud se concentrait certes, dans ses quatre trames principales, sur des personnages humains exemplaires ou à peu près, celui de Léo étant plus ambigu mais révélant progressivement son bon fond, mais sa vision de l'humanité était globalement et désespérement noire, l'intéressée ne sachant accepter l'ouverture à un monde nouveau et en tirant le plus souvent partie pour des usages vils, qu'ils soient capitalistes flattant la peur, guerriers ou criminels. Les derniers chapitres laissaient cependant entendre qu'après des années de contact, l'immigration extra-terrestre se faisait plus naturelle dans le paysage terrestre, l'humanité commençant bon gré mal gré à s'y faire. Or le guide Alien, mode d'emploi peut pratiquement être considéré comme une suite de Point Chaud, car la chronologie placée au début englobe toute l'histoire du Big Arrival telle qu'exposée dans le précédent roman. Cela ne veut pas dire que les aliens sont parfaitement intégré : il y a toujours une continuité dans l'ambivalence de la situation décrite dans Point Chaud.  La plus grosse différence tiens peut-être finalement dans le point de vue et le ton résolument xénophile adopté par le narrateur du guide, ainsi que par la forme même de guide fantaisiste, forcément très légère et peu propice à la sinistrose.

 

  Qu'y apprend-on, au juste, dans ce guide ? Après quelques généralités, vous apprendrez toutes les précautions nécessaires pour entrer en contact avec un alien, les précautions dont il faut également entourer, divergences biologiques et culturelles obligent, tout partage destiné à entretenir l'amitié, qu'il s'agisse de nourriture, d'art (qui est universel mais n'a pas toujours le même rôle social), ou de cérémonies. Armés de ces précautions, vous pourrez tisser avec les aliens de véritables relations d'amitiés (que l'on a vu entre espèces ne partageant pas le même mode de communication), mais aussi...d'amour, eh oui, cela devient progressivement moins tabou à mesure qu'on avance dans l'avenir de l'univers de Rempart. Enfin, un dernier chapitre vous donnera de solides conseils pour vivre la rencontre de l'autre côté de la frontière, oui je parle bien de voyage par les Bouches dans les autres mondes, dont, pour des raisons spécifiques aux Bouches et évoquées dans la précédente chronique, l'humanité sait très peu de choses.

 

  Et évidemment, le guide serait bien moins intéressant s'il ne prolongeait l'univers de Point Chaud, reprenant en clins d'oeils quelques uns de ses éléments mais en l'enrichissant plus largement d'éléments nouveaux.

 

  Article réalisé dans le cadre du challenhe Summer Star Wars VI organisé par le RSFblog.

 

  http://p2.storage.canalblog.com/27/01/390509/75955832.jpg   

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25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 16:09

  Il était temps que je rattrape mon retard de chronique sur des lectures terminées il y a un mois presque jour pour jour.

 

  On ne présente plus Laurent Genefort, pilier de la SF française aux univers chatoyants...même si avant cet été, il devait encore m'être présenté autrement que de nom et de réputation.

  En  attendant la parution à l'automne prochain, chez Denoël, de l'intégrale augmentée du cycle d'Omale, son oeuvre majeure de space opera, pour laquelle je songe à très bientôt  planter ma tente devant ma librairie SF attitrée, j'ai pu faire mon baptême avec son dernier-né, le sublime Point Chaud, avant d'enchainer avec un roman plus ancien et un peu oublié, Les Chasseurs de sève.

 

http://media.biblys.fr/book/16/33316.jpg   

Point Chaud, tout d'abord...difficile de parler d'un roman qui a déjà reçu tant de louanges de part et d'autres.

  En 2019, des passages spatiaux appelés Bouches commencent à s'ouvrir un peu partout sur la Terre, passant très vite d'une poignée à quelques centaines, crachant des caravanes ininterrompues de migrants d'innombrables peuples extra-terrestres, et semant bien vite la panique et le chaos sur Terre, au point d'exiger progressivement la création d'une milice onusienne, Rempart, dont le but est de faire se passer le mieux possible les migrations d'un Bouche à l'autre, et au besoin, d'user de répression.

  Pourtant, c'est là le coeur du roman, les migrants n'ont rien pour être une véritable menace. Les Bouches, utilisées depuis des millénaires par des peuples de toute la galaxie, ont été conçues par leurs mystérieux créateurs pour empêcher toute invasion militarisée. Elles se referment après avoir laissé passer une certaine masse, n'acceptent aucun appareil électrique, de sorte que seuls de petits groupes légérement chargés en bagages peuvent transiter, et cerise sur le gâteau, elles sont à sens unique, obligeant à traverser d'innombrables mondes pour revenir au point de départ.

  Pour ces nomades des étoiles, la Terre n'est qu'un lieu de transit, et pourtant ils y sément  sans trop le vouloir le chaos. Pourquoi ? Sans doute parce que le monde humain, dans un avenir qui est presque notre présent, est trop rigide, trop sclérosé pour supporter l'ouverture aux grands espaces infinis dont le "silence éternel" effrayait tant Pascal, une ouverture qui la déclasse au rang d'innombrables planètes qui ont supporté le déclassemnt avant elle sans jamais, aussi partial qu'on puisse éventuellment trouver ce point de vue, qu'il ne soit fait mention d'un tel chaos.

  On le voit, la matière du roman est infiniment riche. Elle est magnifiquement exploitée dans l'intrigue à la fois très complexe et parfaitement maîtrisée du roman, qui lui donne l'allure d'un roman choral. Quatre trames principales s'entrecroisent, offrant chacune un points de vue différent à la première personne :  il y a Léo, le soldat de Rempart, qui ne porte pas forcément les aliens dans son coeur mais s'y intéressent davantage que ses peu reluisants collégues, ouvrant la voie à une progressive métamorphose ; il y a Prokopyé, du peuple Nenetse de Sibérie, qui trouve un sens à sa vie en fédérant d'innombrables clans pour tenir tête au Russes et escorter des aliens vers leur Bouche de destination ; il ya Raji, savant indien venu en Suisse étudier un couple d'aliens nommés Corcovados tout en tombant doucement amoureux de sa collègue ; il y a enfin Camila, membre d'une ONG humanitaire, partie dans une mission de tous les dangers au secours d'aliens en Somalie.

  A côté de cela, des points de vues épisodiques, des articles de presse, une interview d'un homme d'affaires cyniques, des publicités même approfondissent le point de vue terrien sur le bouleversement amené par les Bouches, faisant mériter au roman le qualificatif de choral évoqué plus haut.

  Cette multiplicité de points de vue implique une grande maîtrise stylistique, car il s'agit de caractériser les personnages. Défi relevé haut la main par l'auteur qui sait même moduler habilement le langage familier. Bien entendu, le contraire aurait relevé du gâchis, cette maîtrise des voix narratives servira avant la fin du roman à faire entrevoir l'altérité dans toute sa splendeur, et celle-ci aura une source plutôt inattendue.

  Transition facile vers l'imagination débordante et jamais facile de Genefort, véritable déclaration d'amour tacite à la SF: on peut lui faire confiance pour ne pas nous assommer  avec les figures rebattues d'homme-insecte ou d'humains en toge des pulps ringards, ou pire, avec le roswellien qui a pris la relève ad nauseam dans l'imaginaire pauvre de la SF mainstream (ceci dit, c'est un roswellien qui figure en couverture, mais ne crions pas tout de suite à la trahison, il s'agit d'un logo de Rempart). Non, dans Point Chaud, c'est le vertige de l'altérité qui se deploie dans toute sa splendeur, que l'altérité soit physique, mentale, culturelle...même si ces deux derniers traits resterons souvent incompréhensibles chez beaucoup de peuples, selons les capacités des humains qui les rencontrent. Impossible de donner un aperçu de donner du délire maîtrisé du roman : je sacrifierais volontier au cliché en affirmant que c'est une expérience qui ne se raconte pas mais se vit.

 

  Point Chaud rassemble ce que la science-fiction a donné de meilleurs : il reconcilie les différentes définition du sense of wonder, de la notion ancienne d'émerveillement exotique à celle plus contemporaine de vertige devant l'inconnu. Il allie en une fusion parfaite émerveillement et réflexion, esprit poétique et scientifique. Bref, sans conteste possible un chef-d'oeuvre qui fera date dans l'Histoire du genre en France, et montre qu'un genre qu'on prétend moribond a encore de beaux jours devant lui.

 

http://omerveilles.com/couverture-4044-genefort-laurent-les-chasseurs-de-seve.jpg 

Maintenant, passons aux Chasseurs de sèves...un roman qui paraît forcément plus mineur après lecture de Point Chaud...mais tout est relatif avec un auteur de la trempe de Genefort !

  Les Chasseurs de sève est paru en 1994 dans la collection Anticipation Fleuve Noir et a été repris en 1999 dans la prestigieuse collection Présence du Futur de Denoël. Cela le place sous le signe d'une double identité : la première collection suppose des oeuvres tournés vers l'aventure et l'exotisme (ce qui ne signifie pas forcément facilité, loin de là) la seconde une certaine exigence.

  Dans un monde dont on ne sait trop s'il s'agit d'une lointaine planète, d'un monde parallèle ou simplement d'un autre monde sur lequel il n'y a pas plus à se questionner qu'un monde de fantasy (il y a un peu d'esprit science-fantasy dans le roman, même si rien n'y est surnaturel), des humains vivent dans un arbre gigantesque et sans âge, dont ils n'ont jamais vu les limites, auxquels ils croient que se limite l'univers et dans l'espace et dans le temps, l'extérieur n'étant que chaos. Les humains sont divisés en deux peuples, les Arpenteurs qui vivent en équilibristes dans les hautes branches et les habitants des branches inférieurs plus habitués à la marche ; tous deux se considérent réciproquement comme des sous-hommes.

  Chez les Arpenteurs, Piérig a le don très prisé de "sentir" la sève de celui que ses habitants d'en haut nomment Arche, sèves dont les différents composants sont primordiaux dans la vie quotidienne.

  Contrairement au héros conventionnel de bien des romans d'aventures, Piérig n'est ni très sympathique ni plus ouvert que ses semblables. Enfermé dans ses convictions, ils refusent d'entendre les hérésies du scribe Masir, qui l'accompagne dans son voyage au début du roman. Très vite, Genefort prend à rebrousse-poil le lecteur en montrant que le spirituel Masir ne sera pas héros : il meurt horriblement dans une attaque des "sous-hommes" des branches inférieures, qui mettent à feu et à sang le village (ou "famil" ) de Piérig et capture celui-ci. C'est de cette façon diplomate qu'une tribu d'hommes des branches inférieures fait comprendre à Piérig qu'ils ont besoin d'un homme ayant le "don" pour une expédition pour laquelle le mot audace est un doux euphémisme : partir vers le coeur de l'Arbre-Univers afin de découvrir pourqoi il se meurt. Une petite troupe part donc sous la direction de Reva, une femme qui commence à déranger les convictions de Piérig en ce que sa foi, différente de la sienne, n'est pas seulement obtuse comme celle de l'Arpenteur, mais véritablement fanatique.  

  Le potentiel initiatique de l'Histoire ne vous aura pas échappé. Mais le parcours initiatique ne se situe pas où on le croit : la tolérance entre peuples ennemis ne progressera guère, la compréhension mutuelle et même l'amour ne viendront que trop tard. Seul Piérig, par le point de vue duquel la majeure partie du roman est abordé, réagit avec assez de souplesse et de précocité aux changements qui bouleversent sa vision du monde, tout en se montrant plus rigide, encore une fois, quèe le lecteur ne s'y attendrait. Et les changements bouleversant ne tiennent pas dans les religions, mais dans une réalité plus matérielle et plus grandiose à la fois (sense of wonder forever) : celle de l'Arbre.

  Même si j'ai tendanceà abuser de cette expression sur ce blog, il est ici indiscutable que l'Arbre, peu importe ses divers noms, est le personnage principal du roman, avec sa faune et sa flore minutieusment décrites -au point d'être parfois à l'extrême limite d'alourdir le récit, et dans tout les cas de le ralentir- et ses paysages de plus en plus apocalyptiques et dangereux à mesure qu'on s'approche du centre. En comparaison, non seulement les personnages sont archétypaux -excepté Piérig intéressant dans ses doutes- mais les descriptions ethnologiques des peuples paraissent considérablement effacées. C'est simple, dans Les Chasseurs de sève, l'humain n'est clairement pas le héros de l'univers. Comment pourrait-il en être autrement ? C'est là tout le vertige du roman : pour eux, l'Arbre représente l'univers, les légendes sur l'extérieur sont très mal considérées, ses origines se perdent dans des mythes contradictoires, son avenir proche semble sonner le glas de la race humaine...et pourtant il n'est qu'un être mortel comme eux ! Et bien sûr, il existe une échappatoire, au-delà des étroites connaissances humaines....

  Un roman très profond donc...mais aussi un fabuleux roman d'aventure, palpitant de bout en bout, où l'on entre dans la peau des personnages et l'on souffre avec eux dans les épreuves. Aventure palpitante, profondeur, vertige du sense of wonder dans les diverses acceptations du terme évoquées plus haut... que demander de plus ?

 

  Ah si, un chef-d'oeuvre comme Point Chaud, mais celui-là, il ne se demande pas, on attend qu'il nous tombe du ciel avec d'autres pavés dans la mare.

 

  Chronique réalisée dans le cadre du challenge Summer Stars Wars VI, organisé par le RSF blog.

 

http://storage.canalblog.com/27/01/390509/75955832.jpg       

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23 octobre 2011 7 23 /10 /octobre /2011 15:26

http://ecx.images-amazon.com/images/I/41xbGF3fQsL._SL500_AA300_.jpg 

L'auteur belge Michel de Ghelderode est davantage connu pour on oeuvre de dramaturge (dont je connais la réjouissante farce médiévale et apocalyptique La Balade du Grand Macabre) que de nouvelliste. Il faut avouer que ses contes sont peu (ré)éditées en français, ce qui est bien dommage, car la lecture de Sortilèges, paru chez Gallimard "L'Imaginaire" me permet d'affirmer que même en faisant abstraction de la patrie commune des deux auteurs, on tiens un égal de Jean Ray dans la nouvelle fantastique.

 

  Si les nouvelles qui composent ce recueil trouvent leur unité dans un même fantastique gothique et effrayant, versant volontiers dans l'excès du grotesque (au sens neutre du terme, bien sûr, c'est bien à Poe qu'on pense), elles n'en sont pas moins très diverses. Certaines lorgnent ainsi davantage vers le terreur pure que d'autres : Le Jardin malade, dont l'horreur est le plus visuelle, Brouillard et Tu fus pendu où elle est plus insidieuse, sont peut être les plus aptes à vous faire passer de bonnes nuits.  A l'inverse, d'autres, comme RhotomagoLe Diable à Londres, combine le grotesque à la Poe à un certain humour, voir à une certaine tendresse dans la seconde nouvelle. L'odeur du sapin, qui clot le recueil, est d'ailleurs un compromis entre ces deux tendances, car son humour à froid ne l'empêche pas d'être la plus "trash" du recueil, en plus de recéler son lot d'images impressionnantes.

  D'autres nouvelles, bien que guère joyeuses, ne recherchent pas pour autant l'effroi pur mais avant tout des images saisissantes, et c'est là que la prose de Ghelderode atteint des sommets : la nouvelle qui donne son titre au recueil en est l'apogée mes yeux, véritable bijou du début à la fin, et Un Crépuscule lui fait de la concurrence à l'échelle moins grandiose d'une courte vignette.

 

  Il est bien sûr hors de question de faire l'inventaire de toutes les nouvelles du recueil, mais je ne ferais pas non plus celui de leurs tons respectifs, car la tâche est trop ardue en regard de la palette de registre que peux déployer l'auteur dans le registre du fantastique. Il est plus intéressant de noter ce qui les lie et fait donc la patte du nouvelliste : une ambiance gothique certes, un sens de l'image saisissante qui touche au sublime dans bien plus d'une nouvelle, et également un état d'esprit qui renforce l'épouvante de l'univers par son caractère trivial : le thème de la dépression, ceux associés de la déchéance qui peut être celle de la maladie, de la vieillesse, des deux, et l'approche de la mort, obsession bien connue de Ghelderode. La dépression est décrite de façon particulièrement poignante dans Un Crépuscule, qui en est une sorte de mise en image fantasmatique, dans Sortilèges où elle est le pivot de l'argument fantastique, dans Le Diable à Londres où elle fait rejaillir la tendresse inattendue...mais il va de soit que je ferais pas dans l'exhaustivité pour ce thème là non plus. 

 

  Les nouvelles de Ghelderode semblant assez rares en français et en éditions trouvables, n'hésitez pas à vous précipiter sur ce magnifique cauchemar.     

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18 septembre 2011 7 18 /09 /septembre /2011 23:01

http://www.actusf.com/spip/IMG/jpg/ceux_des_eaux_mortes_-t2.jpg

(Ah, enfin une nouvelle chronique de livre sans image)

 

Souvenez-vous, je vous avait déjà parlé tome 1 de cet étonannt cycle de fantasy qu'est Ceux des Eaux Mortes de Brice Tarvel. Le second tome, Au Large des Vivants, est sorti en juin, comme je l'ai appris très en retard (l'apprendre avant n'aurait pas garanti que je le lise et le chronique avant, notez bien).

 

  Jodok et Clingorgne se trouve dans une bien drôle du situation depuis la fin du tome précédent : se trimballant  la sorcière renelle changée en statue d'or et la belle Candorine changée en flaque d'eau emmagasinée dans une outre, les deux traine-vases quittent la Fagne pour le Royaume septentrionnal d'Obscurie, pays montagneux où le soleil a du mal à pénétrer. ils recherchent le mage Vorpil, celui a jadis maudit la Fagne, et que Jodok espère convaincre à la fois de rendre sa plus agréable forme originelle à Candorine et de lèver la malédiction qu'il jeté sur les deux Fagnes. Bientôt, cette troupe qui a eu tant de mal à se rejoindre au cours du précédent tome (et où il faut encore comptet Renelle, qui ne restera pas lontemps statue d'or, tandis que Candorine sera moins utile pour l'intrigue sous sa forme liquide que l'on ne peux compter pour un personnage) cette troupe se trouvera dispersée à travers l'Obscurie pour vivre des aventures mouvementées.

 

  C'est un plaisir de retrouver l'univers de cette fantasy de Brice Tarvel, cette alliance d'une ambiance rabelaisienne continuellement grasse comme une frite biki belge, et d'un merveilleux volontiers poétique, sans compter la savoureuse langue archaïsante et ses quelques dizaines de mots qui ont droit à leurs notes de bas de pages pour instruire le lecteur.

  Pour que l'auteur envoie ses personnages en Obscurie, c'est qu'il devait avoir fait le tour de la Fagne et vouloir passer à autre chose, et changer totalement de décor est une idée telle qu'on ne peut en trouver de plus heureuse dans la fantasy contemporaine. L'Obscurie ne vit pas à la même époque que la Fagne : elle est en avance, plutôt inspirée du XVIIème ou XVIIIème siècle. Les Fagnéens y passent pour de sauvages, ce qui sera d'autant plus savoureux que le boulet qui s'accrochera aux basques des deux traine-vases sera une aristocrate, Elvège de Saint-Urmont.

  Le merveilleux n'est pas en reste, et j'ai trouvé les images d'Obscurie plus étonnante que celles de la Fagne du premier tome. On y croisera le peuple des vampires, fléau du Royaume, celui des sans-yeux amateurs de musique, et la mâchoire, immense gueule de fer qui dévore le pays petit à petit depuis le Nord lointain (à noter que les vampires eux-même se munissent de crocs de fer). 

 

  Comme la souligné une autre chronique, l'auteur a opté pour un style moins contemplatif et plus tournée vers l'action, ce qui s'en ressens agréablement sur le rythme. Et pourtant, il n'oublie pas de nous abreuver d'images étonnantes, signe qu'un ton contemplatif n'était pas nécessaire.

  On pourrait dire que cela augure du très bon pour la suite du cycle. C'est là que je suis moins sûr, car si la série prend enfin son rythme de croisière sur ce tome-ci, sa fin m'a bien moins convaincu. En effet, sans en trop dévoiler, il est évident que les choses vont trop vite dans les derniers chapitres, comme si l'auteur était pressé de conclure, et le climax final fait figure de pétard mouillé, l'intrigue des deux tomes se résolvant  avec une facilité qui donne envie de dire "tout ça pour ça" tandis que la suite est introduite par un cliffhanger mou.  En fait, la mauvaise impression que m'a laissé la fin réside dans ce que la fin se rate de très peu : il aurait suffit d'ajouter quelques paragraphe à peine au moment du climax, sans même changer ce qui suit, pour créer un cliffhanger au moins digne de celui qui lie les deux premiers tomes, et qui aurait utile moins pour vendre le troisième opus que pour ôter cette impression de pétard mouillé.

  Après, je me méfie de ce coquin de Brice Tarvel, dont je me demande s'il ne l'a pas fait exprés pour ajouter encore un peu de dérision à sa trilogie.  Peut-être me suis-je fait avoir, mais il n'empêche que la fin tranche trop avec les rebondissements qui précédent pour me convaincre, que ce soit volontaire ou pas. Peu importe, je me console avec le reste du roman qui globalement, est d'un niveau encore au-dessus du précédent.  

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