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23 octobre 2011 7 23 /10 /octobre /2011 14:04

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J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer, au cours d'une étape du périple mythologique l'excellente collection Aux origines du Monde chez Flies France, qui est sans conteste l'une des  meilleures collections mythologiques dites "pour la jeunesse" et dépasse d'ailleurs largement ce dernier statut. Avec sa propension à privilégier les textes originaux les plus bruts et sa citation systématique des sources (dernière pratique que je n'ai vu nulle part ailleurs en jeunesse), Aux origines du monde s'apparente, comme je l'ai déjà dit, à une collection universitaire pour jeunes.

 

  Au milieu de la collection, Histoires du Roi Salomon, le dernier titre en date, surprent à plus d'un titre. Il ne rompt pas seulement avec la tradition, qui donne son titre à la colllection, des recueils de mythes étiologiques ; il ne se contente pas d'être le premier numéro à regrouper des contes selon un thème et non pas par pays ou peuple ; il est également, sans doute, le premier à relever explicitement de l'adaptation littéraire. Catherine Zarcate, son auteur, est conteuse et s'est spécialisé dans le mythes tissé au fil des siècles et à travers le monde autour du fameux roi d'Israël.

  Pourtant, la tradition de sérieux de Flies France est respectée, et à cette occasion la conteuse revendique fiérement le travail de recherche proche d'un niveau universitaire qui sous-tend celui de raconter des histoires : le volume se clot sur une abondante bibliographie, et, plus passionnant et plus digeste, une liste des sources des contes qui reste assez évasive  (on se contente de dire le plus souvent "tradition juive, arabe, éthiopienne, arménienne" au mieux on cite la Bible, le Midrash, le Coran ou l'auteur Edmond Flegg) mais précise avec minutie ce qui relève de l'invention de l'auteur.

  Car l'honnêteté de celle-ci, désarmante quand, en mythologie comme ailleurs, de prétendus grands savants, qui mépriseraient probablement ces saltimbanques que sont les conteurs, nous servent avec flegme des théories douteuses au service parfois d'idéologies tout aussi douteuse,  cette honnêteté est à double visage : elle revendique à la fois sa volonté de coller aux sources du mythe et celle de s'en servir avec liberté.

  Pourquoi adapter le mythe librement ? Les puristes pourraient soupçonner ce qu'il est à la mode d'appeler le "politiquement correct", et en  effet certaines adaptations de l'auteur sont idéologiques : elle reconnait n'avoir pas voulu conformer ce personnage de Sage parmi les Sages à la la loi du Talion, et a ainsi inventé quelques apologues qui sans sonner trop "moderne", en revêtant encore l'aspect de conte oriental, sonne moderne dans leur morale d'universalité et de tolérance. Est-ce à dire que Catherine Zarcate se soumet à la "dictature des Droits de l'Homme" (dixit la Nouvelle Droite et compagnie) ? Plus sérieusement, l'auteur a le bon goût de ne pas soumettre la philosophie du grand roi à notre vision moderne, en n'oubliant pas de citer abondamment les phrases qui lui sont réeellement attribuée dans la tradition depuis la Bible.

  Mais surtout, l'adaptation ne se contente pas d'être vulgairement idéologique. ll s'agit d'un travail d'écrivain qui prolonge le merveilleux antique de menues inventions aisées à placer dans leur continuité, et qui assure également une cohérence au mythe afin de le présenter comme un roman. Car le mythe du Salomon, c'est avant tout du rêve, un rêve d'utopie, royaume idéal tant par la sagesse de son administration que par les merveilles poétique qu'il renferme, festival d'imagination orientale qui se recoupera d'ailleurs parfois avec Les Mille et une Nuits, rêve d'amour avec cette autre reine d'utopie qu'est Balqis de Saba (pour l'histoire de laquelle les traditions éthiopiennes sont à l'honneur) et Nahama dont l'histoire a visiblement été romantisée par l'auteur, rêve d'aventure avec le cycle du démoniaque Asmodée qui après avoir aidé à la quête que Chamir usurpe le trône et expédie Salomon en Inde, le contraignant à un long et humiliant (mais dans un sens finalement bénéfique) voyage de retour.

    Sur le plan philosophique comme sur celui de l'univers, Catherine Zarcate montre bien sa volonté de s'approprier le mythe pour faire ressortir son universalité et son intemporalité (qui ne sont pas des mots creux quand on songe aux siècles et aux civilisations qui se sont approprié la légende) et reste en même temps à cent lieu de la la trahison, parce que ses libertés s'accordent  merveilleusement aux récits d'origines, et parce que l'honnêteté désarmante évoquée plus haut.

  Un chant de gloire pour le grand mouvement de Renouveau du Conte, qui ne faiblit pas d'un poil après un demi-siècle, et une surprise aussi audacieuse qu'agréable  de la part des éditions Flies France, qui pourraient avec ce livre gagner un nouveau public, plus réticents à l'archaïsme de certains de leurs autres ouvrages.      

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