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25 février 2011 5 25 /02 /février /2011 00:31

http://www.scifi-universe.com/upload/medias/films/tiresia_aff.jpg   

Tiresia de Bertrand Bonnello  est sorti à l'occasion du festival de Cannes 2003, ce qui ne l'as pas empêché de ne rencontrer que l'indifférence générale. Dans un sens je préfére ça, je ne serais sans doute pas allé voir un film multiprimé -c'était ma minute snob du jour.

 

   Tiresia, c'est la transposition moderne du mythe de Tiresias, qui n'était pas seulement le devin aveugle consulté par Oedipe et Ulysse, mais aussi celui qui fut changé en femme pendant huit mois. Miracle qui n'en est plus un aujourd'hui : la Tiresia du film est une transsexuelle, que rencontre dans le Bois-de-Boulogne un homme qu'on devine frustré et sans doute même impuissant, lequel la séquestre dans l'espoir qu'elle accepte de vivre avec lui. Lorsqu'elle est redevenue homme, son géôlier lui crève les yeux et la laisse pour morte dans une forêt.

  Le film prend une toute autre direction après cet événement qui coupe le métrage en deux. Tiresia, redevenue tout à fait homme, est sauvé et recueilli par la jolie Anna et son père, famille très catholique qui le choie comme un parent à part entière. Autant dire qu'après le tapin au Bois-de-Boulogne et le prétendant glauque, Tiresia change tout à fait d'univers dans ce second sketch. Et puisqu'il faut suivre le mythe et que Tiresia l'aveugle doit devenir extra-lucide, la pute devient un saint homme, du moins une sorte de mage que l'on abreuve de présent pour savoir son avenir.

  Un prêtre commence à s'intéresser à ce prophète. Et c'est là que le film dérape vers un fantastique troublant : le géôlier pervers du premier sketch et le prêtre du second sont joué par le même acteur, et ont de plus énormément de points communs : un grand interêt pour l'art, ainsi que pour le jardinage, même si le premier est un jardinier raté à l'inverse du prêtre, et évidemment leur obsession pour Tiresia, même si elle est sexuelle pour l'un et mystique pour l'autre. La fin emmêle d'ailleurs sérieusement les pinceau du spectateurs sur qui et qui et ce qui se passe exactement, à en sembler presque dickien.

  Ce troublant voyage à deux faces est servi par une mise en scène exemplaire. Je dois dire que j'ai eu très peur lorsque le film démarrait : la mise en scène lente et silencieuse d'un film d'auteur ne me gêne absolument pas, mais la voix off des débuts me faisait craindre quelque chose de bien pompeux et empesé. En vérité on n'entend cette voix off qu' à deux moments précis du film  et fort à propos (il s'agit de la voix intérieure des deux sosies) et le reste de la mise en scène est toute en retenue et d'une grande richesse. Bonnello sait très bien suggérer beaucoup de chose au travers des images, sans besoin de paroles redondantes -en cela il est un authentique cinéaste et non un filmeur de théâtre comme d'autre tâcheron du film d'auteur franchouillard. Le must étant que cette mise en scène silencieuse ne compeensent pas ces dialogues affligeants de banalités qui sont devenu le tout-venant d'un certain ciné d'auteur, au contraire certains dialogues sont tout à fait sublimes, le sommet étant atteint par la confrontation de Tiresia et du prêtre. Sur un plan plus général, certaines scènes sont de purs poèmes, comme la rencontre avec Tiresia par son géôlier, qui s'enfonçe dans la forêt loin du racolage tapageur au bord de la route, jusqu'à entendre son chant.

 

  Tiresia vient à point nommé nous rappeller que le cinéma d'auteur est tout aussi menaçé de formatage que le cinéma dit de genre, et qu'il est toujours possible de s'en servir intelligemment pour en faire des oeuvres originales.

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