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18 septembre 2011 7 18 /09 /septembre /2011 21:31

http://www.lhybride.org/cache/lofthumbs/570x300_220c08548cac211cc7db219bb52f46cf_XL.jpg 

Grâce à un cinéma d'art et essai que j'ai déjà évoqué (l'Hybride, pour ne pas le nommer) j'ai pu enfin faire mon baptême de ce type de spectacle très à la mode depuis quelques années, la projection-concert sur cinéma muet. Bon, en fait, c'était le deuxième événement du genre auquel j'assistais, mais le premier, déjà à l'Hybride, était une création muette contemporaine, en outre inséparable de sa bande-son live, un poétique montage des péripéties à deux à l'heure de la marionnette Tantôt

  Cette fois, il s'agissait d'un film-concert dans la plus pure tradition du genre, avec, excusez du peu, du Friedrich Wilhelm Murnau, un de ces film que je ne connaissais pas, Tabou. Murnau et Polynésie, civilisation pour laquelle j'ai déjà montré ma fascination  ici ou  , voilà le cocktail qui ne pouvez que rendre plus tentante que jamais l'expérience du film-concert.

  Evidemment, je ne vais parler que du film, car je ne crois pas que la BO de cette soirée, assurée par Amaury Cambuzat soit trouvable livrée avec (qu'il suffise de se représenter une sorte de post-rock planant agrémenté de beats éclectro, mélange curieux qui colle parfois merveilleusement au film, parfois moins bien).     

 

  Je n'avais vu jusque là qu'un film de Murnau, et il s'agissait sans surprise du canonique Nosferatu. Evidemment, l'ambiance de Tabou (film américain, et non allemand, nous sommes en 1931) est à cent lieue de la très gothique adaptation de Dracula. Murnau parle de la Polynésie, et il le fait avec toutes les idées préconçues (le mot n'a rien d'agressif dans ma bouche, quand on a une référence comme Gauguin en tête...) que peux en avoir un occidental du début du XXème siècle. La Polynésie, c'est le Paradis, les deux parties du film s'intitulant d'ailleurs Le Paradis et Le Paradis Perdu

  Pourquoi Paradis Perdu ? C'est la nuance qu'apporte l'intrigue, le tabou étant, comme on l'oublie à notre époque, un terme originaire de la culture polynésienne où il désigne les interdits sacrés. Et le tabou, ici, c'est celui qui frappe la belle Reri, jeune fille de Bora-Bora que le grand prêtre Hitu désigne comme prêtresse sacrée qui doit rester vierge. Or, une idylle commençait à s'ébaucher entre Reri et le jeune pêcheur de perle Matahi. Les deux jeunes gens décident finalement de braver les interdits et de s'enfuir ensemble, même si violer un tabou signifie la mort.

 

   L'intrigue en elle-même n'offre pas le principal ntérêt du film. On en reçoit ce qu'on en attend : une belle histoire d'amour tragique (je me suis surpris à avoir vraiment peur que le film se termine bien) dans un cadre enchanteur qui fait tant fantasmer les occidentaux. Au niveau de la rêverie exotique à la Gauguin, le pari est réussi, la réalisateur se plaisant manifestement beaucoup à filmer les scènes de vies quotidiennes, les cérémonies, les costumes, les danses...au point que le film pourrait sembler un peu longuet à un spectateurs moderne pour lequel la Polynésie n'a pas la même nouveauté qu'en 1931. La pensée m'a traversé plusieurs fois l'esprit que j'aurais trouvé certraisn passages longs s'rils n'avaient été accompagné de la BO live (qui me semblait en adéquation parfaite avec le sujet par un hasard très personnelles : l'ambiance post rock pouvait rappeler Sigur Ros, dont j'associe toujours dans mon esprit quelques morceaux de l'album ( ) (oui, c'est le titre) aux Immémoriaux de Segalen  lu à la même époque). Néanmoins, pour qui passe outre, Tabou fait honneur à ce sens du spectacle typique du Hollywood de l'époque.

  Mais côté mise en scène, on attend plus de Murnau qu'une bonne reconstitution historique. C'est là que j'en viens au choix le plus étonnant du film : celui-ci est si j'ose dire un film muet plus muet que les autres, pratiquement sans intertitres : les seuls intertitres sont les lettres écrites, la première décidant du tabou de Réri. On dirait donc bien que dans l'univers étrange de Murnau, le bonheur des Mers du Sud se passe de parole (les acteurs aussi, par conséquent, contraints à tout suggérer par le geste) tandis que la parole n'apparait que sous sa forme écrite importée d'occident et intervient toujours dans l'intrigue d'une façon sinistre. C'est le cas dès la lettre informant du tabu de Reri, certes, mais les écrits se multiplieront dans la seconde partie, le Paradis Perdu, celle qui relate l'exil des amants dans des îles plus "civilisées", et où les écrits deviendront cette fois de véritables acteurs malfaisant de l'intrigue, à cause du piège de la polyphonie des îles, et par conséquent surtout à cause des Chinois, car Murnau et son scénariste Edgar.G.Ulmer n'évite hélas pas les clichés de l'ancienne littérature océannienne selon lequels les Chinois ravagent toujours plus sûrement les Mers du Sud que les Blancs.

  A ce très audacieux choix de mise en scène, on peut toujours rajouter quelques scènes très belles, notamment celles où interviennent le rêve et où le génie propre du grand cinéaste expressionniste allemand s'exprime mieux que dans le spectacle exotique accessible à plus de caméras, ou bien la scène finale aussi sombre que suprenante, à la limite du surréalisme. Terminons avec les acteurs, où je me focaliserai sur une note de tendresse : le couple Reri/Matahi. Si le second m'a semblé un peu benêt, sans doute car il ne s'agit pas d'un acteur professionnel, et effacé derrière sa compagne qu'Anne Chevalier incarne avec toute la grâce étherée du cinéma expressionniste, il n'en résulte pas moins une réelle alchimie entre eux, qui fait s'attacher à leur couple fragile.     

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