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7 février 2014 5 07 /02 /février /2014 10:01

http://a1.mzstatic.com/us/r30/Publication/v4/56/9f/ae/569fae55-eee4-04a5-e08e-74386f6326a8/9782221130360.340x340-75.jpgAprès Le Désert des Tartares, et des années après ce merveilleux roman jeunesse, La Fameuse invasion de la Sicile par les ours, qui a enchanté mon adolescence, il était temps que je poursuive mon exploration de l'oeuvre du grand Buzzati. Jusqu'ici, je ne m'étais pas beaucoup penché sur ses nouvelles qui constituent pourtant l'essentiel de son oeuvre. J'ai le fameux recueil Le K dans ma PAL depuis quelques années et je n'en connais encore que deux nouvelles, encore les ai-je découverte bien avant dans un contexte scolaire : Pauvre petit garçon ! au lycée et, justement, Le K au collège, mon premier contact avec Buzzati, propre à faire un sacré choc à tout juste 13 ans, quand on est pas encore sorti de la littérature jeunesse.

  Bestiaire magique  est un recueil posthume, paru en 1991 en Italie, soit presque vingt ans aptrès le décès de l'auteur, à partir de textes pour la plupart jamais parus en volumes mais en revues (essentiellement le Corriere della Serra et son édition de l'après-midi, le Corriere d'Informazione) et dont certains sont inédits. Il embrasse un peu toutes la carrière de Buzzati, puisque les plus anciennes nouvelles datent de 1933 et les plus récentes de 1971, peu avant son décès. Il est divisé en deux partie : les nouvelles proprement dites, et dans une deuxième, plus courte, les "articles", en fait des canulars qu'il est malaisé de distinguer des nouvelles. Cependant, ce vaste recueil assez hétéroclite a une unité : il s'agit exclusivement de nouvelles tournant autour des animaux.

  Un grand nombre de nouvelles sont d'ailleurs d'authentiques fables animalières, où les animaux (voir les objets, comme l'esprit de la maison dans A sa place habituelle) pensent et parfois s'entretiennent avec les humains, d'une façon tout à fait spontanée, sans explication, qui relève de la logique du mythe, de la fable, bref du merveilleux pur. Le merveilleux et très présent dans le recueil, pas toujours lié de façon exclusive aux animaux qui pensent ou parlent ; il perment de vraies fulgurances poétiques, d'une poésie tantôt  naïve, presque enfantine, rappelant La Fameuse invasion...cité ci-dessus, tantôt plus flamboyante, deployant des images fantastiques. Le merveilleux est généralement ancré dans notre monde contemporain, ce qui le rend d'autant plus féérique, même si quelques nouvelles nous emmènent, à l'instar du Désert des Tartares, dans des pays imaginaires aux allures de fantasy, fantasy borgesiennes avec Cas de conscience d'une  sentinelle, plus proche du conte de fée avec L'opportuniste. D'autres nouvelles sont plus proches du fantastique que du merveilleux et s'aventurent parfois du côté de l'horreur : Le loup nous terrifie par son mystère nébuleux, Les sorcières de la mer le fait en nous montrant plus de choses, des images fantasmagoriques digne des plus grands maîtres fantastiques, même si elles restent également environnées de brumes. Arkania Nova essaye même une incursion dans la science-fiction pour nous effrayer, mais ce n'est pas de loin la plus grande réussite du recueil, tant cette Histoire secrète soviètique ne fera plus frissoner grand monde aujourd'hui, et en aurait pêut-être un peu plus de chance si l'auteur n'en faisait décidément  trop dans l'emphase effrayante.

  Outre la poésie et les incursions dans l'effroi, l'humour et très présent dans le recueil, de manière plus ou moins discrètes, certaines nouvelles étant de vraies farces (L'opportuniste déjà évoquée est bien fendarde, par exemple). Cependant, l'humour se fait souvent grinçant, voir ouvertement noir dans Le fauve motorisé où le rire s'étrangle un peu, ce qui ne l'empêche pas d'être un excellent texte, jouissif pour peu qu'on ait mauvais esprit. Car il faut bien le dire, malgré sa poésie et sa drôlerie, et à l'exception de quelques nouvelles, ce recueil n'est pas d'une légéreté exemplaire. En  effet, on y retrouve les thèmes  cher à Buzzati, très présents dans Le Désert des Tartares et dans d'autres nouvelles, dont le peu que j'ai lu du K : angoisse existentielle, absurdité de la condition humaine et, dans ce recueil, animale. Quelquefois ce désarroi prend une allure militante, comme dans le très kafkaïen Cas de conscience d'une sentinelle où l'absurdité est celle de l'obéissance hiérarchique. Sans compter tous les textes ou transparait l'horreur de la condition animale, et qui sont entre l'autre l'occasion pour Buzzati de manifester, de façon plus postiive dans d'autres nouvelles, son amour des animaux, en premier lieu des chiens dont il a toujours aimé s'entourer et qui sont les animaux les plus récurrents du recueil, surtout dans les "articles".

  Par sa variété et la puissance de son imagination, sa maestria d'écriture même avec un style très simple et concis, rarement fleuri, ce recueil est une pure merveille.     

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