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27 juin 2015 6 27 /06 /juin /2015 12:32
Retour au cycle de Lanmeur

J'avais chroniqué il y a un peu plus d'un an les trois premiers tomes de l'intégrale de ce cycle de space op' de Christian Léourier. Le quatrième tome, entièrement inédit et intitulé Aux origines du Rassemblement, vient de sortir il y a un tout petit moins d'un mois, toujours chez Ad Astra. A noter un changement d'illustrateur avec une couverture de Jean-Yves Kervevan, moins poétique et mystérieuses que les précédente par Eric Scala, mais qui reste d'une grande classe, bien plus ne tout cas que les hideuses couvertures du poche (sur lesquelles j'aurais peut-être encore quelque chose à dire plus tard).

Le quatrième tome d'intégrale, qui comme l'indique le titre, tient lieu de préquelle a l'univers de Lanmeur, a des allures de fix-up, avec deux romans reliés de façon lâche par une espèce de récit-cadre en trois parties, La Mission de Mered Gadeline, où l'héroïne éponyme arrive de la planète Holi sur Lanmeur, planète qui l'intrigue comme tant d'autres car Holi ne connait ni individualité ni même de pensées irrationnelles (telles les mythes de Lanmeur, qui sont à la base au moins du premier roman)...thématique intéressante, donc, pour ces nouvelles dont ce n'est pas le seul ajout à la grande fresque de l'univers lanmeurien.

Le premier roman, Le Procès de Gwidlon, est sans doute l'un des sommets du cycle, et également, peut-être, l'un de ses romans les plus difficiles d'accés. Ici, avec mon mauvais esprit habituel, je ne peux m'empêcher de penser aux couvertures de l'édition de poches, dont les hideux vaisseaux spatiaux ne semblent là que pour racoler le consommateur de space op' de base, tandis que les couverture d'Eric Scala étaient sans doute trop mystérieuses. Le consommateur en question serait sans soute déboussolé par ce Procès de Gwidlon. Celui-ci est en effet comme qui dirait un roman méta, un roman dans le roman. D'un côté, nous plongeons dans les textes mythiques fondateurs de Lanmeur et du Rassemblement, d'abord le plus long, la geste du conquérant de Thor, unificateur des trois nations de Lanmeur et donc fondateur de l'idéal du Rassemblement, raconté à travers des textes anciens qui sont autant de pastiches de divers styles de récits mythiques, de la poésie truffée de figures archaïques au roman plus moderne et plus fin psychologiquement, plus proche de la littérature de notre Moyen-Âge tardif ou de notre Renaissance, ensuite, cinquante pages avant la fin du roman, les Annalectes du prédicateur Prival, l'autre fondateur du Rassemblement près de sept siècles après Thor, des textes qui ressemblent à des paraboles bibliques ou plutôt, car plus rationalistes, à des apologues d'anciens philosophes. Ces pastiches sont autant d'occasion pour Léourier de montrer son talent stylistique, travail de poète autant que de romancier (pensons aux poèmes inclus dans Ti-Harnog, le premier roman du cycle) et le résultat est d'une grande beauté. De l'autre côté, nous avons un texte présenté lui aussi comme un classique Lanmeurien (en fait, c'est le roman entier, avec les extraits du Canon de Thor et des Annalectes de Prival, qui est présenté ainsi) où le scribe Gwidlon attend de passer en procès pour hérésie après avoir laissé entendre qu'une partie du canon de Thor relevait du mythe. Jeu de miroir brillant, qui permet de faire de l'authentique fantasy à l'intérieur d'un roman de pure science-fiction, et plus largement, de nous divertir avec une magnifique épopée, pleine de magie et de fureur, tout en flattant notre bonne conscience de rationaliste réceptif à un message critique à l'égard des superstitions. Inutile de dire que l'amateur éclairé de mythologies que je suis a dégusté ce merveilleux roman.

Par contraste, Le Testament d'Erwann, le second roman, qui a pour point commun avec le précédent de se baser sur un classique lanmeurien, même s'il ne s'agit plus ici du roman entier mais de courts extraits qui y sont disséminés (le texte qui donne son titre au roman constitue le deuxième chapitre de chaque partie, le reste narrant la geste de son auteur, réunificateur de Lanmeur quelques siècles après le fameux procès de Gwidlon, à la troisième personne), paraît presque falot. Et pourtant, il s'agit d'une fresque à peu de chose près aussi flamboyante que celle de Thor dans le précédent roman, même si davantage tournée vers l'efficacité. Le souffle de Léourier fait merveille, notamment dans les intrigues politiques, dépeignant un Lanmeur ancien où il ne fait guère bon vivre, même si une note de tendresse surprenante pointe à la toute fin. Mais je ne peux m'empêcher de trouver cette épopée plus convenue que la moyenne des romans de Lanmeur, n'empruntant guère de chemins qui n'ait pas été foulé auparavant. Mais objectivement, il s'agit tout de même d'un grand roman d'aventure, fut-il un chouïa en dessous de ce dont Léourier est capable, et il n'y pas de quoi regretter la lecture entière de cette quatrième intégrale.

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19 juin 2015 5 19 /06 /juin /2015 16:38

Un roman estonien traduit en français, cela suffit à intriguer le lecteur curieux. Quand en plus le résumé sur le rabat du grand format (la 4e de couv' du poche est plus allusive et "commerciale") annonce quelque chose de complétement barré imaginativement (au point que je croyais à un recueil de nouvelle pour finalement découvrir, ô miracle, un roman tout à fait cohérent et pas brouillon pour deux sous) et quand pour couronner le tout le roman se passe dans l'univers des légendes estoniennes, sujet qui, entre autres mythologies, me passionne depuis des années comme le blog s'en est fait écho ici...cela fait décidément beaucoup de raison de s'intéresser au roman L'Homme qui savait la langue des serpents d'Andrus Kivirähk, traduction de 2013, chez un éditeur que je ne connaissais pas du tout, le Tripode, éditeur également du poche paru il y a trois semaines, d'une œuvre paru en 2007 en Estonie où il a connu un grand succès.

L'Homme qui savait la langue des serpents est l'histoire d'un monde qui se meurt. Celui des Estoniens d'avant la conquête teutonique, présenté comme un peuple de chasseurs-cueilleurs, ce qui donne presque à cette Baltique légendaire un air de monde amérindien et, même s'il est difficile de dire si cela reflète une réalité historique (la postface de Jean-Pierre Minaudier ne se montrer pas claire sur ce point, quand bien même elle éclaire salutairement le roman à l'aune de références obscures pour le lecteur occidental), bouscule pas mal nos représentations de l'Europe médiévale. Leemet, le narrateur, qui est enfant quand commence l'histoire, sera le dernier homme a parler la langue des serpents, celle qui permet au peuple de la forêt se faire obéir des animaux, de capturer du gibier et de traire des louves sans avoir besoin de chasser, et encore moins de cultiver la terre. Et pourtant, les hommes ont oublié cette langue, et s'installent en masse dans les villages pour y vivre la dure vie d'agriculteurs et s'y faire baptiser.

A priori, un tel synopsis est fait pour séduire n'importe quel amateur de fantasy poétique (car c'est bien d'une forme de fantasy qu'il s'agit, et l'étiquetage en littgen, sous l'appellation de "réalisme magique" n'a pas trompé le jury du GPI 2014). Il est vrai que l'univers de légendes estoniennes très librement adaptées, auxquelles se mêlent des éléments scientifiques plus modernes (les anthropopithèques) est bien pourvu en poésie. Mais le roman n'a rien d'un conte romantique, et surtout de ces contes romantiques qu'il parodie : sa poésie est perpétuellement désamorcée par l'humour caustique de l'auteur, et c'est là que le roman se montre d'une grande profondeur.

Le pitch du roman pourrait le faire penser réactionnaire. Il est vrai que le monde moderne (sachant que celui-ci commence avec l'agriculture, ce qui désamorce déjà la critique réac' qu'on pourrait y voir) en prend pour son grade, présenté comme un fatras d'ânes conformistes, le tout avec un ton très particulier et savoureux : le monde européen, chrétien et agricole, n'est jamais présenté par ses adeptes comme un idéal élevé, mais comme la dernière mode qu'il faut suivre ; sans exagérer, les paysans estoniens parlent du Christ comme un hipster actuel parlerait du dernier groupe de musique branchouille. Mais non seulement l'oncle du narrateur, Vootele, sans doute le personnage le plus sain et positif du roman, critique à plusieurs reprise l'attachement aveugle aux traditions, mais de plus le monde des traditions, pris du point de vue extrême car païen et "primitif" (sachant qu'on trouve pas mal de néo-païens en Estonie) est tout aussi absurde et conformiste, et pendant la majeure partie du roman, représenté qu'il est par l'obtus Tambet de le "sage" Ülgas il est le plus violent. Du reste, le passé ne rend personne plus sage et heureux dans le roman : si la famille de Leemet se moque de ces bondieuseries (façon de parler car les estoniens de la forêt n'ont pas de dieux, que des génies) et ne s'intéresse qu'à la seule magie qui en vaille la peine, la langue des serpents, celle-ci nourrit leurs névroses, comme la mère de Leemet qui cuisine compulsivement du gibier et en gave ses enfants, Leemet, sa sœur Salme et l'ours qui sert de mari (car les ours sont de redoutables séducteurs de femme dans l'univers du roman, comme dans beaucoup de légendes d'Europe de l'Est) à celle-ci. La présence des deux anthropopithèques Pirre et Raake, obsédés pour leur part par la reconstitution de la faune préhistorique, rend encore plus dérisoire la quête vaine d'un passé idéal.

Dans le roman, il n'y a donc d'échappatoire ni dans le passé ni dans l'avenir : on tient un récit d'une noirceur quasi nihiliste, sans doute même misanthrope. Cette noirceur va de pair avec un traitement de la violence que je n'ai jamais vu dans un autre roman : tantôt les conflits se résolvent de manière presque enfantine, presque comme un dessin animé, comme dans l'épisode du derrière brûlé du mari-ours de Salme, à l'image des chrétiens qui, pendant la plus grande partie du roman, ne font guère peur, tantôt la violence éclate de manière imprévue, et là, ce n'est pas pour rigoler ; on compter ainsi de scènes insoutenables comme celle de l'acharnement thérapeutique sur la jument de Johannes.

On le voit, il y a du fond, et encore n'ai-je rendu compte pour le moment que de ma lecture "naïve", celle que peut avoir n'importe quel lecteur occidental. Il convient de terminer sa lecture par la très éclairante postface, donc, de Jean-Pierre Minaudier, dont on comprend très vite le titre "Le pamphlet sous la fable". Si le roman peut à première vue faire l'effet d'une fable atemporelle (ça c'est moi qui rajoute), il est en fait très ancré dans la vie politique estonienne actuelle, et sa critique de la nostalgie nationaliste est également susceptible de parler à un lecteur français. Dans les temps qui courent, ça ne fera de mal à personne...

L'Homme qui savait la langue des serpents est donc un roman tout autant stimulant pour l'imagination que pour la réflexion. N'était le style sec et un peu râpeux, dont il est difficile de dire s'il vient de la traduction (il pourrait tout aussi bien être fait exprès en VO: le ton du roman s'y prête), et le message parfois martelé avec un peu trop d'insistance, façon prêchi-prêcha, j'oserais dire qu'il confine au chef-d’œuvre.

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21 février 2015 6 21 /02 /février /2015 11:04

 http://www.riviereblanche.com/naufrages02.jpg J'ai beaucoup hésité avant de rédiger cette chronique (même si le retard d'une semaine après la lecture, c'est juste par flemme, j'avais déjà décidé de parler du livre céans) car je connais assez bien, même si virtuellement, l'auteur de ce roman (plus qu'à l'époque où je chroniquais ses essais en tout cas) de sorte que j'ai un peu l'impression de faire dans le copinage à deux sous, sachant que le soutien copinage y est pour beaucoup dans le lecture du livre, même si le sujet de celui-ci m'intéressait (j'ai toujours aimé les mystères en milieu rural, alors quand en plus il s'agit de SF...). Mais bon, l'exemple d'un camarade blogueur qui critique les nouvelles d'auteurs qu'il connait bien aussi m'a décidé a me lancer dans cet odieux acte de népotisme.

 

  Donc, Patrice Lajoye navigue sur la Rivière Blanche pour son premier roman, Naufragés éternels, novelisations d'un projet BD avec le dessinateur Pawel Piechnik, projet avorté dont quelques planches sont jointes à la fin du roman, avec une nouvelle de Patrice Lajoye intitulée Constellation.

  Le roman met en scène un historien d'une université anonyme (et non, comme je l'annonçai par erreur, celle d'Autun, qui n'existe pas) Daniel, archétype du loser, auquel le couple de châtelain du village de Puitay, Philippe et sa soeur Christine, demande d'établir la généalogie de leur famille. Une tâche qui emballe moyennement Daniel, mais comme il se fait un peu iéch dans sa vie, il accepte, et s'y intéresse bientôt beaucoup plus quand il voit la rareté des documents en la possession des chatelains. Parallèlement, en une série de saynètes -le roman est un authentique fix-up, ce qui n'est pas pour me déplaire- on suit les aventures de Philippe et Christine au cours des âges, d'un lointain néolithique à la Seconde Guerre Mondiale, car non, ce ne sont pas des humains.

 

  Histoire de se débarasser tout de suite de ce qui fâche, sans prendre trop de risque car l'auteur l'admet lui-même, le roman n'est pas très bien écrit. Mais ce n'est pas rédhibitoire non plus (il faut dire que les préventions de l'auteur m'avait préparé au pire et que je ne pouvais qu'être agréablement surpris). Malgré les tics d'écritures, qui ne sont pas pire que dans bien des romans populaires, ça se lit sans déplaisir. Et il faut dire que le fond est tout à fait passionnant.

  En  effet, comme le dit la quatrième de couverture, le roman conjugue deux passions de l'auteur : la science-fiction est l'Histoire. L'aspect historique est le plus convaincant des deux, l'auteur connaît ce domaine sur le bout des doigts, sous tous ses aspects : du milieu de la recherche universitaire, dont le panier de crabe qu'il représente est bien rendu (paraît-il noirci car le personnage serait un connard aigri, ce que je n'ai pas du tout ressenti à la lecture, mais c'est que je dois être un connard aigri moi-même) à la méthode historique proprement dite et à la reconsititution des époques passées, à laquelle le forme de fix-up convient très bien, montrant une grande densité sur à peine 150 pages.

  En définitive, un roman très agréable dont le fond fait oublier les imperfections de la forme.    

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29 septembre 2014 1 29 /09 /septembre /2014 16:58

http://www.noosfere.com/modules/img.php?image=http://images.noosfere.org/couv/p/pdf118-1997.jpg&h=400 De ce premier roman de Jean-Pierre Andrevon, je ne conaissais jusque là que l'adaptation en film d'animation par René Laloux, sous le tire Gandahar (devenu depuis le titre du roman, mais je resterai fidèle aux Hommes-machines contre Gandahar, titre de l'édition que j'ai lu) film dont j'avais parlé ici.

  Le roman prend place dans le royaume idyllique de Gandahar, sur planète Tridan, et raconte une aventure (sachant que d'autres aventures ont été écrites presque 30 ans plus tard, bien après encore le film) du chevalier Sylvin Lanvère, mandaté par la reine Ambisextra pour contrer une invasion de robots qui se révèlera venir du futur.

 

  Oeuvre de jeunesse de Jean-Pierre Andrevon, Les Hommes-machines contre Gandahar n'est pas forçément un roman révolutionnaire, mais il est est malgré tout ravissant, et pas seulement. C'est avant tout un merveilleux roman d'aventure, qui tire me leilleur partie de l'univers coloré où il se situe...en parlant de couleur, celles-ci se révèlent très importante dans un roman dont els descriptions sont de vrais tableaux (on comprend pourquoi Andrevon a succédé à Stefan Wul dans les sources d'inspiration des long-métrages de Laloux, et il y avait bien dans son roman un défi à la démesure crayon de Caza, co-auteur du film), et de là à penser que ce roman publié en 1969 subit l'influence du psychédélisme, il n'y a qu'un pas.

 Le roman, au style plutôt léger (ce qui n'est pas forçément désagréable) peut de ce fait sembler un peu naïf, mais il n'est pas pour autant dépourvu de subitlité et de réflexion, très loin de là, notamment dans sa mise en garde ; si la créature qui échappe au contrôle du créateur n'est pas du tout un thème neuf en science-fiction, il ne s'agit pas ici d'un des aspects sinistres parmi tant d'autre d'une dystopie stéréotypée, mais d'un des nombreux revers (avec l'autoristarisme latent, avec les manipulations génétiques qui ont laissé des peuples de "transformés" aux marges de Gandahar...) d'un monde qui nous paraît utopique de premier abord, ou le progrès a créé une société hédoniste qui, c'est le plus intéressant, vit en fusion avec la nature. Bref, un roman qui fait réflechir, loin du divertissement facile qu'il semble de prime abord.

  Il ya bien quelques défauts à ce roman, notamment le personnage d'Airelle qui est quand même passablement greluche. C'est l'un des aspect ou le film de Laloux apporte une plus-value au roman, une constante chez ce réalisateur qui a su magnifier la littérature "de gare".    

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25 juillet 2014 5 25 /07 /juillet /2014 20:33

http://www.lechappee.org/sites/default/files/styles/couverture-fiche/public/ouvrages/chroniques_nord_sauvage_0.jpg(Attention, cette chronique contient de gros morceaux de 3615 mylife)

 

Ah, Pierre Dubois...difficile de trouver un auteur qui représente autant de choses pour moi. Concernant la lecture de La Grande Encyclopédie des Fées, offerte pour mes 11 ans, suivie de celle des Lutins deux ans plus tard, je ne crois pas exagérer en disant que cette double lecture a changé ma vie, m'ouvrant des horizons insoupçonnés en terme d'imaginaire, de style littéraire et même d'art plastiques à travers les illustrations pleine de grâce onirique de Claudine et Roland Sabatier. La Grande Encyclopédie des Elfes m'a moins marqué, car lu trop tard, et en outre dans une période de la fin mon adolescence que je n'aime guère me rappeler, mais a constitué malgré tout un beau moment d'enchantement.

  Et depuis ? Plus de découvertes aussi enthousiasmante. Les Leçons d'elficologie, il y a quelques années, ne m'ont pas passionné plus que ça. L'Elféméride m'est tombé des mains il ya quelques mois (sans que je puisse vraiment dire pourquoi, peut-être suis-je simplement blasé par mes lectures mythologiques plus près des sources). Ces deux livres me plaisent surtout, finalment, pour leurs magnifiques illustrations. Les quelques Contes de Féerie que j'ai lu m'ont bien plu, mais comme j'ai l'habitude avec d'autres livres, j'ai laissé sans raison aucune celui-ci prendre la poussière dans ma PAL.

  Et voilà que quelque chose me relance sur les rails, les retrouvailles avec le druide barbu dans le dernier milieu où je pensais retrouver sa piste : le milieu anar.

 

(Je crois que j'ai atteint mon quota de 3615 mylife, vous pouvez sortir de votre abri)

 

Chroniques du Nord Sauvage a été éditée par L'échappée, éditeur de bord plutôt anar, donc, ce qui ne manque pas de me surprendre. La préface de Jean-Luc Porquet, journaliste au Canard Enchaîné, et la quatrième de couverture à sa suite, font coller les contes de Pierre Dubois à l'Histoire du Nord, région ravagée par l'industrie, à l'éloge de la nature et de l'imaginaire libérateur (on y mentionne même brièvement l'Art Brut, ce qui fait un pont surprenant, jusque dans la coloration rouge et noire, avec le livre Eloge des jardins anarchiques de Bruno Montpied, que j'avais chroniqué ici).  Néanmois, le lien entre cette préface et les contes pourrait sembler un peu tiré par les cheveux, et pourtant Jean-Luc Porquet arrvie à nous en convaincre, surtout quand on connait un peu l'oeuvre de Pierre Dubois, que l'on sait que son interpétation des contes et des légendes et résolument anti-conformiste et égratine plus souvent qu'à son tour la déshumanisation capitaliste.

 

Ces "Chroniques" sont bien des contes, ou des nouvelles, on ne saurait dire, tous situés dans le Nord. Mais il est difficile de parler de contes merveilleux : si celui-ci, ou le fantastique, on ne saurait dire encore une fois,  est bien présent dans le recueil, il est très discret, ou plutôt non, il est omniprésent, mais la plupart du temps de façon indirecte, sous forme de références aux croyances populaires, de contes mis en abyme...L'érudition de Pierre Dubois forme une alchimie parfaite avec son style très gouailleur, un style rabelaisien, qui necessite d'ailleurs lui-même une grande érudition, et avec son don pour les images fantasmagoriques. On imagine la saveur que cela donne aux textes.

  On compte en tout et pour tout, à mes yeux tout du moins, un seul texte raté : La Moneuse, histoire de brigandage sous la Révolution Française, qui aurait pu être d'un romanesque flamboyant mais se révèle plombé par d'interminables citations de procés-verbaux de l'époque, qui phagocytent le récit au dépens de la prose de l'auteur et le rende ennuyeux, à l'exception des dernières pages, à la fin desquelles les citations de textes officiels se révèlent d'ailleurs enfin utiles et même percutantes.

  A l'opposé, Chroniques sauvages est sans doute le meilleur texte du recueil. Pierre Dubois rend hommage au peintre Jacques Van de Watyne et en fait un martyr païen sur fond de chasses au sorcières au XVIIème siècle. Ce texte sublime, vraiment flamboyant celui-là, mériterait à lui seul l'achat du recueil, s'il n'était heureusement si bien entouré. Ce point d'orgue final contribue à laisser sonné à la fin de la lecture, au point que j'ai eu du mal à me réhabituer au monde réel quotidien. 

  Ajouter à cela les illustrations en noir et blanc, oeuvres de l'autreur lui-même pour les personnages en page de garde de leurs propres histoires, et pour le reste de René Hausman (illustrateur de L'Elféméride) et, pour l'illus la plus flippante, de Mako, sans compter les lettrines de Cenvint. Pierre Dubois sait décidément toujours aussi bien s'entourer quand il s'agit de mette en image ses récits !

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30 juin 2014 1 30 /06 /juin /2014 14:13

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51bFEfty%2BdL._.jpg  La nostalgie, ça peut avoir du bon. Accumuler les films et les dessins animés vus quand j'étais gosse (mais sans encore oser les regarder, parce que la nostalgie, c'est aussi douloureux) m'aura donné envie de découvrir du neuf : après m'être procuré les films de L'Histoire sans fin, que je n'ai donc toujours pas revu après presque un mois, j'ai décidé de commencer par lire le roman, parce que oui, presque une vingtaine d'année après avoir vu les films, ainsi que le dessin animé qui passaient à la téloche quand j'avais dix ans et m'a encore plus marqué je dois dire, je n'avais jamais pensé à lire le roman de Michael Ende. Il faut dire que jusqu'à une date récente (ce mois-ci), j'étais persuadé, trompé sans doute par le souvenir de l'univers labyrinthique de la série animée, qu'il s'agissait d'une série à rallonge et non d'un unique tome. En fait, L'Histoire sans fin n'a guère besoin d'être une série interminable, car ses 500 pages sont très denses, l'intrigue ne perd pas de temps sans s'interdire non plus de développer, et l'univers est en outre d'une richesse et d'une profondeur inouïes qui rendent le roman encore plus dense.

 

  Il est difficile de rendre compte de l'inventivité débridée du roman, qui ne peut guère se mesurer, dans le domaine de la littérature de fantasy  dite "pour la jeunesse", qu'à des romans comme Le Magicien d'Oz de Lyman Franck Baum, qu'il surpasse peut-être. C'est la moindre des choses, dirons-nous, pour un roman qui fait l'apologie de l'imagination et développe même, dans sa seconde partie, une intéressante mise en abyme métaphorique de l'activité d'écrivain créateur de mondes imaginaires, sans s'interdire un aspect que d'aucun pourront trouver moralisateur, mais qui a le mérite d'éviter la prétention.

  Si l'univers du Pays Fantastique (la Fantasia du film), reste fondé, comme un peu toute la fantasy, sur des créatures issues de mythologies traditionnelles, il brode nénmoins par des dizaines d'inventions toutes plus surprenantes et poétiques les unes que les autres. Elles sont souvent très visuelles, d'autres, plus abstraites, flirtent avec un fantastique qu'on pourrait qualifier de métaphysique, pour reprendre les termes d'une critique d'Italo Calvino que j'avais cité ici. Qu'elles soient plutôt visuelles ou plutôt abstraites, les inventions du roman ont un parfois un aspect compliqué difficile à saisir, qui peut les rendre à la limite d'être tirées par les cheveux, mais l'auteur parvient toujours à la leur insuffler une grande poésie. Quelquefois les images frôlent le surréalisme, je crois bien même avoir lus des références à Dali et Magritte dans l'épisode quasi-final et de la Mine aux Images, et cela me surprend moins alors que je viens tout juste d'apprendre par Wikipédouille que l'auteur était le fils du peintre surréalsite Edgar Ende.

  Reste que la construction du roman est déconcertante. Il semble être constitué de deux romans acollés bout à bout (lesquels donneront les deux premiers films, pour donner une idée), la seconde est plutôt lente à démarrer même si la splendeur des images permet de s'accrocher, et on compte au tout début de l'aventure du Pays Fantastique au moins une saynète autonome dont les personnages n'apparaîtrons plus par la suite. Néanmoins, ces défauts de construction, qui pourraient être rédhibitoires dans un roman d'aventure plus commun, sont ici facilement oublié devant l'un des univers les plus somptueux de toute l'histoire de la fantasy.   

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18 mai 2014 7 18 /05 /mai /2014 15:21

  http://ecx.images-amazon.com/images/I/416veNUYKoL._.jpgComme je l'avais déjà évoqué , encore un livre que j'ai pris par hasard à la bibliothèque.

  Le nom de Henri Gougaud ne m'était pas tout à fait inconnu. J'avais déjà pris contact avec sa casquette de conteur en empruntant à une autre bibliothèque, celle de ma ville, deux de ses livres de contes pour la jeunesse parus chez Seuil : Contes d'Afrique et, je crois, Contes du Pacifique, mais ayant définitivement beaucoup de mal avec les délais de bibliothèque, a fortiori quand j'emprunte beaucoup de livres à la fois, j'avais du les rendre sans les avoir lu. Je ne connaissais donc pas vraiment l'oeuvre de Henri Gougaud, auteur dont le CV semble assez impressionnant, qui n'est pas seulement conteur mais poète, parolier pour Jean Ferrat, Juliette Gréco et Reggiani, et, ce qui nous intéresse  dans le cas présent, romancier. A noter que son tout premier livre, en 1977, soit trois ans avant Le Trouveur de feu, était un essai intitulé Démons et merveilles de la science-fiction, et cet attrait pour la essèfe explique bien des choses, en plus de celui pour les contes et légendes, à la lecture du Trouveur de feu, car ce roman, bien que relevant plutôt du merveilleux, de l'épopée mythique, a un esprit très science-fictif et de vraies-fausses allures de planet opera.

 

  Dans le pays de Maïni, pays de plaine compris entre la forêt-monstre, des marécages, un désert et des falaises, les Homlis, peuple débonnaire d'hommes velus, vivent dans une ignorance paisible de la manne du grand oiseau Toumbo qui passe chaque soir dans le ciel, tout en redoutant la poursuite des Dagans, peuple carnassier qui n'en est pas moins bien plus savant qu'eux, retiré dans leur citadelle au frontière du désert de l'Est. Jusqu'au jour ou le héros de cette histoire, un Homli du nom d'Izahi, découvre le moyen de tuer les Dagans. Une guerre se prépare, mais c'est sans compter sur le lien qui unit Izahi à Enlila, reine des Dagans.

 

     Une oeuvre relevant donc clairement du merveilleux et lorgnant vers la science-fiction, mais publiée néanmoins dans des collections de littérature générale (le Seuil dans les années 80, Points aujourd'hui) et qui malgré son imaginaire baroque semble séduire assez les prescripteurs de la "blanche" pour avoir poussé l'Académie francaîîîîse à lui accorder le prix Jouvenel en 1981. Voilà un statut hybride qui ne manque pas d'intriguer, qui se ressent clairement sur l'écriture du roman, et en fait une oeuvre difficile d'accés. Il y a fort à parier que malgré la prescritions des Immortels, les amateurs de blanche pure à s'enfiler dans les sinus pourraient faire la fine bouche devant l'irréalisme clairement assumé d'un récit beaucoup plus éloigné de nos préoccupations que la plupart des oeuvres SF mainstream, et les sci fiste et les fantasystes pourraient eux-même renâcler devant ce récit nonchalant dont, contrairement aux normes du genre, car ce n'est pas le but, l'univers n'est pas toujours bien expliqué, dont le sens profond n'apparaît pas clairement et dont le principal moteur est un style travaillé qui en fait un authentique poème en prose  d'un peu plus de 200 pages ; et ce même si, comme je l'ai laissé entendre quelques lignes plus haut, contrairement à d'autres "Grands Auteurs", Gougaud joue sans complexe le jeu de la SF et du merveilleux.  

  Moi-même, je ne cacherais pas voir eu besoin d'un certain temps d'adaptation avant de rentrer dans le récit. Il faut s'habituer au style très dense, nonchalant encore une fois, s'habituer à l'adjectivite et même à la "virgulite" aiguës. Le style est peut-être un rien trop dense, pas assez épuré, des informations importantes sont parfois cachées au coeur de phrases alambiquées, nécessitant une attention soutenue de la part du lecteur -pas vraiment une lecture de plage ou de métro, donc, même si je l'ai lu dans le métro, mais j'ai l'habitude d'y lire à peu près n'importe quoi. Et pourtant, on se laisse porter par le récit, parce que c'est beau, tout simplement. Par le style, bien entendu : on sent l'oeuvre du poète au sens propre du terme, l'auteur a un don pour les tournures de phrases étranges au possible mais belles. Mais le récit également est beau, énigmatique, poétique au sens figuré cette fois, et empli d'un souffle épique qui encore une fois étonne dans une oeuvre prescrite par la faction la plus officielle de la République des Lettres. Comme quoi il ne faut jamais désespérer. 

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13 mai 2014 2 13 /05 /mai /2014 21:20

http://ecx.images-amazon.com/images/I/517Vz6oZ3GL._.jpgAprès avoir lu une quinzaine de romans de science-fiction écrits par Laurent Genefort (hop, hop, hop et hop), après avoir constaté avec quelle rare maestria le monsieur conjuguait intelligence du propos et souffle d'aventure chatoyante (souffle qui est également prégnant dans Omale, ce qui bizarrement n'était pas trop ressorti dans ma chronique du cycle -quatrième lien ci-dessus- chronique qui me laisse maintenant perplexe), j'étais curieux de voir ce que cela donnerait avec sa fantasy, genre dont habituellement je raffole bien moins que de la SF et avec lequel je suis volontiers exigeant. Je me souviendrais probablement de la trilogie des Hordes, dont l'intégrale est paru il ya deux ans chez Bragelonne, comme du cycle qui m'aura réconcilié avec la fantasy épique.

 

  Ce n'est pas forçément l'intrigue qui fait l'originalité de cette trilogie. Il s'agit ici d'une guerre menée par les mercenaires de Horde du Seprent dirigée par le capitaine Audric, ainsi que leurs alliés, pour...sauver le monde bien sûr. Il y a une quête, certes non pas d'un objet magique mais d'une personne aux pouvoirs magiques (une Augure surpuissantes capable de voir tous les avenirs et qui s'avérera très dangereuse). Il ya un conquérant tyrannique, et des démons prêts à envahir le monde. Bien sûr, on est pas dans la fantasy bon teint, sans être dans la dark fantasy l'univers est le plus craspec que j'ai découvert sous la plume de l'auteur, les gentils ont des côtés sombres qui évitrent le bête manichéisme, on relève une certaine tendance à prendre à contre-pied les clichés (notamment avec le jeune Marween qu'on imagine à la base être l'Elu bon teint et qui deviendra la pire crapule de la trilogie -il n'y a d'ailleurs aucun Elu). Néanmoins ce n'est pas dans l'intrigue que le romans se montre surprenant, mais bien dans l'univers...et quel univers !

  Je me doutais bien que l'inspiration science-fictive de l'auteur rejaillirait sur sa fantasy. Ce n'est pas seulement lié aux machines qui ont une allure vaguement rétrofutur, mais surtout au fabuleux bestiaire des romans. Si la base de l'univers ressemble, comme dans la majeure partie de la fantasy, à l'Europe médievale, la faune la flore, les créatures démoniaques, les espèce de mutants de labo appelés Rakinn, tout cela rappelle davantage un space op' ou, pour rester dans une référence fantasy, le splendide Dark Crystal de JIm Henson, qu'une tolkieniaiserie  classique tirant sans inspiration ses créatures de mythologies traditonnelles balisées. Cette inventivité délirante, guére surprenante chez Genefort, n'en est pas moins une grande bouffée de fraicheur  dans l'invasion des elfes, nains et autres dragons (même s'il ya des dragons dans l'univers de Hordes, mais ils sont éteints depuis des siècles).

  Cela donne une prodigieuse épopée pleine d'aventure et de bataille, d'autant plus enthousiasmante que l'auteur a le bon goût de faire plutôt court : 750 pages lui suffisent pour toute une trilogie là où d'autres auteurs en ont besoin de plusieurs milliers. Une lecture hautement recommandable, donc, que je recommande d'essayer même si est pas forcément attiré la fantays épique. 

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24 avril 2014 4 24 /04 /avril /2014 16:14

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51zjDQF5GJL._SY300_.jpgCe dernier mois et demi, j'aurais décidément été en mode space op', et même, sans trop le chercher, en mode space op' français. Après m'être enquillé une douzaine de roman du genre écrits par Laurent Genefort (hop et hop), je me suis lu tout le cycle de Lanmeur dont le troisième et dernier tome de l'intégrale, en attendant le huitème roman sur lequel travaillerait parait-il l'auteur, est paru cet été.

  Transition facile, avant de s'attaquer au texte lui-même, il faut saluer le merveilleux travail éditorial accompli par les éditons Ad Astra, qui fait oublier quelquyes défauts comme les coquilles (qu'on trouve certes dans tous les livres, mais qui ici sont parfois, pas souvent certes, carrément gênantes pour la compréhension) et qui mérite amplement son Grand Prix de l'Imaginaire. Dés le premier abord, l'objet fait envie : les couvertures d'Eric Scala sont sublimes, et c'est peu de dire que le cycle a dans l'ensemble gagné au change par rapport à sa première édition chez J'ai lu. Mais la valeur ajoutée de cette édition se trouve également au niveau du contenu, que ce soit  dans le texte lui-même (outre une nouvelle inédite, Le Secret, à la fin du deuxième tome, on compte à la fin du premier des poèmes et chansons retranchés du premier roman Ti-Harnog, et une chronologie du l'univers de Lanmeur en fin du troisième) que dans le paratexte (textes introductifs de l'auteur lui-même en début de chaque roman, et même...une interview à la fin du premier tome ! Dans l'un et l'autre Christian Léourier se montre passionnant). De la belle ouvrage à la mesure de la beauté du texte; on ne peut que regretter que ce beau travail soit plombé par les distributeurs qui n'ont parait-il même pas  déclaré le dernier tome (dont j'ai failli ne pas apprendre l'existence), rendant très difficile de se le procurer en dehors de la vente directe (je n'ai mêle aps réusi à en trouver une image copiable-collable sur ce blog, c'est dire). Comme s'il fallait que Léourier reste, comme disait un critique, "le secret le mieux gardé de la science-fiction française".  Bon, ceci dit, ça n'empêche heureusment pas que la réédition en poche du premier tome soit prévue d'ici un mois chez Folio SF.      

 

  Le cycle de Lanmeur est constitué de romans autonomes (à l'exception des deux derniers, regroupés dans le dernier tomes, qui ont en commun des personnages et un argument central sur lequel j'aurais l'occasion de revenir dans la critique roman par roman) se plaçant tous dans le contexte d'une entreprise séculaire menée par la planèter Lanmeur et nommée lea Rassemblement : rassembler sous la bannière de la planète les innombrables humanités dispersées dans l'univers et qui, bien que n'ayant pas eu accés au voyage spatial, partagent des traits communs, notamment linguistiques, avec Lanmeur.

  Cette toile de fond est l'occasion de tisser un univers et des intrigues d'une poésie rares, mêlant l'aventure et le dépaysement à la profondeur. Les mondes décrits par l'auteur ont une réelle consistance et en deviennent vertigineux, leur description s'appuient  sur de solides notions d'ethnologie. En comparaison, la faune et la flore de ces monde est très effacée, la plus grande partie est de type terrestre. D'ailleurs ce sont les sciences dures en général et leurs application techniques qui sont effécés dans le cycle : une majeure partie des romans se passent dans des sociétés archaïques ; ce fait, joint aux consonnances volontiers celtiques des noms propres (à noter que le premier roman susmentionné comporte également des références au Kalevala finnois) et à l'absence apparente de lien entre l'univers de Lanmeur et le nôtre avec lequel il a pourtant de nombreux points communs (certes, ce flou se dissipe dans les toutes dernière pages du cycle, ce que j'ai regretté, car pour un lien si ténu on aurait pu garder le mystère, ce dernier étant prégnant dans le cycle -d'ailleurs ces romans sont tous courts voire très court sans pour autant être secs), tous ces éléments donnent à ces space opera une allure plus proche de l'héroïc fantasy. La poésie qui s'en dégage est mangifiéer par une prose très élégante, malgré les réserves exprimées plus haut. Tout ceci m'a fait fortement penser un autre cycle que j'adule, celui des Contrées de Jacques Abeille (hop, hop, hop et hop) même si ce dernier est plus contemplatif et d'un style encore plus virtuose.

 

 http://www.adastraeditions.com/images/l/lan/lanmeur-2-internet-2.jpg Ti-Harnog nous montre un naufragé lanmeurien si étrange aux yeux des harnogéens que celui-ci inventent une caste  rien que pour lui. Il faut dire qu'un homme jeune est déjà étrange pour les indigènes, car ils possédent une caractéristiques physiques qui est sans doute l'une des idées les plus étonnantes du cycle : tous naissent de sexe féminin et deviennent homme entre deux âges. Le roman est sans doute le plus épique du cycle, le seul à décrire de grandes batailles, et c'est aussi une touchante histoire d'amitié entre les peuples.

 

  L'homme qui tua l'hiver ressemble à une relecture de ce mythe moderne qu'est la malédiction du tombeau de Toutankhamon. Même s'il est bien question d'une expéditon archéologique, menée par la lanmeurienne Akrèn avec le secours des indigènes, vers une cité-nécropole maudite enfouie sous les glaces de la planètes Nédim, le fantastique se trouve dans les croyances des nédans qui influent peu à peu sur Akrèn, de sorte que ce court roman s'aventure aux marges du fantastique tout en restant de la pure SF. La thématique de "l'ensauvagement" d'une représentante de la "civilisation" est passionnante, d'autant plus que Léourier y montre une grande cohérence en faisant correspondre le parcours personnel de l'héroïne à la déliquiescence de la colonie lanmeurienne au moment ou Nédim entre dans un hiver de cent-cinquante ans (la difficulté d'adaptation des lanmeurien est décidément un thème réucurrent du cycle).

 

  On retrouve le même jeu avec les frontières du fantastique, rien qu'en jouant avec les croyances ancestrales, dans le roman suivant, Mille fois mille fleuve. Cette fois, le point de vue est celui d'une indigène qui, fait rare dans le cycle, parle d'elle à la première personne, ce qui cause une immersion totale dans une culture primitive. Mille fois mille fleuves est également le seul roman du cycle à être centré sur une histoire d'amour, un amour maudit et reprouvée entre l'épouse d'un fleuve, sur une planète où toute la vie quotidienne est organisée autour de ces cours d'eau, et l'un des "hommes-oiseaux" venus de Lanmeur.

 

  Les Racines de l'oubli est sans doute le roman le plus percutant du cycle. Il est le seul à ne décrire aucune culture indigènes, sauf à travers les ruines antiques qu'elles sont laissé dans la jungle cauchemardesque de la planète Borgeoet.  Borgoet est une planète bagne où atterrissent les réprouvés de Lanmeur, drogués au léthé, la drogue qui leur fait oublier jusqu'à la raison de leur séjour dans cet enfer. Extrêmement dur sans jamais être complaisant, narré à la première personne par un personnage qui s'avère être un connard fini, ce roman est l'archétype de la littérature coup de poing, à tel point que j'ai du interrompre plusieurs fois ma lecture tout en n'ayant qu'une envie, m'y replonger. Arrivé à peu près au milieu, le roman prend en un virage déconcertant en décrivant la révolte des bagnards qui établissent un nouvel état sur Borgoet. Le malaise s'y fait plus diffus, le roman sous-entend que la violence et l'oppression sont toujours prêt à refaire surface et le héros à retomber dans ses bas instinct, mais pourtant, c'est là que le roman se montre le plus intelligent, l'auteur ne tombe pas dans un pessimisme facile qui paraîtrait un peu nauséabond mais garde une touche d'espoir en un avenir meilleur. Peut-être le point d'orgue du cycle.

 

  La Loi du monde revient aux cultures primitives dont le héros, Skiath, est issu mais est également enfant adoptif de Lanmeurien. Sur la planète Ti-Grid où chaque individu à sa propre "loi" dicté par son nom (intéressante thématique libertaire introduite -et assumée comme telle- dans une culture par ailleurs d'une dureté toute archaïque), Skiath part à la recherche de son nom véritable. Le roman amorçe un passage du cycle à des intrigues bien plus ambitieuses et complexes, à tel point qu'on est parfois un peu perdu dans les méandres de l'intrigue, sans être toutefois largué.

 

  Le Secret, la nouvelle inédite jointe aux deux précédents romans dans le deuxième tome de l'intégrale, confirme que l'auteur a un art consommé de crééer des univers très denses dans des textes très courts. Il est ici question de croyances du peuple Barth autour des oiseaux et des âmes des morts, avec la même hésitation fantastique que dans L'homme qui tua l'hiver et Mille fois mille fleuves (qui entre parenthèse ont pour autre point commun avec la nouvelle d'être la meilleure preuve du style concis de l'auteur, car ce sont les deux romans les plus courts du cycle)

 

  Le dyptique constitué par Les Masques du réel et La Terre de promesse, qui occupent le dernier tome de l'intégrale, continue sur la lancée des intrigues ambitieuses de La Loi du monde, mais dans un univers plus technologique et plus space opera, avec de vrais voyages d'un monde à l'autre, qui se multiplient de façon exponentielle dans le second roman du dyptique; j'ai toujours préféré le planet opera ou space opera classique, mais ici la concision de l'auteur fait merveille et il ne lui faut guère plus de quelques chapitres pour nous faire vivre une civilisation étrangère. Ces voyages spatiaux sont justifiés, surtout dans le deuxième roman, par le fait qu'ils se passent en fait autour puis dans un monde précis, un monde virtuel nommé l'Irgendwo. Le cycle acquiert une dimension dickienne et nous fait douter de la réalité même de l'univers de Lanmeur (et par là-même du nôtre) mais sans jamais trancher sur la question, ce qui est tant mieux pour le mystère.

 

  Ce cycle est assurément un chef d'oeuvre de la science-fiction et même pas que française.

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3 avril 2014 4 03 /04 /avril /2014 14:34

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51Jg-BQnpzL._.jpgChose promsie, chose due, chronique du cycle d'Omale dont j'avais déjà dit dans le précédent billet genefortien que j'allais le reprendre depuis le début, d'où le fait que j'ai tardé à sortir ce nouveau billet car je voulais dés le départ chroniquer le cycle en une seule fois.

 

  Comme le savent tous ceux qui suivent l'actualité essèfe, le cycle d'Omale est ressorti en 2012  (année décidément faste pour Genefort avec nombres de parutions, dont des rééditions) dans un belle intégrale de la collection Lune d'Encre, comprenant les trois premiers romans et sept nouvelles dont, si je m'abuse, quatre inédites. Il y a tout juste trois semaines est sorti un quatrième roman, Les Vaisseaux d'Omale.

 

  Le cycle d'Omale est  rattaché, comme la plupart  des romans SF de l'auteur, à l'univers des Portes de Vangk, du nom de ces artefacts spatiaux, leg d'une civilisation mystérieuse, qui permettent des voyages instantanés d'un système stellaire à un autre et donc la colonisation de la galaxie. Cependant l'univers d'Omale se situe un peu à la marge de cet univers car les Portes de Vankg  en sont quasiment absentes si l'on excepte la nouvelle Aparanta (vu que celle-ci raconte la genèse de l'univers d'Omale), elles n'y ont fonctionné que brièvement pour enfermer d'innombrables espèces à l'intérieur d'Omale, donc, un gigantesque monde creux, sphère aux dimensions d'un système stellaire selon le principe de la sphère de Dyson. Et pour être, précis, trois races (ou rehs, comme on les nomme dans le cycle) qui nous intéressent particulièrement, réunis dans une même immense oasis atmosphèrique nommée Grand'Aire, les humains, les Chiles et des Hodgqins, les seules espèces intelligentes que l'humanité rencontre dans l'univers plus étendu des Portes de Vangk. Après quinze siècles de guerre, époque appelée les Âges Obscurs, le Pacte de Loplad amène une paix fragile entre les trois rehs.

 

  http://ecx.images-amazon.com/images/I/51RxgSEtPCL._.jpgComme pour ses précédents romans, Genefort montre un grand talent et une imagination à la fois débordante et rigoureuse -lui qui remercie souvent en fin de livre des personnes qui lui ont apporté une caution scientifique- dans la création de la faune et de la flore mais aussi dans celle des sociétés, de leurs coutume, de leurs mythes, dans toutes leur complexité qui n'en fait ni des utopies ni des dystopies et fait qu'on a étrangement presque envie de vivre dans ce futurs même s'il est y fait rarement bon vivre. Mais la nouveauté, au moins par rapport aux romans précédents des Portes de Vangk, ce sont bien entendu les civilisations extra-terrestres, dont la conception est vertigineusedans sa propension à éviter l'écueil de l'anthropomorphisme et à pousser très loin la description de l'altérité, qu'elle soit physique (même si les yeux pédonculés des Hodgqins, je trouve quand même ça un peu too much, malgré le fait que ce soit justifié quelque part dans le cycle, dans une nouvelle si je me souviens bien) ou psychologiques ; c'est le même talent que l'auteur emploiera dans Points Chauds.

 

  Sachant que l'auteur est également connu pour avoir écrit une thèse sur les livres-univers, le cycle d'Omale est l'archétype  de ce genre de récit : l'univers est clairement son principal intérêt, bien davantage que les intrigues (les personnages par contre sont toujours intéressants, d'ailleurs comme toujours chez l'auteur, à se demander comment je n'ai pas réussi à le mentionner avant, même leur aspect physique montre de l'inventivité). De longs passages des romans (dont les intrigues sont autonomes) surtout à partir du deuxième, voire des nouvelles, s'apparentent à des promenades à travers un monde fabuleux, et il vaut mieux apprécier les nombreux passages explicatifs qui parsèment le récit et lui conférent un rythme volontiers lent, très loin du page turner décérébré. Par ailleurs la construction des récits montre souvent des maladresses, et elle peut s'avérer déroutante, au point qu'on ne saurait trancher en faveur d'une maladresse, dans un roman comme Les Conquétants d'Omale, deuxième du cycle, constitué de trois fils d'intrigues autonomes comme le seront ceux de Points Chauds et dont en outre l'un d'eux prend une bonne moitié de l'ouvrage.

  En fait, je trouve que ce choix de privilégier l'univers à l'intrigue passe baucoup mieux dans le cycle d'Omale que dans les précédents romans sur les Portes de Vangk, car ceux-ci, souvent courts, étaient obliger d'offrir une plus large part à l'aventure pure voire à l'action, conformément à la ligne éditoriale du Fleuve Noir, , et même si l'auteur y prenait manifestement un grand plaisir et nous aussi, je ne peux me défaire de l'impression que son talent de créateur d'univers s'y trouvait un peu à l'étroit (je crois de toute façon que c'est plus ou moins ce qu'il dit lui-même sur le site officiel d'Omale).

 

 http://ecx.images-amazon.com/images/I/41ZXocHSoRL._.jpg Contrairement à ce que j'avais prévu et qui me semble maintenant une dépense d'énergie inutile, je ne vais pas revenir  sur les chaque roman ou nouvelle. Je me bornerais à désigner mon roman préféré : peut-être bien le tout dernier, Les Vaisseaux d'Omale, qui ouvre énormément de perspective à l'univers sans pour autant sembler fouillis comme on pourrait le craindre. Il est de de plus  l'aboutissement d'un autre aspect du cycle, la dénonciation de l'obscurantisme et l'éloge du savoir, d'autant plus intéressant que le combat contre l'obsurantisme doit être sans cesse recommencé. Quant aux nouvelles, ma foi, si je devais désigner ma préférée, ce serais peut-être L'affaire du rochile, paru en son temps en un volume à part aux éditions ActuSF, et elle est peut-être ma préférée pour des raisons très subjectives : j'ai simplement toujours aimé les enquêtes policières en milieu rural et c'est un plaisir de retrouver ce genre d'histoire dans un univers comme celui d'Omale.       

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