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27 janvier 2017 5 27 /01 /janvier /2017 17:13

Dans cet article, il sera moins question du film réalisé en 2007 par Gabor Csupo, qui a popularisé l'univers de Terabithia, que du roman dont il est adapté. Je ne m'interdis pas cependant de faire référence au film, que j'ai vu surtout dans l'optique de rédiger cette chronique en connaissance de cause, dont je n'attendais pas grand-chose, et qui m'a agréablement surpris.

  Le roman de Katherine Paterson risquerait de surprendre les mômes (et grand mômes) qui ont découvert l'univers de Terabithia par le film, qui lui-même devait, j'imagine, être plutôt surprenant pour un jeune fan de fantasy alléché par ce qu'on vendait comme le nouveau "Monde de Narnia", et découvrant avant tout un drame intimiste enfantin où l'aventure fantastique n'est pas l'enjeu principal. Le roman est très différent du blockbuster de fantasy riche en effets spéciaux en lequel les producteurs hollywoodiens ont tenté, avec plus ou moins de bonheur, de déguiser ce drame enfantin. Le sujet principal est un sujet réaliste : l'amitié de deux enfants esseulés, de milieu sociaux contrastés mais tous deux rejetés par leurs camarades, et qui s'inventent un pays imaginaire dont ils sont Roi et Reine. Mais non seulement le royaume de Terabithia est "décrit" d'un point de vue purement réaliste (le film, dans son choix, qu'on peut juger discutable autant qu'inévitable, d'épater le public avec des images merveilleuses, explicite fatalement la dimension fantastique : les deux enfants sont obligés de "voir" la même chose), non seulement il ne paraitra au lecteur que comme une cabane de planches au milieu des bois, mais de plus nous ne saurons quasiment rien de ce que les deux enfants imaginent. A la différence du film, on ne sait rien de Terabithia, de son peuple, des ennemis que combattent le Roi, la Reine et leur chien Prince Terrien. Cela n'intéresse pas Paterson : le roman est bien intimiste, une version pour la jeunesse de ce qu'on a nommé de notre côté de l'Atlantique, à une époque bien postérieure (le roman date de 1977) une "transfiction", ces textes à la limite entre la littérature de l'imaginaire et la littérature générale.

  Cette transfiction enfantine, qui porte des thèmes forts, a tout pour être un texte bouleversant, d'autant qu'il raconte une tragédie enfantine inspirée de la mort de la meilleure amie du fils de l'auteure. Et l'histoire parvient à faire effleurer l'émotion, même pour un lecteur adulte comme moi, pour peu qu'il parvienne à se replonger dans sa propre enfance et dans ses problèmes devenus ridicules avec le recul, dans cette époque si cruelle (innocence mon cul)  où le regard des autres est si important. Le roman aborde en outre d'intéressantes questions sociales et diffuse un anticonformisme agréable : s'il y a un choc des cultures de classe, les parents de Leslie et la professeur de musique dont Jess est amoureux sont davantage des hippies que des bourgeois bon teint, et les réflexions sur la religion sont surprenantes, rien moins qu'intégriste, chez une auteure d'éducation presbyterienne.   

  Le problème, c'est que l'écriture de Paterson n'est pas, mais alors pas du tout à la mesure de son sujet. Ce n'est pas qu'une question d'ornements littéraires : certes, la plume est assez lourde, perclus de traits infantiles et d'une irritante naïveté, mais à  à la rigueur, ce n'est pas trop grave. Ce qui l'est plus, c'est son incapacité à susciter l'émotion quand arrive la tragédie. Vu le côté biographique de celle-ci, il est impensable que l'auteure ne sache pas la douleur d'un enfant confronté à la mort de sa seule amie. C'est vraisemblablement d'une maladresse d'écriture qu'il s'agit, et c'est bien dommage, en plus de ne paraitre que plus indécent quand on sait la part de réalité du récit.

A la réflexion, je crois que cet aspect émotionnel passe beaucoup mieux en film. Contre toute attente, celui-ci est peut-être supérieur au roman, et ce n'est même pas du au délire visuel, intéressant et plutôt poétique (surtout dans la scène finale), mais superflu, davantage là pour vendre le film qu'autre chose (plus je vieillis, plus je reste de marbre face aux effets spéciaux modernes, dés qu'il ne s'agit plus des sublimes vieilleries artisanales à la Ray Harryhausen...comment ça vieux con ?). Intéressant à voir pour constater que même le blockbuster hollywoodien peut encore être intelligent et sensible (en tout cas pouvait encore l'être en 2007). Il peut aussi être intéressant de lire le roman, même si, en ce qui me concerne en tout cas, il laisse un arrière-goût d'échec.   

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