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14 septembre 2011 3 14 /09 /septembre /2011 16:49

  Après  avoir laissé trainer l'affaire quelque jours, il est temps que j'attaque la chronique de ce week-end cinéma, où j'aurais vu pas moins de quatre film en deux jours.

 

  Commençons par une soirée à thème, l'inauguration de la nouvelle saison (que l'on osait à peine espérer) de ces rendez-vous connus des cinéphiles et cinéphages lillois sous le nom de Bon chic, Mauvais genre, et que j'avais déjà évoqué ici. La saison s'ouvrait cette fois-ci sur le thème des tueurs en série, avec le Dario Argento ouvrant traditonnellement chacune d'elle à partir de la première ou deuxième sécance, cette fois-ci L'Oiseau au plumage de Cristal, précédé de L'Etrangleur de Boston de Richard Fleischer.

 

http://s.excessif.com/mmdia/i/14/8/affiche-2009-du-film-l-etrangleur-de-boston-3690148zpjpt_1735.jpg?v=1 

Ce n'est plus un secret, parler ciné m'oblige généralement à des aveux d'incultance. Ainsi, si de Fleischer j'avais vu Soleil Vert et Les Vikings, le titre de L'Etrangleur de Boston m'était tout à fait inconnu, aussi fondateur soit parait-il ce film (inspirateur de De Palma notamment).

  Sorti en 1968, le film ce base sur des faits réels survenus en 1962, un tueur en série terrorisant Boston en étranglant d'abord de vieilles dames, puis donnant une nouvelle dimensions à la panique en s'en prenant à des femmes de tout âge.

   Nous suivons donc l'enquête des policiers chargés de cerner le tueur, sous la direction de l'inspecteur John.S.Bottomly. Sauf que loin d'accoucher un thriller convenu, toute cette enquête ne sert qu'à parler d'autre chose. En premier lieu, la politique sécuritaire des Etats-Unis de l'époque, terrifiante dans un film des années 60 (qu'est-ce qu'il en serait maintenant !). Fleischer use pour cela d'une forme inédite, celle de la juxtapositions des images sur un même écran, kaleidoscopes qui, entre arrestations de la moindre personne suspectées de déviances sexuelles, et  angoisse des victimes potentielles, crée un climat de paranoïa -qui devient ironique lorsque les prémisses d'un meurtre, avec effraction de serrure, sont noyés dans ce déluge d'image, un nouveau meurtre étant ainsi perpétré au nez et à la barbe de cet impressionnant appareil policier.

  Cette forme, sur laquelle on ne peut bâtir un film sur toute sa durée, ne suffirait pas  à traduire le climat de paranoïa de cette affaire. C'est dans l'intrigue que celle-ci se révèle dans toute sa démence, au point que l'on se demande parfois s'il s'agit bien de faits réels que dépeind Fleischer. Il y a bien sûr la raffle des obsédés ordinaires, qui permet de cueillir des oiseaux de plus en plus improbables et inquiétants, galerie pyschiatrique haute en couleurs qui contribue fortement à l'ambiance glauque du film, mais paradoxalement tous innocents, et d'autres plus innocents encore - l'homosexuel dénonçé, sur des soupçons un brin délirants, par un couple de lesbienne, et l'un des passages les plus absurdes de cette enquête paranoïaque. Face à cette faune, les policiers font bien plus qu'écouter les témoignages les plus douteux, mais usent de méthodes déloyales (chantage sur affaire d'adultère, et même une hallucinante pêche avec appât féminin) et, cerise sur le gâteau, consultent un médium télépathe, qui manque ce faire coffrer le personnage de marginal le plus inquiétant du film, mais qui s'avère innocent.

  Ca, c'est ce qu'on pourrait  appeler la première partie du film. Car celui-ci prend un vrai virage à partir d'un moment qu'il serait vain de vouloir occulter malgré son passage tardif, car il fait intervenir le psychopathe, et après tout tout le monde est averti que celui-ci est jouée par Tony Curtis.

  L'affaire prent une autre perspective : le tueur n'est pas un sexopathe mais un honnête père de famille, ce qui ne surpendrait plus personne à l'heure actuelle. Et il s'avère qu'il souffre d'un dédoublement de personnalité, le bon père de famille ignorant tout à fait le tueur qui est en lui, et le découvrir ne ferait pour ainsi dire que le tuer mentalement. Or l'inspecteur Bottmoly ne lâche pas l'affaire, ne serait-ce que pour "pouvoir respirer" et c'est là que l'enquête prend une nouvelle direction : un bras de fer entre les intérêt médicaux et les intérêts policiers, ces derniers ne ressemblant plus qu'à une obstination vaine qui ne profitera à personne. Il y a de la tragédie dans cette deuxième partie, et celle-ci se joue dans un terrain dépassant largement le cadre de l'hôpital psychatrique où prend place l'interrogatoire : il s'agit de la psyché du tueur, dont le sondage offre des images proprement hallucinantes, tel que vous n'en verrez peut-être jamais ailleurs au cinéma, et qui restent la seule chose dans cette seconde partie sur laquelle il est nécessaire de laisser la surprise.

  Il se dégage de l'ensemble du film une impression glaçante, surprenante pour un film de la fin des années 60 et par rapport à des productions plus grand public de Fleischer. 

 

http://www.darioargentoproject.com/argento/film/oiseau/oiseau001.jpg 

Et ensuite, L'Oiseau au plumage de Cristal de vous-savez-qui. Difficile de parler d'un film aussi classique, à moins d'en parler à travers son regard subjectif de newbie. J'avais vu mon premier Argento à Bon chic, mauvais genre, et il s'agissait de Suspiria, dont l'image psychédélique et la musique des Goblins avaient contribués à me plonger dans un authentique état de transe hypnotique. Rien d'aussi fort ici, même si je m'y retrouvais en ce qui concerne l'esthétique baroque d'Argento.

  Le héros, écrivain américain en voyage en Italie, voit son départ avec sa compagne remis en question en étant témoin, de passage devant une galerie d'art, de la tentative d'asassinat de la femme du collectionneur par un homme dont il n'a pas vu le visage, mais qui ne peut être que le tueur en série terrorisant la région depuis quelque temps. Le héros est resté assez longtemps enfermé à l'entrée de la galerie pour observer la scène, ce qui renforcera l'aspect intriguant du célèbre leitmotiv du film : la réminiscence de la scène du meurtre, où le témoin ne parvient pas à se rappeller quoi que ce soit d'étrange, et le détail qui lui a échappé reste le mystère central -mais pas le seul, d'autres viennt pimenter l'enquête- tout le long du film. 

  Je dois dire que cet artifice et la résolution qu'il permet m'ont déçu par leur simplicité, là où je l'imaginais permettre une série de twists, mais il s'agit sans doute de ma tendance trop forte au fantasmes de pré-visionnage. Guère besoin en réalité de surexploiter l'image, ce qui pourrait au contraire être risqué, tandis qu'Argento excelle dans la noyade poissonnière, et remplit son film avec bien d'autres rebondissements autrement plus intéressants. Du reste, inutile de se focaliser excessivement sur le mystère, comme je m'en suis aperçu : il m'a fallu me rappeller que l'esthétique baroque est le principal interêt des films d'Argento, bien au-delà du banal suspens. Avec le très sombre et gothique Suspiria  comme seule expérience, je ne m'attendais guère aux intermédes humoristiques, dont le plus déjanté est celui du peintre fou emmuré chez lui. Les rebondissements stressants ne sont pas en reste, comme la compagne du héros assiégées dans sa demeure.

  Ah, et n'oublions pas la musique qui n'est pas encore du aux Goblins, mais à Ennio Morricone, et qui est nettement plus déroutante que les canoniques compositions pour Sergio Leone. Elément indispensable de l'esthétique d'un Argento,  elle montre qu'on est en train avec ce film d'inaugurer une belle décennie, celle des années 70.    

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commentaires

T
Très bon film.
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