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5 septembre 2011 1 05 /09 /septembre /2011 21:05

  Dans un contexte, que j'espère le plus passager possible, de perte de motivation pour lire de longs livres sans images pour grandes personnes, les BD constituent le plus gros de mes lectures depuis le début de l'été, à côté de livres de contes que j'attend d'avoir rassemblé en quantité suffisante pour reprendre (enfin) le périple mythologique sur le blaugue. Cette baisse de motivation tombe mal en période de challenge Summer Star Wars V , ou en plus d'avoir envie de lire (ce qui me donne mal à la tête)(pardon pardon pardon) il faudrait avoir l'envie plus ciblée de lire du space op'. Mais, transition facile, j'aurais au moins une deuxième bayday après Moebius à chroniquer pour le challenge.

 

http://radio.grandpapier.org/IMG/jpg/druillet-salambo.jpg

 

  Pour le coup, je ne prend pas de risque, puisqu'il s'agit d'un classique de chez classique : l'intégrale de Salammbô de Flaubert revisité Druillet.

  Pour situer le contexte de cette lecture, il faut savoir que je n'ai pas lu l'original, parmi les innombrables opuscules qui prennent la poussière dans ma PAL depuis des années. Du coup, double choc pour moi, celui de la prose flaubertienne et du coup de crayon druilletien, dont de l'un comme de l'autre la renommée n'est plus à faire, et pas volée non plus comme j'ai pu le constater.

  Car l'adaptation de Druillet est du plus paradoxal : malgré le fait qu'il s'agisse d'une transposition de science-fiction, l'adaptation est fidèle, à un point dépassant tout ce que j'imaginais, au point de ressembler quasiment à une simple illustration du roman, laissant largement place au texte original (comme j'ai pu le vérifier avec certains courts de Moebius et surtout Jean-Claude Gal, la mode était aux pavés de texte dans la bayday des années Metal Hurlant).

  Certes, le début nous introduit dans l'épopée carthaginoise par le biais du space opera, et qui plus est de l'univers très personnel de Druillet : celui-ci a choisi de faire du personnage de Mâtho un avatar de son propre héros récurrent, Lone Sloane. L'introduction spectaculaire montre son vaisseau de pirates passer les portes à l'aspect fantastique qui défende le Monde de l'Etoile, dernier reste d'un Empire disparu. Puis il découvre sur l'écran de son ordinateur Salammbô, la fameuse prêtresse de Tanit, et la démence amoureuse qui en résulte l'amène à exterminer son équipage quui ne veut pas le laisser partir seul. Echoué sur le Monde de l'Etoile, Lone Sloane prend une tout autre identité qui fait oublier l'ancienne, celle de Mathô, chef des rebelles mercenaires qui feront trembler Carthage.

  L'oubli d'identité est symbolique : quand Lone Sloane s'oublie dans le personnage de Mathô, c'est Druillet qui s'oublie dans l'univers de Flaubert.

  Au niveau du texte, en tout cas, rien ne change, ou si peu : le nom du Monde de l'Etoile est encore un peu intercalé, au début, au détour de certaines phrases flaubertiennes, mais malgré tout, nous sommes à Carthage, en Afrique, dans l'Antiquité, ni les noms, ni les villes, ni les peuples ne changent. L'étrangeté de la transposition résulte du fait qu'elle ne repose que sur les dessins, comme si Druillet avait passé ce pacte avec les Mânes de Flaubert : à toi le texte, à moi l'image (rappellons en passant que l'écrivain est crédité comme auteur sur la couverture). Et le fait que Mathô soit Lone Sloane fait bien plus que n'y rien changer, mais renforce le sentiment d'un jeu d'identification entre les créateurs, répondant à celui qui lie leurs personnages respectifs dans cette adaptation.

 

  Et c'est donc un mariage (un duel ?) de Titan qui s'accomplit dans cette BD : l'histoire flamboyante, épique et noire servie par la prose d'orfèvre de Flaubert, face aux dessins de Druillet, qui ne se contente pas de déployer de magnifiques visions sciences-fictives dans des planches à couper le souffle, mais le fait avec toutes les expérimentations graphiques que permettent l'esprit des années 70. Couleurs voyantes et irréalistes, découpage complétement fou, planches conçues comme des sketchs indépendants, et même quelques incrustations de quelques images de synthèses dépassées aujourd'hui très en avance pour l'époque, et de photos de Salammbô (expérimentation moins heureuse selon moi, la prêtresse présente beaucoup mieux quand elle surgit du crayon de Druillet).

 

  Une adaptation d'un genre que, comme je l'ai déjà dit, je n'attendais pas du tout, où le plus surprenant est l'alchimie qui résulte de deux univers contrasté. En passant, peut-être la plus belle reconciliation de ces deux tribus ennemies (enfin, c'est ce qu'on dit, d'un côté comme de l'autre) que sont la SF et la littgen.

 

http://storage.canalblog.com/65/87/390509/65254762.jpg 

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