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30 décembre 2016 5 30 /12 /décembre /2016 18:18

  Le distributeur Malavida, qui fait décidément un excellent boulot, comparable à celui de ED distribution dans la mise en valeur de films rares, viennent de sortir au cinéma (et donc sans doute prochainement en DVD, heureusement, car comme une nouille ma chronique est en retard et il n'est pas sûr que la chose soit encore à l'affiche quelque part en France) quatre des tous premiers court-métrages de Walt Disney, datant d'entre 1924 et 1926, sous le titre Alice Comedies. Une bonne idée de ressortir des cartons ces rarissimes autant que ravissants premiers bricolages du maître, à une époque où les moyens considérables des studios Disney actuels n'ont d'égal que leur manque d'idée. Malavida a fait un prodigieux travail de restauration, et a eu la bonne idée de sonoriser les intertitres et les sous-titres de ces films muets pour le jeune public. Bon, peut-être était-ce une moins bonne idée de les sonoriser avec une voix d'enfant, ce qui est rasoir pour un spectateur adulte (largement majoritaire aux deux séances ciné auxquelles j'ai assisté, faut-il noter), mais vu le travail accompli et la chance de voir ces films aujourd'hui, on passera l'éponge.  

Les Alice Comedies, ce sont donc les aventures d'Alice, non pas l'Alice de Lewis Caroll que mettra ultérieurement en scène le grand Walt, mais une petite fille qui n'a rien à voir, jouée par une jeune actrice en chair et en os (Virginie Davis dans trois des courts-métrages, Margie Gay dans Alice chef des pompiers, plus tardif), et qui vit des aventures fantastiques (le plus souvent justifiée par le récit d'enfant ou le rêve, ce qui est joliment désuet) dans un univers mêlant prise de vue réelle et animation, ce que je ne pensais même pas possible dans les années 20. Un exploit technique certes, mais qui ne cherche pas à en mettre plein la vue comme nos blockbusters (dont ceux des studios Disney actuel), les moyens de l'époque ne le permettant pas (quand Alice se débat dans les tentacules d'une pieuvre dans Une journée à la mer, on n'y croit pas une seconde, mais on s'en fiche, l'imagination fait le reste), et le grand Walt n'en oublie que moins de raconter des histoires, avec toutes les qualités des grands cartoonistes de l'époque : imagination, poésie, humour.

  Mais les Alice Comedies ne dont pas seulement intéressantes en tant que divertissement, même si celui-ci est excellent. Il est aussi un témoignage très éloigné des clichés sur l'esprit de Walt Disney. Quand bien même les films du maître, et même la plupart des films d'animation des studios en général, sont pour moi un souvenir d'enfance lointain, les discussions que j'ai pu avoir là-dessus m'ont convaincu depuis longtemps que l'oeuvre de Walt n'était pas l'archétype de la mièvrerie pour laquelle on voulait la faire passer. Mais ce qui m'a davantage surpris récemment, à la faveur d'une discussion sur les réseaux sociaux, c'est d'apprendre que Walt Disney était plus novateurs qu'on ne le pense sur les questions de genre. Je vois ce que cela voulait dire après visionnage des Alice Comedies : Alice est une petite fille émancipée avant l'heure. Dans le Pestacle du Far West, elle donne une raclée à des garçons  de trois fois son poids pour les forcer à aimer ses histoires, où elle se donne déjà le beau rôle d'une sorte de Calamity Jane. Dans La Maison hantée, elle est la seule à accepter de rechercher une balle de baseball dans la maison du titre, quand tous les garçons ont la frousse. Bref, on est loin des princesse Disney, et cela ne rend que plus intéressant ces premiers court-métrages.

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30 décembre 2016 5 30 /12 /décembre /2016 17:37

 Que ce soit dit : Jean-François Laguionie est pour moi (et pas que pour moi, d'ailleurs, je viens de le lire sur Wikipédouille, sans même leur avoir copié) l'un des meilleurs réalisateurs français d'animation. A travers ses courts et longs-métrages, il tisse depuis plus de soixante ans une oeuvre remarquable non seulement par sa beauté esthétique, mais aussi par la richesse et la poésie de ses scénarios, parfois franchement originaux comme celui du Tableau. Beaucoup de ses oeuvres (la plupart, en fait, c'est peut-être moins vrai pour son plus célèbre long-métrage, Le Château des singes, plus potache, mais néanmoins intelligent dans le propos) ont la particularité de pouvoir être vues aussi bien par des adultes que par des enfants. Un long-métrage comme son premier, Gwen, le livre de sable, est sans doute même davantage destiné aux adultes, difficiles d'accès même pour ceux-ci, et le public adulte est peut-être également la cible privilégiée de son tout dernier, Louise en hiver, sorti sur nos écrans le mois denovembre dernier (et sans doute plus à l'affiche, il ne l'est plus à Lille en tout cas, c'est malin de prendre tant de retard dans ma chronique...).

Après ces grand récit d'aventures que sont Le Château des singes, L'Île de Black Morr (le plus aventureux justement, car hommage aux récits de pirates et de chasse au trésor) et Le Tableau, que raconte donc Louise en hiver ? Si on le compare à ses prédécesseurs, pas grands chose, semble-t-il. Louise, octogénaire qui vit seule dans un village en bord de mer, se prépare à rejoindre sa famille à l'automne, mais elle manque le dernier train et, faute de moyens de communication, se retrouve bloquée au village pour l'hiver. Pour comble de malchance, une inondation la chasse de sa confortable maison et la contraint à se construire une cabane sur la plage. Et c'est tout, le film ne racontera pas autre chose que son hiver sur la plage.

  C'est tout, et en même temps c'est beaucoup de chose, car le film est un magnifique récit sur la solitude et sur le handicap -il est évident que Louise n'a pas toute sa tête. Laguionie traite ces thèmes sensibles avec tact par le biais de l'onirisme, de sorte que l'aventure des précédents long-métrages n'a pas disparue de celui-ci : elle est devenue intérieure. Louise y parle avec un chien errant et avec un pendu, rêve qu'elle comparaît au tribunal des oiseaux, revis sa jeunesse dans un mystérieux monde souterrain, jeunesse par ailleurs pleine de mystère : l'un de ses amis d'enfance était-il vraiment capable de voler ? 

  Le film pourrait déstabiliser le public des précédents films de Laguinonie. J'aurais d'ailleurs été curieux de récolter l'avis du seul enfant présent dans la salle. S'il n'y rien de choquant dans le film pour un enfant (à la rigueur, certaines scènes pourrait titiller les excités de la Manif pour Tous), ceux-ci, mais aussi, soyons justes, beaucoup d'adultes, pourraient avoir l'impression qu'il ne s'y passe rien. En fait, c'est peut-être le film de Laguionie où il se passe le plus de choses. Si le sci fiste que je suis a encore tendance à lui préférer un film comme Le Tableau, force m'est de reconnaître que Louise en hiver est peut-être son long-métrage le plus personnel et le plus adulte.

Et bien sûr, c'est à pleurer de beauté visuellement.

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Published by Kalev - dans Animation
30 décembre 2016 5 30 /12 /décembre /2016 15:19

  On a parfois de belles surprises en chinant en bibliothèque. C'est par pur hasard que j'ai pris Coeur de glace dans un des bacs à BD de la bibli du coin, attiré sans doute par la fort jolie couverture. Très vite, quelques images m'ont accroché l'oeil et m'ont fait pressentir que je tenais entre les mains davantage qu'une énième bande dessinée fantasy archi-classique. Un feuilletage plus attentif m'a permis de me rendre compte qu'il s'agissait d'une adaptation de La Reine des Neiges d'Andersen ; dés lors, c'était vendu pour moi, La Reine de Neiges  ayant été l'un de mes contes préférés, peut-être même mon préféré, quand j'étais môme.

  La lecture prolongea la surprise de la découverte, car Coeur de glace est une adaptation très libre du conte d'Andersen. Parvenant à faire tenir en un peu plus de 60 pages les épisodes principaux  de la quête de Gerda à la recherche son ami Kay enlevé par la Reine des Neiges, le scénariste Patrick Pion l'a tordu et retordu dans une direction qui m'aurait rendu sceptique si on me l'avait simplement présenté sur le papier avant lecture (comme je vais vous le faire, quoi...) tant c'est devenu un gimmick : une relecture "trash", ou du moins bien plus noire. Mais avec Patrick Pion et la dessinatrice Marie Pommepuy, c'est intéressant, car la noirceur (pas très éloigné de l'esprit des contes, finalement) et ce qu'il faut bien appeler l'horreur ne font pas oublier la poésie du conte originel, et sans doute d'un peu de folklore nordique (les trois petites filles descendant la rivière sur un couffin est apparemment un motif folklorique, que j'avais déjà vu dans le film Tales of the Gimili hospital de Guy Maddin), et les deux auteurs insuffle à ce récit une certaine grâce, très bien rendues par de très jolies couleurs, pâles comme la lumière du Nord. La dessinatrice a recours à au moins deux reprises à une horreur très graphiques, très organique (c'est pas encore Cronenberg, mais il y a de l'idée), que son coup de crayon rend très bien. Mais la noirceur du récit  ne s'appuie pas seulement sur l'horreur, mais aussi sur son amoralité, et notamment sur l'égoïsme et la lâcheté du personnage de Kay, qui en donne un grand coup au mythe de l'amour pur, ici repris de façon très ironique, et donc très moderne.

Cet album est un must en matière de relecture de conte, l'ironie moderne et l'emprunt d'images  neuves à notre imaginaire contemporain n'empêchant pas un respect profond de l'oeuvre original.

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30 décembre 2016 5 30 /12 /décembre /2016 14:25

  J'ignorais tout de Panaït Istrati, auteur un peu oublié aujourd'hui, jusqu'à ce que j'assiste à une conférence, ou pour être précis à une rencontre avec Jacques Baujard autour de son livre Panaït Istrati, l'amitié vagabonde, qui s'avérait une discussion passionnante, même pour quelqu'un qui comme moi n'avait pas lu cette biographie et n'était paradoxalement pas forcément tenté de le faire, n'étant pas fan de biographies (mais bon, quand même, pourquoi pas, un jour). Au lieu de cela, je me suis attaqué directement à l'oeuvre du bonhomme, avec un de ses courts romans, Les Chardons du Baragan, comme lecture de vacances (il y a quelques chose comme la bagatelle de trois mois, très peu de temps après la dernière chronique de ce blog, c'est fou ce que je suis à jour encore une fois). 

Mais au fait, qui est Panaït Istrati ? Personnage fascinant que cet écrivain roumain d'expression française, né en 1884 dans un milieu extrêmement pauvre et entièrement autodidacte, ayant passé sa jeunesse à voyager (et à nouer de belles amitiés, pivot de l'essai de Baujard, comme son titre l'indique). Adulé par l'intelligentsia progressiste française des années 20, notamment pour son cycle des aventures d'Adrien Zograffi, il sera traîné dans la boue après avoir fait partie, avec Victor Serge et Boris Souvarine, dans leur livre commun Vers l'autre flamme, des tous premiers intellectuels à dénoncer les réalités du régime soviétiques. D'où un oubli quasi complet de son oeuvre après sa mort, assez jeune, en 1935, jusqu'aux années 60 en France et jusqu'à la fin du régime communiste en roumanie.

Les Chardons du Baragan, paru en 1924, est un très court roman, presque une nouvelle, pas plus de 140 pages, mais il s'avère très dense, sans être pour autant indigeste (encore que certains choix stylistiques...mais j'y reviendrais). Il raconte l'errance à travers la roumanie du narrateur, un môme d'une quinzaine d'année, et de son père, jeté sur les routes par la misère, contraint de quitter leur épouse et mère qu'ils ne reverront jamais. A travers les yeux du narrateur, et sans misérabilisme aucun malgré un thème qui s'y prête, nous découvrons le petit peuple de Roumanie. Pas de misérabilisme, pas seulement car la plume est pudique (la brièveté du roman empêche éventuellement les épanchements larmoyants), mais aussi car il s'agit de rendre leur dignité aux petites gens, et de construire une épopée qui n'a pas besoin de héros convenus, mais dont le seul héros est le petit peuple. Car c'est bien de raconter une révolte qu'il s'agit, les événements qui menèrent à la grande jacquerie paysanne de 1907, et, on s'en doute, à la tragédie de sa répression. 

  La quatrième de couverture dit que le roman allié "lyrisme et réalisme", ce qui est on ne peut plus vrai. Le lyrisme est présent moins dans les histoires de la jacquerie (pas de discours pompeux à craindre, le lyrisme est plus subtil)  que dans le cadre naturel du Baragan, la chaîne de montagne désolée où ne poussent que des chardons qu'emporte le vent. Pas besoin de lourdes descriptions : quelques paragraphes disséminés dans tout le roman suffisent à Istrati à planter un décor grandiose.

  Très beau récit, qui emporte le coeur ; reste la question du style. On ne peut pas dire qu'Istrati écrive mal, très loin de là ; sa plume est plutôt élégante. Mais il use et abuse d'un artifice qui rend la lecture malaisée : la surabondance de termes roumains, dont certains sont traduits en notes, mais dont la plupart ne sont pas traduits. Il y a une forme d'exotisme désuet derrière cet artifice, à l'époque où il s'agissait de faire découvrir la culture roumaine  au reste de l'Europe, et aujourd'hui on en retient surtout une lecture rugueuse.

Un roman qui accuse donc son grand âge, mais qui n'en demeure pas moins un très beau roman, où le souffle époque et lyrique est au service d'un bouleversant message humaniste.       

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Published by Kalev - dans Autres livres
16 septembre 2016 5 16 /09 /septembre /2016 11:31
Bella e perduta, de Pietro Marcello

Le film Bella e perduta ("belle et perdue" dans la langue de Dante) se sera fait discret sur nos écrans, malgré les quelque prix qu'il a remporté dans les festivals (il est plus facile de récompenser un film que de le diffuser, magie de l'industrie cinématographique).

Celle qui est belle et perdue, c'est l'Italie, et peut-être plus précisément la Campanie auquel le réalisateur Pietro Marcello rend un hommage original dans un film inclassable mêlant documentaire et fantastique. En effet, si la séquence d'introduction du film nous plonge dans le fantastique, avec un au-delà vaguement inquiétant ou tout le monde porte le masque de Polichinelle et s'exprime par grognement, si ensuite le narrateur de la séquences suivante est un jeune buffle auquel son maître décédé a demandé qu'on lui accorde le don de la parole, ladite séquence suivante est non seulement ancrée dans la réalité de l'Italie, mais met en scène un personnage qu a vraiment existé et qui interprète son propre rôle : Tommaos Cestrone, "l'Ange du Carditello" un berger (maître du jeune buffle, vous l'aurez deviné), qui s'est chargé tout seul, pendant des années, de restaurer le palais Royal du Carditello, magnifique édifice napolitain du XVIIIe siècle, tombé au main de la Camorra, la mafia napolitaine. Nonobstant les menaces dont il a été victime (les images de manifestations où l'on brandit les photos des morts sont là pour montrer qu'on ne rigole pas avec la Camorra, et le réalisateur a l'honnêteté de donner la parole à ses partisans à travers d'autres scènes de manif), il a passé des années, seuls, à nettoyer le palais devenu un dépôt d'ordure, à l'entretenir, se considérant comme un "bénévole". Le film nous montre ce parcours exemplaire avec un flou chronologique qui confère un flou onirique à ces séquences documentaires.

Seulement voilà, Tommaso, surmené par son travail bénévole, est mort d'un infractus pendant le tournage du film, et cet triste événement a fait dévier ce dernier vers le fantastique. Si, dans le film comme dans la réalité, "l'Ange du Carditello" a eu un héritage (le palais est désormais géré par l’État), Marcello lui imagine un tout autre héritage : Polichinelle en personne, le masque de la Comedia dell'Arte, intermédiaire entre les vivants et les morts, et que personne ne s'étonne de rencontrer dans la rue ou sur les chemins de campagne (au contraire, chacun parle familièrement avec lui), est chargé d'une mission par Tommaso lui-même (très belle scène où Polichinelle écoute et répond à la voix, inaudible pour le spectateur, sortant de la tombe du berger, lieu lui-même propice s'il en est au fantastique, isolée qu'est la tombe sous un arbre). Tommaso lui confie son jeune buffle Sarchiapone, auquel il a demandé au début du film que soit accordée la parole afin de témoigner de ce qu'il a vu, de cette "reggia, belle et perdue". Avec la charge de trouver un maître qui saura prendre soin de cet animal exceptionnel. Et c'est là que ça se corse.

Après un détour chez une fratrie de vieux paysans, Teresa et son frère, occasion d'apprécier le contraste entre la beauté des paysages campanien et la pauvreté de ses habitants, Polichinelle arrive chez le maître en question, un autre personnage (j'ignore si c'est le cas de Teresa et de son frère) qui semble-t-il joue son propre rôle : Genuino, berger et poète.

L'ambiguité du personnage de Genuino est la plus grande réussite du film et se situe au cœur de son propos. C'est un fascinant personnage de poète paysan, vivant dans une caverne, à la suite du duquel nous découvrons, dans des paysages campaniens toujours aussi splendides, quelques lieux légendaires du folklore rural dont l'aspect fantastique est pris au pied de la lettre (notons que le fantastique du film n'a besoin d'aucun effet spécial -tout au plus des effets sonores pour le point de vue du buffle- ce qui est extrêmement rafraichissant à l'heure actuelle). Mais Genuino, sous ses airs de "bon sauvage", est présenté sous un jour peu reluisant, ne respectant ni la culture (on le voit piller une improbable tombe antique qu'il a découvert, ce qui fait écho au saccage du Cardetillo par la Camorra) ni la nature, ne pensant qu'à son ventre quand on lu confie l'exceptionnel Sarchiapone dont il ne veut pas croire qu'il parle. Certains discours du film, dans la bouche du buffle lui-même, ressemblent quasiment à des discours végatariens ou vegan (exprimés de manière très poétique d'ailleurs) même si le propos du film est assurément plus complexe. Le rapport de l'Homme à la nature y est en tout cas central.

Malgré la beauté esthétique du film (belle photographie, belle bande-son à base de morceaux classiques) et la poésie qu'il dégage, il pourrait rebuter les spectateurs pas forcément enclins à la contemplation. Pour ma part, je ne me suis pas ennuyé une seconde, et ce film reste à mes yeux sans équivalent dans le cinéma contemporain. Une belle curiosité à découvrir, même s'il est peut-être déjà trop tard pour le voir sur grand écran.

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18 avril 2016 1 18 /04 /avril /2016 22:23

Une lecture d'un soir qui fait suite à ma relecture du magnifique L'Autre rive du même auteur, que je pensais chroniquer avant de découvrir que je l'avais dejà fait il y a quelques années.

 

Résidence dernière, petit livre paru chez un éditeur qui m'était totalement inconnu, les éditions des Busclats, autant dire que j'avais toutes les chances de passer à côté si je ne l'avait trouvé par hasard en chinant, est un recueil de nouvelles fantastiques écrites entre 2007 et 2009 et qui ont en commun le thème des écrivains en résidence. Par ailleurs le point commun est encore plus évident par le fait que les résidences d'auteurs se ressemblent beaucoup d'une nouvelle à l'autre : il s'agit toujours d'antiques châteaux à la campagne, cadre propice s'il en est au fantastique (lequel n'en est pas cliché pour autant, bien au contraire), et qui parle particulièrement à mon propre imaginaire.

Le montreur de sphinge, qui ouvre le recueil, nécessite probablement plusieurs lectures pour être appréciée pleinement. A chaud, comme ça, je n'ai pas bien saisi le rapport entre la première partie de la nouvelle, où le narrateur écrivain est abandonné à lui-même dans sa résidence et livré à ses fantasmes amoureux, et la dernière, la plus fantasque, la rencontre avec le montreur de sphinge du titre. En attendant d'avoir assez médité sur la symbolique de la nouvelle, rien ne m'a empêché d'un goûter l'ambiance. C'est des trois, le texte le plus proche de L'Autre rive, la "transfiction" par excellence, où le fantastique a les deux pieds dans la glèbe, pour reprendre une expression de Francis Berthelot à propos de l'auteur.

Les miroirs ferment mal (ce titre !) est d'un fantastique plus classique, avec la belle idée d'un miroir fermé par une grille pour empêcher sa dangereusement séduisante hôtesse de s'échapper. Un peu plus classique, peut-être, mais non seulement l'idée est originale, mais la nouvelle s'amuse avec les clichés du fantastique, genre sur lequel disserte le héros écrivain de la nouvelle.

Enfin, la nouvelle éponyme du recueil développe, à travers ces écrivains vieillissants, dont les héros Janvier et Septembre, envoyé sans ménagement vers une destination qu'ils ne connaissent pas, un absurde inquiétant et grinçant qui n'est pas sans rappeler Kafka (je me demande même s'il n'y est pas fait référence à La colonie pénitentiaire, mais je n'ai pas lu cette dernière nouvelle), avec une fin d'inspiration plus surréaliste et d'une délicieuse poésie lugubre.

Évidement, ce très beau recueil ne serait rien sans la plume de Châteaureynaud, qui n'a peut- être pas le sens de la formule aussi ravageur que dans L'Autre rive, mais déploie malgré tout une fort belle plume pour de fort belles histoire et de fort belles ambiances.

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6 avril 2016 3 06 /04 /avril /2016 06:24
Les Contes populaires de l'Egypte ancienne, de Gaston Maspéro

Dans le périple que je poursuis depuis le lycée à travers les mythologies du monde, et où la découverte des sources brutes d'un mythe lu enfant sous forme de belle infidèle a toujours été un moment de choix, j'ai été frustré jusqu'à présent en ce qui concerne l’Égypte ancienne. Les deux recueils que j'ai pu lire compilant les grands mythes, et notamment la geste divine était justement des adaptations, même si faites par des égyptologues chevronnés : La Mythologie égyptienne de Nadine Guilhou et Janice Peyré, et Contes et récits de l'Egypte ancienne de Claire Lalouette, dont je n'ai lu, pour ce dernier, qu'une petite partie. Plus récemment, pour les sources brutes, outre une édition du Livre des Morts trouvé pour trois cacahouètes en chinant, ce qui m'encourage à la laisser encore un peu de temps dans ma PAL pour au moins deux raisons (la réputation d'aridité du texte, certes, mais surtout le profil occultiste de l'auteur qui laisse augurer une vaste blague), je me suis rabattu sur les publications José Corti : Le Livre de l'Amdouat, que je ne vais pas descendre de ma PAL tout de suite non plus car lui aussi s'annonce aride (mais sérieux, a priori), et le mini-recueil Le conte de deux frères suivi de Le mari trompé, par lesquels j'ai enfin connu les sources de contes qui avaient bercé mon enfance et le début de mon adolescence. Un recueil curieux, soit dit en passant : le Conte des deux frères et l'extrait, intitulé Le mari trompé, du plus long conte de Khéops et des magiciens, ne semblait avoir pour fil conducteur que le thème de...la misogynie. Ce qui ne l'empêche pas d'être une bouffée d'air frais pour le mythologue amateur que je suis.

Et puis, cette année, il y a eu la réédition chez Phébus Libretto des Contes populaires de l’Égypte ancienne de Gaston Maspéro, recueil qui date à l'origine, si j'en crois Wikipédouille, de 1889.

Maspéro fait un travail remarquable de sérieux : comme les contes sont arrivés souvent mutilés (le recueil se termine par des fragments, dont la lecture est fatalement frustrante), il n'hésite pas à proposer des reconstitutions, entre crochets quand il s'agit de quelques mots, et quand il s'agit de récit long voire de contes entiers signalées dans l'introduction et dans les notes (j'entends par là que les notes signalent le passage d'une adaptation à de la traduction et inversement). Les introductions et les notes, justement, parlons-en : c'est du copieux, chaque conte y a droit, l'introduction est presque toujours aride dans l'inventaire des manuscrits, mais souvent passionnante, Maspéro n'hésitant pas à faire à l'occasion de la critique littéraire, ce qui, si on ne peut jurer que ça évite l'anachronisme, redonne vie à la littérature ancienne, dont on a tendance à oublier qu'elle a été lue et appréciée en son temps pour n'y voir qu'un document historique. Côté source, il brasse large : essentiellement des textes égyptiens antiques sur papyrus, sur stèle ou sur ostracon, mais aussi des extraits d'Hérodote et des mentions d'autres auteurs grecs, qui permettent d'établir des parallèles et d'esquisser la reconstitution de mythes perdus, et vers la fin, des manuscrits coptes médiévaux qui nous livrent des fragments d'un roman d'Alexandre (moi qui est toujours aimé le mythe alexandrin, j'étais aux anges).

Maspéro esquive la geste des dieux, mais présente un panorama de mythes devenus célèbres depuis : le fameux Conte des deux frères, qui est déjà notre conte populaire moderne (pour les autres récits, Maspéro préfére le terme de "roman", ce qui est assez juste), l'autre conte merveilleux qu'est celui de Khoufoui / Khéops et des magiciens, le grand roman d'aventure purement réaliste de Sinouhît, déjà popularisé par la littérature à l'époque, un autre roman d'aventure davantage teinté de merveilleux, le Conte du naufragé, des récits épiques avec le récit de la prise de Joppé, le Conte du prince prédestiné qui allie l'épopée à la tragédie (le destin implacable, encore et toujours) ou, davantage empli de bruit et de fureur, le cycle de Pétoubastis, ou encore le cycle le plus étonnant du recueil, celui de Satmi-Khamois, qui avant de changer de registre avec une légende transmise par Hérodote, nous offre deux authentiques contes fantastiques pleines d'images stupéfiantes dont certaines ne dépareraient pas dans un récit fantastique moderne. Bref, un recueil tout à fait passionnant pour quiconque s'intéresse de près ou de loin aux mythes.

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28 mars 2016 1 28 /03 /mars /2016 14:24
Florilège BD III

Le florilège BD est une formule dans laquelle j'avais rédigé deux billets il y a déjà quatre à cinq ans, et qui consiste à rassembler des chroniques de BD lues récemment en un temps très bref et dont je n'ai pas envie de faire des billets séparés. Voici le premier (occasion de me rendre compte à quelle point mes anciennes chroniques étaient naïves et mal écrites) et le second.

Pourquoi ressusciter cette antique formule ? Je devrais plutôt me demander pourquoi je l'ai abandonnée plusieurs années, alors que je continue à traverser des périodes ou je lis beaucoup de bandes dessinées à la suite. En l'occurrence, il s'agit de trois albums lus dans la même après-midi, mercredi, après que le les aie empruntés à la même bibliothèque que Black Hole de Charles Burns sur lequel j'ai choisi de faire un billet à part, parce qu'il le vaut bien (de même, j'ai choisi remettre à un autre billet mes lectures d'Enki Bilal et Pierre Christin, même si je cours le risque de ne rien rédiger du tout).

La première BD, donc, c'est Le Singe de Hartelpool, de Lupano et Moreau, paru en 2014 chez Delcourt, dans la collection Mirages. Un album adaptant en une petite centaine de page une légende anglaise du XIXe siècle, celle d'un singe échoué sur les côte anglaise, près du village de Hartlepool, avec le naufrage navire français pendant la guerre napoléonienne, pris pour un français, jugé et pendu comme un français. Le but de Lupano, affiché sur la quatrième de couv', et bien évidément de brocarder le racisme, et il livre sur le sujet une hilarante farce pleine d'humour noir. Anglais et français s'y montrent également stupides et haineux, mais comme ce sont surtout les français qui en prennent plein la figure de la part des paysans de Hartelpool, on évite une certaine complaisance dans une BD française. Les beotiania, ces préjugés d'un village sur un village voisin, sont également brocardées, dessinant une histoire plus générale du racisme. Ceci n'empêche pas des personnages positifs, en la personnes d'un médecin progressiste, de son très jeunes fils et de deux autres enfants plus âgés, dont l'autre naufragé français, un mousse qui se fait passer pour un anglais grâce à la langue héritée de sa nourrice.

Plus-value considérable à l'édition de la cette BD, celle-ci est suivie d'un dossier historique rédigé par Pierre Serna, historien de la Révolution, et illustré par Moreau lui-même. Un dossier tout à fait passionnant sur une Histoire du racisme pendant la Révolution, à partir de considérations pseudo-naturalistes sur les singes et les noirs, qui fait paraître moins délirante la légende de Hartelpool.

Changement d'univers avec une BD italienne parue dans sa traduction française chez Futuropolis, L'entrevue de Manuelle Fior. Un album de 170 pages environ (il paraît que dans ces cas-là, on parle de roman graphique, mais je me méfie de l'éventuel galvaudage de ce terme), en noir et blanc, qui se passe en Italie dans un futur proche. Un psychiatre, Raniero, jusque là enlisé dans sa vie bourgeoise bien rangée en compagnie de son épouse, perd pied après avoir eu des visions d'OVNI après un accident de la route...les même qu'une de ses jeunes patientes, Dora, qui arrive le lendemain dans son service.

L'entrevue parle, nous dit la quatrième de couverture, "des conflits de générations et de nos sociétés en pleine mutation". Un thème qui pourrait être celui de la littérature "blanche"...et il est vrai que la BD, qui laisse une large place à la dimension psychologique, sans lourdeur bien qu'il soit justement question de psychiatrie, se rapproche du slipstream, cette tendance de la SF à parler de thème de la "blanche" (tendance contre laquelle, je précise, je n'ai pas les préventions de bien des fans de SF pure et dure) et dont la quatrième de couv' suscitée semble presque un manifeste. Mais la SF est bien là, décrivant l'avenir de l'humanité sur plus d'un siècle (en effet, le dernier chapitre fait un bond dans le temps), et le conflit de génération étant l'occasion d'aborder plusieurs utopies successives, d'abord des milieux marginaux marqués par la liberté sexuelle, la Nouvelle Convention, dont fait partie Dora, puis une utopie qui concerne bientôt toute l'humanité, celle de la télépathie apportée par les extra-terrestres. Intéressant, en outre les personnage sont attachants, et l'ensemble dégage une poésie très spéciale et troublante, teintée d'une sensualité discrète mais tout aussi troublante.

Mais suffisamment parlé su scénario : impossible de ne pas évoquer la splendeur graphique de cette BD, avec son beau crayonné en niveau de gris sur lequel se greffe des expérimentations appelées "effets spéciaux" par l'auteure et confiées à une certaine Anne-Lise Vernejoul ; sans doute faut-il y classer ces incrustations d'image semblables à des photographies (des arbres près de l'hôpital, un corps nus dans la nuit, censé être celui de Dora). Une splendeur, qui concourt beaucoup à l'atmosphère poétique et sensuelle de ce roman graphique.

Je conclus avec un auteur dont, par une étrange coïncidence, j'avais parlé dans mon précédent florilège : Cyril Pedrosa, dont j'avais chroniqué le sublime Trois ombres. cette fois-ci, il s'agit de Portugal, pavé de 250 pages qui raconte une histoire à la limite de l'autofiction, celle d'un dessinateur, Simon, qui souffre de vertige de la page blanche, de dépression et dont le couple bat de l'aile, et qui trouve un second souffle dans un double voyage au pays de ses ancêtres, le Portugal, d'abord à l'occasion d'un festival BD, où il débarque sans rien comprendre de la langue, puis bien plus tard, sur les traces de sa famille restées au pays ; entre-deux, il a interrogé sa famille du côté français, en Bourgogne à la faveur du mariage de sa cousine.

Bien que n'étant pas forçément attiré par l'autofiction ou ce qui s'en rapproche, je me suis attaché aux personnages de cette BD et particulièrement à Simon (le thème de la dépression et du vertige de la page blanche me parle particulièrement, il faut dire). Je ne prétendrais pas ne pas avoir trouvé la lecture longue, il est possible que 250 pages soient un peu trop et que l'histoire se perde un peu dans la partie qui prend le plus de place, le séjour en Bourgogne à la faveur du mariage de la cousine de Simon. Mais l'aspect attachant des personnages et les secrets de famille (vision très complexes de la famille, qui ici n'est idéalisée ni en bien ni en mal, et peut-être étouffante sans être toxique, du moins pour tout le monde) finissent par accrocher. Et puis les dessins sont ravissants, avec leur leur lignes déliées et leurs dominante de couleurs chaudes. Une facette très différente de l'auteur de Trois ombres.

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28 mars 2016 1 28 /03 /mars /2016 11:11
Black Hole, de Charles Burns

Emprunté par hasard à la bibliothèque de ma petite ville, ce Black Hole aura été une claque monumentale.

Paru en 2005 et traduit en français l'année suivante, ce pavé BD en noir et blanc pend place dans les années 70 dans une ville américaine (le résumé sur le rabat de la couv' dit banlieue de Seattle, mais je ne me souviens pas avoir vu apparaître ce nom nulle part, et comme c'est la ville où a grandi Chalres Burns à l'époque qui inspire l'histoire, je me méfie). Charles Burns s"inspire donc de sa jeunesse, et la BD se passe en effet dans le monde du lycée.

Black Hole est une de ces "transfictions" qui mêle réalisme et argument fantastique : ici, il s'agit de la "crève", une maladie transmissible sexuellement et qui en traîne des mutations monstrueuses. Cette maladie ne provoque aucun étonnement chez les personnages : elle est parfaitement intégrée dans le monde de Black Hole, pourtant si proche du notre, ce qui procure un fort sentiment d'étrangeté. Les mutations peuvent aller jusqu'à une bouche sur la poitrine ou un queue animale, ces dernières n'étant pas pas les plus pesantes dans la BD car leurs victimes arrivent à les cacher aisément et en outre ne dégoûtent par leurs partenaires amoureux, tandis que d'autres personne se transforment littéralement en monstre et sont obligés de vivre dans les bois. On peut y voir là une métaphore très forte (et même pas forcément subtile : la "mue" de l'adolescence est prise au pied de la lettre plusieurs fois, offrant dés le début de la BD l'image stupéfiante d'une peau de jeune fille abandonnée dans la forêt) de la peur de devenir adulte, d'être figé dans une forme dégoûtante, physiquement, mentalement et socialement. Le fantastique complète donc l'aspect réaliste de la BD et offre une peinture au vitriol de l'adolescence et du monde merveilleux du lycée, prenant à contrepied les clichés romantiques de la période hippie (qui est de toute façon en train de mourir au cours de l'album, n'empêche que les étudiants hippies qui y apparaissent ne valent pas mieux que les ados les plus cruels). Et ce même si, paradoxalement, un authentique souffle romantique traverse la BD, avec deux histoires d'amour dont la plus belle est aussi la plus tragique.

Tout ceci n'est pas la seule force de la BD : celle-ci dérape fréquemment vers l'onirisme (voir, époque de l'intrigue oblige, vers le psychédélisme), offrant des pages surréalistes et toujours cauchemardesques, sublimées par la qualité du graphisme en noir et blanc. L'onirisme est difficile à gérer dans un récit, mais la BD n'a rien de foutraque, grâce au sens du récit consommé de Charles Burns. On peut ainsi citer la double scène où un attouchement minime mais imprudent, une main posée sur le ventre, est vécu par les points de vue des deux protagonistes, la jeune Chris délirante et le jeune Keith lucide ; ou bien la scène terrifiante où on ne sait pas exactement ce que Keith a vu par la fenêtre de la maison de Chris, même si on peut aisément le reconstituer par la suite.

Un chef-d’œuvre, assurément.

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27 mars 2016 7 27 /03 /mars /2016 18:12
Les Exploits d'Engelbrecht, de Maurice Richardson

Quoi de mieux pour tirer mon blog de ses quatre mois de sommeil que de chroniquer un texte qui se réclame explicitement d'une de mes vieilles passions, le surréalisme ?

L'anglais Maurice Richardson a créé le personnage d'Engelbrecht dans les pages du journal Liliput entre 1946 et 1950. Depuis, cette série de nouvelles a plusieurs fois sombré dans l'oubli avant d'être redécouverte ; ce ne sera pas le dernière fois de ce côté-ci de la Manche, car l'édition du Passager du Nord-ouest (j'ignore s'il y a eu d'autres traductions françaises auparavant) est déjà épuisée. Dommage pour cette excellent travail de découvreur auquel, outre une introducution d'un certain James Cawthorn, la postface de Michael Moorcock et de nombreuses illustrations apporte une plus-value certaines.

Engelbrecht est un boxeur nain qui appartient au club des sportsmen surréalistes, club où des personnages imaginaires côtoient des personnalités comme Salvador Dali lui-même. Une seule nouvelle, sans doute la meilleure, nous montera ses talents de boxeurs, à la faveur d'un combat contre une horloge comtoise. Engelbrecht excelle dans d'autres sports, comme la chasse à l'Homme ou aux sorcières, la pêche aux monstres des abysses, le golf sur un parcours étendu au monde entier, le catch contre le Kraken, la course hippiques sur toutes les montures légendaire de l'Histoire et de la mythologie, le rugby dont il disputera la coupe universelle contre l'équipe de Mars avec une équipe rassemblant toute l'humanité (cette dernière idée n'est guère exploitée dans la nouvelle Le jour où nous jouâmes contre Mars, je dois dire). Mais il excelle aussi au jeu d'échec et se pique aussi d'art, devenant mécène de l'opéra canin ou semant le désordre au théâtre végétal où les pièces durent des mois, des années voire des millénaires (une autre des meilleures nouvelles). Il se piquera même à l'occasion de politique, comme s'il s'agissait d'un sport comme un autre, se livre parfois à des activités moins bonnes pour la santé comme faire la tournée des bars pour machine en compagnie du Cerveau Mécanique, et vit même une histoire d'amour malheureuse avec la petite-fille de l'Horloge Comtoise qu'il a terrassé. .

On le voit, cette série de nouvelles est particulièrement inventive et déjantée. On peut compter sur Richardson pour ne pas limiter chaque nouvelle à l'idée de départ mais pour l'exploiter à fond, donnant chaque fois un récit très rafraichissant, très drôle et très rythmé (pour le rythme, même Ballard le dit, c'est donc que c'est vrai), rythmé un peu comme un récit sportif finalement, (le moindre exploit de Richardson n'est pas de m'avoir fait adhérer à des pastiches de récits sportifs, moi qui suit allergique au sport). Et ce même si, trait fondamental de la série qui pourrait rebuter certains mais m'a plutôt plu et fait pour moi la force drôlatique de cette œuvre, c'est ultra-référentiel, à tel point que l'édition du Passager du Nord-ouest fourmille de notes sur des points de détail parfois totalement obscurs pour le public de ce côté-ci de la Manche, qu'il s'agisse de références historiques, littéraires ou mythologiques, de jeux de mots sur des vers de poètes ou de références à la politique de l'époque ou, bien entendu, au sport. Les illustrations elles-même, confiées à plusieurs dessinateurs, se montrent référentielles, inventant des tableaux de Goya et de Gustave Doré censées se trouvé dans les archives du club des sportsmen surréalistes. Sur l'originalité de cette série, on peut aussi noter que l'auteur a de la suite dans les idées, des traits sont récurrents d'une nouvelle à l'autre, tels ces exploits sportifs qui semblent durer des siècles.

Une très belle curiosité à découvrir.

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