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30 octobre 2013 3 30 /10 /octobre /2013 21:48

http://lhybride.org/images/stories/2013/philippekdick/thanatomorphose_01.jpgFilm vu à l'occasion d'une improbable édition européenne du new yorkais "Philip.K.Dick film festival", qui a eu lieu...à Lille, dans ma résidence second...euh, je veux dire, à l'Hybride, cinéma qui a beaucoup alimenté les pages de ce blaugue.

 

Thanatomorphose, film hispano-canadien mais en fait surtout canadien car tourné en angliche, est un film que je n'ai pas apprécié tout de suite. Tenté de piquer un somme au début, tout juste à moitié convaincu à la fin, c'est en cogitant dessus le lendemain que je me suis rendu compte à quel point il était cohérent et pertinent dans ses choix, qu'il y a avait beaucoup à en dire, et je me suis dit que je n'y ai vu une certaine facilité auteurisante que parce que le film était difficile d'accés. Je pense qu'un second visionnage serait bienvenu, mais l'occasion est hélas hasardeuse pour un film aussi obscur. 

  Le scénario tiens sur un timbre-poste et on ne peut d'ailleurs pas vraiment parler d'intrigue : une jeune femme remarque, après une partie de jambe en l'air avec son compagnon, une tache noire sur son épaule, qui sera le début d'une maladie qui la fera littéralement pourrir vivante. Oui, c'est frais et léger comme l'été, et on peut davantage parler de film gore que de film d'horreur, mais d'un gore intelligent qui renoue avec tout le potentiel angoissant du genre : une méditation sur la condition humaine. Si.

  La force tiens du film ne tiens pas seulement dans ses aspect spectaculaires (le côté gore, très bien rendu pour un film que je suppose à petit budget) mais de façon moins évidente dans des choix de réalisation qui le rendent, comme dit plus haut, difficile d'accés. Déjà, il ne faut pas s'attendre à une intrigue suivie (oui je me répéte)  et pas davantage à un rythme trépidant. Il n'y pas vraiment de tension dramatique dans le film, juste la lenteur et l'avancée inexorable du pourrissement.

  Ensuite, la mise en scène très dépouillée semble a priori épouser les pires tics du cinéma auteurisant, "de genre" ou pas, avec notamment, avant de lancer les hostilités gores, un souci du micro-détails du quotidien  qui peut sembler du remplissage de la pire espèce...mais en fait il en va de ces scènes de "remplissages" comme de celles de  Soudain le 22 mai, de Koen Mortier, c'est à dire qu'elles ne sont pas gratuites, mais pour des raisons différentes du film flamand. Et pour accepter ces scènes, il faut en accepter la partie qui peut sembler la plus risibles, voir ridicules : avant de ne rien nous épargner côté gore, le film ne nous épargne pas non plus le couple qui ne cesse de se balader nus comme des vers dans leur appart, ni la demoiselle assise dans le même appareil sur le trône des WC...c'est que toutes ses scènes auront leur écho dans le cauchemar qui commence, et donne à rendre compte d'une réalité effrayante : la vie de la jeune femme prépare sa déchéance et celle-ci n'y change pas grand chose. Non seulement sa vie de personne à peu près en bonne santé n'est pas du tout reluisante, entre sa carrière d'artiste ratée qui ne lui apporte même plus de plaisir, sa vie amoureuse tout aussi merdique -pour une fois il est utile qu'une actrice ne soit guère expressive, pour suggérer la dépression qui la gagne- mais inversement elle fera tout pour garder les apparences de la normalité même en train de se métamorphoser en cadavre vivant, refusant d'aller à l'hôpital et tentant de poursuivre sa vie comme si de rien n'était, de retrouver un nouvel élan dans la sculpture, de vouloir encore séduire (l'occasion de s'aperçevoir que le film ne dédaigne pas l'humour noir), et gardant même des réflexes aussi ridicules que, entre autres, maquiller son visage en décomposition avancée.

  Ce cauchemar existentiel dont la maladie étrange n'est qu'une manifestation physique est rendu plus âpre encore par le huis clos dans laquelle se passe intégralement  le film, dans la maison de "l'héroine". Un détail qui se rappelle à nous à la fin, scellée par une scène tout à fait percutante, tant sur le plan symbolique sur sur celui de l'esthétique, entre surréalisme, poésie macabre poussée à l'extrême et humour noir déséspéré.

  Notons quelques plans mystérieux qui viennent complexifier le film, casser un peru sa trop grande linéarité et nous intriguer : des scènes trafiquées numériquement et assourdies de son noisy aggressifs, où se déroulent des faits dont on se demande s'ils sont purement oniriques, des scènes qui sans conteste le sont vraiment mais filmées de manières réalistes, un montage d'images d'animaux pourrissants pour encore nous enfoncer la tête dans la m*. On compte dans l'intrigue principale pas mal de plans flous, qui m'avaient aussi énervés  au premier visionnage (artifices branchouilles, selon mes préjugés cinéphiliques) mais qui contribue très bien à l'ambiance dégueulasse du film. Et comment ne pas dire un mot sur la musique ? Agrémentée d'emprunts au répertoire funèbre de la musique classique (ce qui ne manque pas de faire sourire au générique, probablement à dessein), son thème principal est composé, 'scusez du peu, pas les Black Angels, qui délaissent ici leur rock psychédélique (que je ne connais guère, à vrai dire) pour un petit air de violon strident très "musique contemporaine", utilisé très sobrement à certains moment clé du film, de quoi rendre ce thème plus frappant. 

 

  J'en viens à espérer une édition DVD francophone de ce film, au moins avec des sous-titres. Hélas, c'est loin d'être garanti. Je me demande même s'il y aura une édition DVD pour ce film auto-produit (oui ça n'aide pas) qui risque de sombrer trop vite dans l'oubli.

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