Le distributeur Malavida, qui fait décidément un excellent boulot, comparable à celui de ED distribution dans la mise en valeur de films rares, viennent de sortir au cinéma (et donc sans doute prochainement en DVD, heureusement, car comme une nouille ma chronique est en retard et il n'est pas sûr que la chose soit encore à l'affiche quelque part en France) quatre des tous premiers court-métrages de Walt Disney, datant d'entre 1924 et 1926, sous le titre Alice Comedies. Une bonne idée de ressortir des cartons ces rarissimes autant que ravissants premiers bricolages du maître, à une époque où les moyens considérables des studios Disney actuels n'ont d'égal que leur manque d'idée. Malavida a fait un prodigieux travail de restauration, et a eu la bonne idée de sonoriser les intertitres et les sous-titres de ces films muets pour le jeune public. Bon, peut-être était-ce une moins bonne idée de les sonoriser avec une voix d'enfant, ce qui est rasoir pour un spectateur adulte (largement majoritaire aux deux séances ciné auxquelles j'ai assisté, faut-il noter), mais vu le travail accompli et la chance de voir ces films aujourd'hui, on passera l'éponge.
Les Alice Comedies, ce sont donc les aventures d'Alice, non pas l'Alice de Lewis Caroll que mettra ultérieurement en scène le grand Walt, mais une petite fille qui n'a rien à voir, jouée par une jeune actrice en chair et en os (Virginie Davis dans trois des courts-métrages, Margie Gay dans Alice chef des pompiers, plus tardif), et qui vit des aventures fantastiques (le plus souvent justifiée par le récit d'enfant ou le rêve, ce qui est joliment désuet) dans un univers mêlant prise de vue réelle et animation, ce que je ne pensais même pas possible dans les années 20. Un exploit technique certes, mais qui ne cherche pas à en mettre plein la vue comme nos blockbusters (dont ceux des studios Disney actuel), les moyens de l'époque ne le permettant pas (quand Alice se débat dans les tentacules d'une pieuvre dans Une journée à la mer, on n'y croit pas une seconde, mais on s'en fiche, l'imagination fait le reste), et le grand Walt n'en oublie que moins de raconter des histoires, avec toutes les qualités des grands cartoonistes de l'époque : imagination, poésie, humour.
Mais les Alice Comedies ne dont pas seulement intéressantes en tant que divertissement, même si celui-ci est excellent. Il est aussi un témoignage très éloigné des clichés sur l'esprit de Walt Disney. Quand bien même les films du maître, et même la plupart des films d'animation des studios en général, sont pour moi un souvenir d'enfance lointain, les discussions que j'ai pu avoir là-dessus m'ont convaincu depuis longtemps que l'oeuvre de Walt n'était pas l'archétype de la mièvrerie pour laquelle on voulait la faire passer. Mais ce qui m'a davantage surpris récemment, à la faveur d'une discussion sur les réseaux sociaux, c'est d'apprendre que Walt Disney était plus novateurs qu'on ne le pense sur les questions de genre. Je vois ce que cela voulait dire après visionnage des Alice Comedies : Alice est une petite fille émancipée avant l'heure. Dans le Pestacle du Far West, elle donne une raclée à des garçons de trois fois son poids pour les forcer à aimer ses histoires, où elle se donne déjà le beau rôle d'une sorte de Calamity Jane. Dans La Maison hantée, elle est la seule à accepter de rechercher une balle de baseball dans la maison du titre, quand tous les garçons ont la frousse. Bref, on est loin des princesse Disney, et cela ne rend que plus intéressant ces premiers court-métrages.